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[Requête] Nunc Melior

[Requête] Nunc Melior Brandw10
Jeu 22 Fév - 22:58

Un homme que la société avait tourmenté dès son plus jeune âge. Des années plus tard, alors que la vie d’un être humain était si courte, le voici de retour à la source de ses problèmes. De retour dans la région d’Opale, donc. Ces récentes enquêtes l’avaient menées ici, du moins au Magistère. Mais c’était encore bien trop vague pour vraiment s’en prendre à ces derniers. S’ils étaient capables des pires immondices, les sujets pouvaient rarement mener une existence presque paisible. Une prime aurait été mise sur sa tête, des traques incessantes déployées, mais rien de tout cela. Seulement une présence qui l’observait de loin. Au début, Artémis tenta de les appréhender, en vain. Il avait décidé de vivre avec cette présence, de les amadouer, puis de les prendre par surprise. Ce jour était enfin arrivé.

« Œil-De-Nuit, Vilain, partons à la chasse. », dit-il très calmement au majestueux loup blanc et au yearrk.

Un plan très bien ficelé. Ils partirent tous les trois dans une direction opposée de celle des observateurs. Le canidé et le yearrk se déplaçaient évidemment trop rapidement pour être suivis, alors ils se contentèrent du Portebrume, leur cible naturellement. L’homme aux cheveux d’albâtre s’arrêta au cœur d’un petit espace dans lequel les arbres ne semblaient pas pousser. Il était seul dans ce cercle au milieu des arbres. Quelques instants plus tard, des cris, du sang, des hommes qui sortirent de leur planque pour finalement retrouver Artémis. Un léger sourire en coin, le vagabond dégaina son sihil et perfora en plein cœur le premier arrivé. Les autres se calmèrent et semblèrent complètement désemparés. En réalité, il n’en restait plus que deux d’entre eux. Œil-De-Nuit et Vilain s’étaient occupés des quelques autres. Les voici revenus, la gueule en sang, manifestement rassasiés. Les deux hommes étaient maintenant encerclés.

« Bien, bien. J’aurais préféré faire votre connaissance dans d’autres circonstances, mais vous ne m’avez jamais laissé vous attraper avant ce jour. Aujourd’hui, je suis bien mieux accompagné, il m’a été aisé de vous cueillir. Maintenant, deux options s’offrent à vous : la première étant de répondre à mes questions et survivre ; la seconde, moins alléchante, est de vous taire et mourir dans d’atroces souffrances. »

Derrière eux, deux animaux féroces, aux dents teintés du sang de leurs défunts camarades. Devant eux, un homme bien réputé pour avoir survécu à bien plus que deux espions sans envergure. L’un des deux sembla craindre de sa vie s’il révélait des informations. Artémis ne put s’empêcher d’afficher un sourire fier, carnassier, revanchard et rempli de provocation. Ce ne fut pourtant pas une insulte de la part du pauvre espion, mais une réelle crainte quant à sa survie.

« Si cela peut te rassurer, vieil ami, ton employeur ne sera plus de ce monde dès lors que tu m’auras indiqué sa localisation. Vous savez pourquoi il vous envoie m’observer, alors vous imaginez pourquoi je souhaite anéantir tous ceux qui ont participé à ces expériences sur ma personne. »

L’homme aux cheveux d’albâtre avait été suffisamment convainquant, puisqu’il décida de coucher toutes les informations qu’il détenait. Excepté la localisation, information la plus importante, ils ne savaient pas grand-chose d’autre. Leur commanditaire ne leur avait demandé que de suivre le vagabond et de lui envoyer des rapports réguliers sur ses évolutions. Rien de plus. Ils étaient néanmoins certains de ne pas agir pour le Magistère, du moins pas directement. Une curiosité qui intéressait là aussi le vagabond. Rassuré d’avoir écarté ses parents de cette manigance, il cherchait à savoir comment avait-on pu les leurrer au sein même de lieu de travail. Mais s’il ne s’agissait pas vraiment du Magistère, cela réglait plus ou moins la question. Kidnapper des enfants pour des expériences était si courant.

Il siffla un bon coup. Le loup blanc et le yearrk disparurent et un magnifique pégase noir arriva peu de temps après. « Ablette, mon amie, nous allons enfin mettre du sens à mon existence. », fit-il en lui caressant le museau. Il grimpa ensuite sur son dos et lui ordonna gentiment de prendre son envol.


Dernière édition par Artémis De Goya le Ven 23 Fév - 16:11, édité 5 fois
Ven 23 Fév - 10:02

"Papa". C'est incroyable ce qu'un si petit mot, ce que ce si banal enchevêtrement de syllabes enfantines peut dissimuler de profond, d'animal. Il peut être doux, ce petit mot, quand il est l'un des tous premiers qu'on entend. Il peut être dur, un peu plus tard, quand il sert de porte étendard à une adolescence qui se veut indépendante. Il peut être amer, enfin, quand il a le goût des regrets, qu'il se teinte des nuances blafardes d'une vie d'adulte dont l'espoir s'est envolé. Mais il n'est jamais dénué d'amour. Sinon, on lui préfère plus généralement les mots de grandes personnes, les mots définis, les mots définitifs. Ces mots qui n'ont plus rien d'enfantin, les mots du dictionnaire. "Père", "géniteur", "paternel". Rien de tout ça ne s'appliquerait à lui.

- Lester. Dit simplement Lillie en pénétrant dans les appartement du scientifique. Elle avait à peine eu le temps, depuis son arrivée à Opale, de se doucher et de passer des vêtements propres. Sur sa mine triste ruisselaient ses mèches roses délavées, comme autant de néons tard sous la pluie du soir. Son treillis lui tombait aux chevilles, ses baskets trouées attestaient, si ce n'était de sa pauvreté, de l'utilisation trop intensive de son pouvoir. Son large pull à capuche lui aussi avait souffert de ses transformations. Elle n'avait l'air de rien et c'est précisément ce qu'elle voulait. Que ce moment ne soit rien.

- Lillie... Lillie c'est toi ? Ma fille ? Loués soit les Douze ! Lester avait tourné la tête à la mention de son nom. Assis à son bureau - où seul un minuscule espace lui permettait encore de faire tenir une feuille au milieu des montagnes de dossiers occupant le reste de l'aggloméré - il s'était levé d'un bond, rechaussant ses lunettes comme pour mieux voir l'inattendue. Il n'avait pas tellement changé, pensa Lillie. Comme elle, il était grand et trop maigre. Sa longue blouse blanche trainait presque par terre, renforçant l'image d'un épouvantail sur qui on aurait jeté le dernier tissu de la maison. Ses cheveux blancs se dressaient sur sa tête en une masse informe. Sous ses lunettes rondes, ses minuscules yeux gris se battaient pour se frayer une place entre ses épais sourcils et ses cernes gonflées. Il avait l'air d'un fou, c'est vrai, mais pas d'un méchant fou. Il n'avait pas dans le regard cette lueur cruelle que Lillie avait imaginé pendant ses années d'exile. Il n'émanait pas de lui cette aura violacée, et il y avait fort à parier qu'il n'avait pas de rire gras et tonitruant, comme les méchants des dessins-animés.

- Qui veux-tu que ce soit, Lester ? Ce n'est pas toi qui a envoyé le gros Jerry pour me retrouver ? Difficile de feindre la surprise quand on commandite un enlèvement, non ? Elle recula d'un pas. Elle se savait faible. Le moindre contact suffirait à adoucir sa haine. Lui, en revanche, avança encore. Il tendit le bras, sans la toucher, secoua la tête doucement.

- Un enlèvement..? Non, Lillie, non. Je voulais simplement de tes nouvelles. Pas un jour ne passe sans que je ne pense à toi, pas un. Et je n'y tenais plus, je devais te revoir. S'il avait fallu que je voyage dans tout Uhr pour se faire, je n'aurais pas hésité une seule seconde. Mais je n'avais rien, rien à part une probabilité. Celle que tu sois encore à Xandrie. Sans l'aide de Jerry, je serais mort avant même de t'avoir retrouvée. Les verres de ses lunettes amplifiaient la taille des larmes qui perlaient aux coins de ses yeux. Sa voix s'était brisée, elle non plus n'avait rien de commun avec celle qui vivait dans les souvenirs de Lillie. Elle était bien plus abimée, bien moins grandiloquente. "Peut-être as-tu besoin de te reposer ?" Lester n'irait pas plus loin, pas aujourd'hui. Il savait que la moindre maladresse de sa part ferait fuir sa fille comme un chat apeuré d'un bruit trop soudain. Il lui confia du linge propre - tout un tas de vêtements qu'il avait fait acheter pour elle - et ne l'embêta plus.

L'appartement n'avait pas changé. C'était toujours le même plancher piqué par les vrillettes, toujours le même plafond aux moulures écorchées. Il y avait partout cette même odeur de camphre, partout ces papiers en vrac, ces ampoules nues et ces meubles d'un autre temps. Debout dans la pièce à vivre, Lillie devina sur sa gauche la cuisine, qui n'avait de cuisine que le nom, puisque même du temps de sa mère, personne n'y cuisinait jamais. Le petit escalier à la droite du bureau de Lester montait sur sa chambre, ce lieu mystérieux où jamais la jeune Lillie n'avait pénétré. Et puis, à gauche, au fond, il y avait sa chambre à elle. Ce petit bout de pièce, ces quatre murs vers lesquels elle avançait maintenant. Tout y était exactement comme elle l'avait laissé, des années auparavant. Il y avait cette minuscule fenêtre, sous laquelle trônait un petit radiateur en fonte. Il y avait ce lit, à l'opposé, paré d'une belle couette aux motifs fleuris. Il y avait ces posters, partout, d'actrices opaliennes, de chanteurs d'Aramila, de rêves de tout Uhr. Et il y avait cette peluche. Cette unique peluche de Nautifélin à l'oreille cassée par l'amour trop puissant d'une enfant. Lillie observa tout sans rien voir. Elle flottait au-dessus de la pièce comme un fantôme. Mais le soir venu, une fois son corps lavé, une fois des vêtements propres passés, elle se glissa dans son lit, et doucement redevint cette petite fille à la peluche bleutée.
Sam 24 Fév - 0:08

Lester. Un scientifique réputé fou dans son domaine d’activité. Cela n’était en rien étonnant pour le Portebrume, qui grimaça en recevant cette information d’un vieil ami qui lui devait un service. Un fou parmi tant d’autres, mais ce fou-ci lui avait volé sa jeunesse et une partie de sa vie. Une grande partie, même. L’adresse fournie correspondait à celle donnée par les espions. Il avait bien fait de les épargner, ils n’avaient pour l’instant pas mentis. Pour l’heure, il préféra rester devant quelques temps et observer les mouvements aux alentours. Artémis n’était pas un professionnel de l’infiltration, bien au contraire. Dès qu’il mettait les pieds quelque part, cela finissait – bien souvent malgré lui – en un véritable carnage. Cette fois-ci, il voulait prendre son temps, car il attendait ce moment depuis de nombreuses années.

« Comment comptes-tu t’y prendre, mon frère ? », le questionna Œil-De-Nuit, l’esprit de loup blanc qui était en lui. Une question tout à fait légitime. D’ordinaire, le vagabond fonçait et s’adaptait à la situation qui se présentait à lui. Aujourd’hui, pour une raison que même son loup n’expliquait pas, l’homme aux cheveux de suie voyait les choses différemment. Ce n’était pas la peur qui le freinait, mais un esprit vengeur, qui ne savait pas réellement comment s’y prendre. Et cela inquiéta à la fois le canidé et la Nebula qui était restée silencieuse tout ce temps. Un record. Artémis n’agissait jamais par vengeance ou par rage. Il effectuait ses missions avec beaucoup de sang-froid. Il se salissait les mains parce quelqu’un devait le faire. Voilà tout.

La situation était différente aujourd’hui. Un intérêt clairement personnel était en jeu. La Nebula le coupa dans ses songes : « Je ne sais pas ce que tu attends, vagabond. L’homme que tu recherches doit être un rat de laboratoire, qui ne sort jamais de sa tanière. Il est probablement suffisamment riche pour que l’on fasse ses courses à sa place. En d’autres termes, vagabond, tu vas devoir arrêter de tortiller du cul et faire comme tu as l’habitude. Autant d’ordinaire, je n’apprécie pas vraiment tes méthodes. Autant ici, c’est la solution la plus raisonnable. » Un jeune loup blanc, aussi douloureuse fut cette pensée, sembla d’accord avec sa détestable partenaire.

Cependant, il lui sembla voir une faible lumière s’allumer dans une petite lucarne, toute petite fenêtre au dernier étage. Probablement une chambre à coucher. Le bâtiment était bien habité. Frapper à la porte serait inconsidéré et très mal perçu. Entrer de force ne serait pas mieux avisé. Pour couronner le tout, le temps se dégradait au fur et à mesure, laissant place à de petites gouttes de pluie qui s'intensifiaient. « Super. Maintenant, on va sentir le loup mouillé. », souffla la Nebula au grand désespoir de son hôte qui l'ignora simplement. Aussi étonnant que cela put paraître, Artémis était sans idée. Habituellement, nulle hésitation ne venait entraver ses désirs.

« Ici, nous avons une bonne visibilité, nous sommes partiellement protégés de la pluie. Nous restons quelques temps. J'ai besoin de plus d'informations sur les occupants de cet habitat. Qui sont-ils ? Combien sont-ils ? », marmonna-t-il d'un air maussade, comme à son habitude. « Et puis quoi ? Tu veux aussi que l'on t'envoie les plans de la baraque ? Tu ne comprends pas qu'ils sont barricadés derrière ces murs et qu'ils ne sortent jamais. C'est un rat de laboratoire que tu traques, pas un explorateur comme toi, qui passe le plus clair de son temps en-dehors de son toit. »

Elle marquait un point et le vagabond en avait pleinement conscience. Pourtant, il campa sur ses positions et resta observateur le temps de l'averse.
Mer 27 Mar - 9:13

Les jours passaient et se ressemblaient étrangement à Opale. Si elle n'avait pas été habituée à vivre sur ses gardes, Lillie aurait presque pu croire que Lester ne lui voulait vraiment aucun mal. Mais elle se méfiait de lui comme on se méfie du temps qui change. Il avait déjà attendu des années, nul doute qu'il était capable de patienter quelques jours de plus avant de la clouer sur une table d'opération. Pour l'heure, il se contentait de phrases mielleuses et d'une relative pudeur vis à vis de sa fille. Il la laissait vivre sa vie, ne sortait que très peu de sa chambre, à l'exception de quelques déplacements au Magistère. Lillie aurait plusieurs fois eu l'occasion de visiter cette fameuse chambre, mais elle se doutait bien que Lester avait pris ses précautions en cas de visite impromptue. Elle ne s'y risqua pas.

Elle profite du calme apparent pour redécouvrir Opale. Elle n'avait que très peu de souvenirs de cette ville tentaculaire et étonnamment au moins aussi nauséabonde que Xandrie. Déjà enfant, elle passait le plus clair de son temps chez elle. Ses parents vivant presque reclus dans leurs laboratoires respectifs, elle n'avait pas le loisir de se promener seule dans la rue. Elle profitait désormais du temps qui lui était imparti pour se renseigner à droite à gauche sur les récentes activités du Magistère et de la ville en générale. Elle avait appris de son expérience à Xandrie qu'aucune information n'était plus crédible que celle qui sortait de la bouche de la rue. Les gens parlent quand ils ne peuvent agir. Et écoutent quand ils ne peuvent parler.

Aussi Lillie sortait-elle tous les matins de l'appartement, tantôt en femme mûre, tantôt en enfant, tantôt en grand-mère. Elle changeait de coiffure, de vêtements, parfois même de pas. Elle ne voulait pas attirer sur elle une attention trop grande. Elle était loin de se douter que quelqu'un l'observait en cachette. Après quelques jours à flâner, elle finit par boire le thé aux abords du Magistère. Exténués par une journée manifestement trop longue, deux Officiants échangeaient sur une table non loin.

- Je déteste cette période, dit le premier. Avec l'approche des oraux, les assistants commencent à paniquer, et tous les projets, pourtant sérieux, prennent des allures d'expériences de fous.
- M'en parle pas ! Bélial a tellement peur que son projet n'intéresse pas les Directeurs qu'il est prêt à passer aux phases de tests alors même que ses premiers résultats prouvent que rien n'est prêt pour une étude sur cobayes humains. Il hurlait tout seul qu'il enlèverait lui même un gamin s'il pouvait. Ce système les rendra tous fous à lier. Je veux dire, plus qu'ils ne le sont déjà.
- D'autant que ça n'a jamais empêché les fous de Nunc Melior de continuer à mener leur petite barque. Secret de polichinelle si tu veux mon avis, mêmes les Directeurs savent que rien de tout ça n'est terminé.

Si les modus operandi du Magistère étaient un peu compliqués à comprendre pour une enfant, il l'était beaucoup moins pour la femme que Lillie était devenue. Ce bref échange suffisait à lui faire comprendre que la soif de découverte comptait moins pour les chercheurs que l'accession à un titre et à un rôle prestigieux. Elle comprit rapidement, en revoyant les accès de rage de Lester, que celui-ci avait dû par le passé lui aussi soumettre des projets aux Directeurs. Et à en croire sa folie prématurée, ceux-là n'avaient pas dû être assez pour lui faire conserver son titre de Docteur.

Lillie regagna l'appartement d'un pas décidé. Il fallait qu'elle accède à ce bureau. Il fallait qu'elle obtienne de quoi confronter Lester. Qui sait, avec assez d'éléments en sa faveur, et si elle arrivait à trouver des soutiens au Magistère, tout ça ne se terminerait peut être pas en bain de sang.
Dim 31 Mar - 23:40

« Dis, cette odeur, c’est bien la même depuis que nous sommes ici ? », marmonna le vagabond d’un ton lugubre. Le canidé, par un lien psychique, acquiesça en réponse à la question de son partenaire. En effet, voilà des jours qu’ils observaient les entrées et sorties de la demeure appartenant au scientifique recherché. C’était un homme méticuleux, toujours accompagné et probablement que ses travaux étaient parfaitement bien dissimulés dans ses quartiers. Mais ce qui alerta Artémis, qui perdait espoir au fil des jours, était cette femme qui venait de sortir. Elle dégageait la même odeur corporelle que la vieille dame, l’enfant ou l’adolescente aperçues dans la semaine. Avec du recul, excepté l’âge et les coiffures, elles avaient toute un air de ressemblance. Alors deux options étaient possibles : soit il s’agissait d’une famille ; soit il s’agissait de la même personne usant du pouvoir de jouvence.

« Nous devrions la suivre, dit le Change-Peau. »
« Il ne fait aucun doute, mon frère, rétorqua le canidé. Use de mes sens pour la traquer à distance. »

Cela ne faisait aucun doute. C’était d’ailleurs grâce aux sens de ce dernier qu’Artémis a pu déceler un problème. Ce problème pourrait tout à fait se révéler être la solution. L’homme aux cheveux d’albâtre n’avait pas vraiment l’apparence du touriste ou du flâneur par excellence. Il attirait forcément le regard. D’une part, à cause de son physique imposant et de ses yeux dorés ; d’autre part, sa tenue vestimentaire qui ne laissait planer aucun doute quant à sa profession. Mais fort heureusement, Opale accueillait de nombreux patrouilleurs, notamment ceux de la Guilde des Aventuriers, dirigée d’une main ferme par son ami Reno Callaghn. Il en croisa certains sur son chemin, alors ils se saluèrent rapidement, prirent des nouvelles et reprirent leur chemin. Il était important de rappeler qu’Artémis avait fait son petit nom au fil des périlleuses expéditions effectuées et desquelles il était toujours revenu. Pour combien de temps encore, se demanda-t-il.

La femme s’arrêta aux abords du Magistère pour prendre un thé. Un coup d’œil sur la clientèle présente, Artémis remarqua la présence de trois types qu’il avait côtoyé dans un campement, lors de l’expédition dans le Dainsbourg. Cela lui offrait une opportunité de se rapprocher de sa cible, mais aussi de s’enquérir de quelques nouvelles de ses anciens camarades, en apprendre un peu sur l’actualité d’Uhr. Il était important de notre qu’Artémis ne faisait pas partie des plus au fait des changements dans le monde. Coupé de la société, seuls ses voyages lui permettaient de collecter des informations et ainsi rattraper son retard. Ceux qui avaient besoin de lui savaient comment entrer en contact avec lui. Cela suffisait amplement.

Si heureux de le retrouver après ces longs moi d’absence, ici, au sein de la capitale, que l’un des trois hommes, le plus expérimenté du trio, décida de payer sa tournée. Faisant mine de rien, il ne lança quelques petits coups d’œil vers la demoiselle, afin d’être certain qu’elle ne lui échapperait pas. Elle semblait captivée par une conversation de deux officiers de ville. Subtilement, ses oreilles prirent progressivement la forme de celles du loup, dans le but d’augmenter son acuité auditive. Il percevait quelques mots, on parlait d’un « oral », « d’expériences non autorisées », puis de « Nunc Melior ». Ce dernier lui évoqua quelque chose sans pouvoir mettre le doigt dessus.

Elle termina son thé et s’en alla d’un pas décidé. Artémis aurait bien lâché Œil-De-Nuit pour la suivre, mais cela attirerait trop l’attention. Il connaissait sa destination. Il voulait l’intercepter avant d’y parvenir. Et puis merde, pensa-t-il. Les règles de bienséances n’avaient jamais été son fort. On le savait sauvage et on l’excusait pour cela. Il but sa chope de bière cul-sec et se releva aussitôt. « Pardonnez-moi, messieurs, des devoirs m’appellent et je ne peux y déroger. Ce fut un plaisir de vous revoir. Prenez soin de vous. », dit-il avant de s’en aller, avec une sincérité qui ne manqua de plaire à ces jeunes hommes.

Peu de temps séparait le vagabond à sa cible. Avec une bonne foulée, il la voyait déjà à une centaine de mètres. Il accéléra le pas jusqu’à se retrouver à deux mètres, puis il ralentit progressivement, jusqu’à se retrouver suffisamment proche d’elle pour lui adresser la parole. « Mademoiselle, quoi que vous ayez l’intention de faire, je crois que nous devrions parler. », fit-il en guise d’introduction. Malheureusement, il n’avait pas le luxe de la faire attendre et de préparer le terrain. « Il se peut que nous ayons une connaissance commune qui nous a causé quelques torts et qui, sans le moindre doute, continue d’expérimenter certaines choses sur de jeunes enfants. Suis-je sur la bonne voie ? »

Sa réponse serait déterminante. Collaboreraient-ils pour cette périlleuse entreprise ou combattraient-ils le mal séparément ?
Ven 19 Avr - 9:14

Opale avait ceci des grandes villes que les gens restaient bien souvent massés dans les artères principales, comme si s'aventurer dans les plus petites rues de la ville constituait une épreuve trop dangereuse pour eux. Si tôt les avenues gorgées de boutiques resplendissantes dépassées, il ne restait sur les trottoirs que quelques âmes en peine. Une aubaine pour Lillie, qui, même si elle était loin de Xandrie, pouvait au moins retrouver ici le semblant de sécurité qu'elle éprouvait en serpentant dans les ruelles de la Juste. Du moins c'est ce qu'elle pensait. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que quelqu'un la suivait. Une vie entière à regarder derrière soi vous apprend à sentir des présences même très bien dissimulées. C'est ce qu'on appelle être sur le qui-vive. Choix de mots plutôt ironique quand on passe sa vie à devoir faire le mort.

Elle pressa le pas. Le bruit des klaxons disparaissait un peu plus derrière chaque immeuble dépassé. Les effluves des parfumeries avaient laissé place aux odeurs des déchets attendant sagement d'être ramassés aux coins des rues. Ici, plus de lumières vives et de vitrines colorées, mais seulement le rouge des briques et le noir de l'asphalte. Il fallait réfléchir vite, et possiblement bien. Si tôt les premiers mots prononcés par l'étranger, Lillie s'engouffra dans une rue à gauche et fit demi-tour. Quand il arriva à son niveau, elle lui rentra dedans, ayant juste eu le temps de sortir de sa poche son revolver, dont elle pointa le canon sur son ventre, l'arme dissimulée sous son manteau.

- J'ai des connaissances dans tout Uhr et pourtant ta tête ne me revient pas. Dit-elle en grinçant des dents. La plupart de ces connaissance m'ont causé du tort, et rien ne m'indique que tu ne vas pas essayer de faire de même. Le canon du pistolet se fit plus pressant encore contre le corps de son vis-à-vis. Son index sur la gâchette, elle fronça les sourcils. Elle essaya de convoquer quelques souvenirs. Qui pouvait être ce vagabond ? L'avait elle déjà vu quelque part ? Sans cheveux, sans barbes, peut-être ? Elle en avait vu passer, des nomades en quête d'astras, rejoignant la Révolution plus par opportunisme ponctuel que par considérations politiques. Mais pas lui. Non, lui ne lui disait rien. Ce qui la rendait d'autant plus anxieuse. Il va falloir être un peu plus précis, j'ai toujours été nulle aux devinettes et à dire vrai, je n'ai absolument pas envie de m'améliorer.

Un passant tourna la tête depuis le trottoir d'en face. Lillie força un sourire d'apparat. Les bagarres de rue n'étaient pas monnaie courante si proche du Magistère, et voir débarquer la Garde maintenant ne servirait pas le desseins de la Génrale. Si tôt le curieux badaud passé, elle revint à son interrogatoire.  Elle n'était pas certaine d'où voulait en venir l'étranger, mais elle savait qu'il valait mieux le laisser jouer ses propres cartes avant de dévoiler son propre jeu. Règle de base de la diplomatie.

- Le monde entier expérimente des choses sur les jeunes enfants, papy. Tu serais sur la bonne voie à Episto', Aramila et même au fin fond de leur putain de désert.

Lillie se doutait qu'il faisait référence, si ce n'est à Lester directement, au moins à ses relations avec le Magistère. Mais elle ne comprenait pas comment il avait pu la trouver elle. Elle ne parvenait pas à relier les points. Savait-il qui elle était vraiment ? Ou bien ne connaissait il que sa facette opaline ?
Mer 24 Avr - 17:06

« Va pour le tutoiement, donc. », murmura gentiment le vagabond en observant le canon du revolver pointé sur lui. D’un simple geste, il pourrait contourner l’arme contre son détenteur, mais il n’en avait nullement l’intention. Cette personne, aussi méfiante et dangereuse pouvait-elle être, ne constituait pas une potentielle menace pour cet homme qui en avait vu d’autres. Seule la collaboration avec elle l’intéressait. Pas un vulgaire combat de rue. A la limite, Artémis eut presque envie de la féliciter pour l’avoir repéré et trompé de cette manière, sauf qu’il craignait de la provoquer en agissant de manière si maladroite. Pour l’instant, elle menait la danse et le Portebrume ne s’en souciait pas plus que cela. Au contraire, il l’écoutait attentivement, analysait ses paroles, sa voix, son attitude face à la menace qu’il représentait pour elle.

« Allons, allons… », fit-il en levant les mains l’air. « C’est ainsi que tu traites tes aînés, gamine ? Enfin, difficile de déterminer ton âge réel, tant tu as physiquement changé ces derniers jours. ». Un cristal de jouvence ? Une Portebrume, comme lui ? Il l’ignorait et ces questionnaient n’étaient pas prioritaires. Mais cela l’amusait d’être appelé « papy » par une personne qui pouvait avoir son âge. « Tu es suffisamment expérimentée pour savoir que j’avais bien d’autres occasions de me montrer hostile à ton égard. Dans Uhr, seuls ceux qui ont besoin de mes services me connaissent. Et c’est bien suffisant. Autrefois, avant de devenir le Loup-Blanc, on m’appelait Artémis De Goya. Si mon prénom ne t’évoque rien, mon nom devrait lui t’interpeller. ». En effet, le couple De Goya, aujourd’hui plus âgés qu’il ne l’était autrefois, semblait jouir d’une bonne réputation dans la sphère scientifique. Si le réseau de cette demoiselle était si étendu qu’elle prétendait, alors elle devait les connaître.

« Laisse-moi te conter une histoire. Un jour, alors qu’un jeune adolescent s’amusait dans les rues d’Opale, on l’attira intelligemment dans un coin discret, si bien qu’il n’avait imaginé courir le moindre danger. Puis le trou noir complet. Uniquement des bribes de souvenirs. Un labo. Des tubes. Des écrans de contrôle. Des voix. », expliqua-t-il en laissant tomber ses mains, jusqu’ici en l’air. « Ce qui me brise le cœur, vois-tu, c’est que j’ai longtemps accusé mes parents de mon état. J’ai réussi à m’échapper de ce laboratoire, sans souvenir, uniquement guidé par une voix et une rage de vivre. Et pendant tout ce temps que j’ai passé à me construire en ermite, isolé de tous, j’ai voué une haine contre ceux qui m’ont mis au monde. Et très récemment, après des concours de circonstances et une enquête, j’ai toujours qu’une personne manœuvrait à l’insu du Magistère, que je pensais complice de cette manigance. ».

Durant tout ce temps, Artémis n’avait pas une seule fois quitté les yeux de son interlocutrice. Elle l’écoutait attentivement. « La personne qui a réalisé ses expériences sur moi m’a fait suivre durant toutes ces années. Il y a une semaine, j’ai intercepté ce groupe qui m’a donné une localisation approximative, qui m’a ensuite mené à toi. Je ne sais pas qui est pour toi cet homme chez qui tu crèches, mais il s’agit probablement de celui qui a gâché ma vie et celle de ma famille. », conclut l’homme aux cheveux d’albâtre d’un regard qui ne laissait aucun doute sur ses intentions. Une vérité implacable et une transparence sans équivoque. Autrement dit, s’il obtenait confirmation de l’identité de son bourreau, on pouvait aisément imaginer que la mort de cet homme s’en suivra.

Dim 28 Avr - 9:37

Lillie fronça les sourcils. Elle ne supportait pas l'idée d'avoir été prise en filature plusieurs jours durant. C'était généralement son boulot de jouer les espions. Si le premier vagabond venu pouvait la retrouver, la suivre et parvenir même à deviner une partie de ses pouvoirs, elle ne serait pas en mesure de mener la Révolution plus longtemps. Ce fut la première idée qui lui traversa la tête. Elle se fichait, au fond, de ce qu'elle risquait elle. Mais si sa couverture sautait, c'était la sécurité de tout le mouvement, et, par extension, de tous les citoyens de Xandrie qui en patirait. Le canon du pistolet se fit de nouveau plus pressant alors que sa mâchoire se serra un rien. Elle avait appris, avec le temps, à garder son sang-froid en toutes situations, mais les récents événements avaient mis ses nerfs à nu. Un goût amer vivait sous sa langue. Elle cracha par terre pour s'en débarrasser, laissant au vieux le temps de terminer son histoire. Manifestement, il n'en voulait pas à la Révolution. Lillie troqua toutefois bien vite son soulagement pour une inquiétude nouvelle. Elle essaya de recouvrer son calme et de comprendre.

C'était un peu trop d'un coup. Beaucoup trop. L'histoire de cet homme se mêlait à la sienne sans qu'elle ne puisse réellement démêler ce qui lui appartenait vraiment. Il n'y avait qu'un seul moyen de tirer tout ça au clair une bonne fois pour toutes. Elle le connaissait. Il fallait ouvrir cette fichue porte, monter ces escaliers et trouver les réponses où elles se terraient : dans le bureau de Lester. Elle rangea discrètement son pistolet dans la poche de sa trop grande veste.

- J'ai aucune idée de qui tu es, et si je dois être franche, ton histoire est plus que bancale. Commença-t-elle en reniflant. Même si j'ai pas trop de mal à croire qu'on t'ait toi aussi trafiquer dans cette ville de fou. Seulement, j'ai aucune garantie que tes intentions sont en phase avec les miennes. Et j'ai vraiment pas le temps de papoter. Donc voilà ce que je te propose : demain, tu te pointes, en face cette fois, ici. Si d'ici là j'ai trouvé quoi que ce soit pour toi, tu le sauras. Sinon, tu m'oublies. Ok ?

Elle ne voulait rien lui révéler de plus sur son propre passé pour le moment. Elle avait pris l'habitude de monnayer ses plus précieuses informations au prix fort. Sa tête lui tournait pourtant. La petite fille logée dans son ventre lui hurlait de prendre ce vieil homme dans ses bras. De fondre en larmes et de lui dire qu'elle aussi avait subi pareilles atrocités. Elle hurlait si fort que la Générale sentit ses entrailles se tordre de douleur. Elle voulait un ami, quelqu'un qui pourrait la comprendre, la consoler, l'aider. Mais cette jeune fille était morte en même temps qu'elle avait quitté Opale. Lillie devait la faire taire. Elle devait endurer. Sur le chemin jusque chez elle, pourtant, cette jeune fille se fit plus forte encore. Elle hurlait, pleurait, assez pour que les yeux de celle qui la logeait pleurent à leur tour.

Lester n'était pas rentré. D'un pas décidé, Lillie avança jusqu'à la porte toujours fermée de son bureau. Elle hésita un instant en posant la main sur la poignée. Et si Lester avait installé un dispositif de sécurité ? Et s'il savait qu'elle tenterait d'entrer ici depuis le début ? Qu'importe, elle devait savoir. Elle ouvrit la porte. Rien ne se passa. Les escaliers s'engouffraient dans la pénombre. Elle les avala, un à un, surprise par les craquements prononcés de chacune des marches. Il régnait dans cette pièce une drôle d'odeur. Un mélange de papier mouillé et de naphtaline. Le bureau de Lester n'avait en soi rien de celui d'un savant fou. Il n'était éclairé que par la lueur qui filtrait par une grande lucarne ronde, derrière un fauteuil au tissu vert et à l'assise au rembourrage abîmé. Sur le bois du bureau, à l'endroit de la main droite, des traces de griffures attestaient de la nervosité du propriétaire des lieux. Les deux bibliothèques murales de la pièce débordaient de livres et de manuels. Le rayonnage était hasardeux. Certaines cases contenaient bien trop de livres, d'autres, en revanche étaient vides.

Lillie parcourut la pièce du regard. Rien dans ce capharnaüm ne laissait penser que Lester soit d'une manière ou d'une autre impliqué dans quoi que ce soit de louche. Rien sinon ce dossier conséquent, soigneusement rangé dans un des tiroirs du bureau, dont la clé elle-même avait été déposée sous la lampe à huile du bureau. Rien sinon ce nom, déjà entendu dans la journée, "Nunc Melior". Rien sinon ces pages entière d'études scientifiques, détaillant avec une précision remarquable, comment plusieurs scientifiques d'Opale, sous la houlette de Lester, avaient voulu créer des portebrumes pour pouvoir ensuite les étudier. Elle dut plusieurs fois s'humidifier les doigts pour tourner les nombreuses pages du dossier qu'elle avait rêvé de trouver toute sa vie. Le nom d'Artémis De Goya apparut, au même titre que le sien, Lillie Moynihan, que celui de sa mère, Louise Moynihan et que celui de... Elle fronça les sourcils. Elle n'avait jamais connu de Kozma Moynihan.

Sa tête lui tournait drôlement. Était-ce le surplus d'informations, la surprise, la rage, le dégoût ? Non, c'était autre chose. Elle avait un drôle de goût sous la langue. Elle eut le temps d'entendre quelqu'un monter les escaliers avant que sa tête ne heurte le bureau.
Hier à 22:16

Un sacré tempérament, songea le vagabond, les bras en l’air alors qu’on le menaçait avec un revolver. Ce que la demoiselle ignorait, c’était qu’une balle ne pourrait certainement pas neutraliser le Portebrume. Et le temps de tirer la deuxième, sa lame aurait déjà coupé sa tête. Mais elle n’était pas une ennemie, non. Il cherchait une collaboration avec cette dernière et ne souhaitait en aucun cas partir en guerre avec elle. Alors, conservant ses bras en l’air, il préféra se soumettre. Elle écouta son récit sans vraiment réagir. Quand il eut terminé, elle ne manifesta aucune réaction conciliante. Au contraire, elle semblait douter de son récit, ou du moins ne pas réellement croire au fait qu’ils purent être liés. Pourtant, le vagabond en était certain : ils avaient subi la même expérience. Cependant, malgré ses réticiences, elle décida de vérifier certaines informations et de revenir vers Artémis si elle trouvait quelque chose.

« C’est tout ce que je demande. Merci de prendre le temps. Je t’attendrai ici demain. », répondit solennellement le Portebrume. Ils se quittèrent sans un mot. La demoiselle entra à son domicile et l’homme aux cheveux d’albâtre de nouveau seul, sans domicile. Rien ne servait de trainer ici cette nuit. Pour une fois, il pouvait prendre le luxe de se prendre une chambre dans une auberge et se reposer jusqu’à demain. Un bonne auberge comme il les aimait, dans laquelle on lui servit un bon repas chaud et un bon lit douillet. Toutes les conditions étaient réunies. Artémis le savait, il passerait une très bonne nuit. Demain, il obtiendrait des réponses à ses questions.

Et demain arriva. Il patienta au lieu de rendez-vous, des heures durant, sans ne jamais voir la personne qui l’intéressait. La journée se déroula avec une détestable lenteur. Le vagabond se sentit bien trop stupide. Elle lui avait posé un lapin en toute impunité et resterait enfermée dans sa demeure sans craindre la moindre attaque de ce dernier. Me crois-tu incapable de te mettre une déculottée à ton domicile ? pesta intérieurement l’aventurier aguerri. Il n’avait cependant pas ressenti une quelconque volonté de le duper, quand elle lui avait affirmé revenir le lendemain. Alors quelle est la raison de son absence ? Artémis ne comptait pas abandonner. Il décida de maintenant sa filature une journée supplémentaire. En fait, ce qui le poussa à poursuivre, se manifesta par l’arrivée d’individus qu’il n’avait encore jamais vu. Et d’ailleurs, jusqu’ici, personne d’autre ne s’était introduit en ce lieu.

Qui sont-ils ? se demanda logiquement le Portebrume. Le lendemain, même histoire, des invités débarquèrent. C’était louche. Très louche. Rien pendant des jours, puis de nouvelles têtes deux jours d’affilé, alors qu’il attendait l’apparition de Lillie. Quelque chose lui était arrivé. Il le sentait au plus profond de lui. Ses instincts s’éveillèrent. Il était prêt à repartir en chasse. La nuit tombée depuis de nombreuses, les rue était quasiment déserte. Œil-De-Nuit, l’esprit matérialisé du Loup Blanc, fit un tour de la bâtisse pour s’assurer qu’aucun garde ne se trouvait à l’extérieur. Des lumières étaient allumées à l’intérieur, symbole de vie. L’homme aux cheveux d’albâtre visait le toit, probablement désert – du moins l’espérait-il.

Il dégaina sa lame, la jeta et sauta dessus sans qu’elle ne touchât le sol. Elle l’évitait et lui se tenait dessus comme sur un skate. Grâce au Magnétisme, le vagabond pouvait manipuler son sihil à sa guise et s’en servir comme moyen de transport. Il prit de la hauteur, toujours dissimulé dans la ruelle, jusqu’à pouvoir observer le toit d’en-face. Et comme il l’espérait, celui-ci se trouvait complètement désert. Qui voudrait s’introduire ici ? Et qui pourrait le faire par le toit ? Un homme déterminé à en connaître un peu plus sur son passé. Il surfa sur l’air et atteint le toit du bâtiment visé sans la moindre difficulté. Une porte donnait accès aux étages inférieurs. Avant de l’ouvrir, le Loup Blanc utilisa ses sens pour repérer d’éventuels obstacles. Son ouïe repéra des discussions, mais elles étaient lointaines. Il ouvrit discrètement la porte et entama la descente dans l’obscurité. Où aller ? Que trouver ? Deux questions auxquelles il ne pouvait répondre actuellement. Dans ce genre de situation, la boucherie était presque inévitable. Le seul avantage profitable était l’effet de surprise.