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Les peines et les joies de l'existence | Pamyfja & Prune

Les peines et les joies de l'existence | Pamyfja & Prune Brandw10
Mer 1 Mar - 20:18
Il n'était pas rare de voir de violente manifestation se produire dans les rues d'Epistopoli. La classe social la plus démunie, aka les miséreux, perdaient leurs droits et leur travail de plus en plus ces temps-ci. Ceci s'expliquait par le véritable raz de marée de main d'œuvre robotique qui était, pour les plus riches, des pions beaucoup plus agréables à gérer. Les renvois et licenciements de masse étaient légions, et pourtant, personne dans les hautes sphères ne s'en souciait. Après tout, le profit et la rentabilité ne faisait que monter en flèche et pour rien au monde ils n'auraient souhaité que cela ne cesse. Mais que se passerait-il lorsque la violence atteindrait des niveaux disproportionnés ? Il y avait bien quelques théories à ce sujet…

D'ici là, il fallait tout de même gérer les masses. Quoi de mieux qu'un porte-parole éloquent pour calmer les grévistes et les manifestants ? À une époque, cela aurait été une réponse censée, mais aujourd'hui, risquer la vie d'un fonctionnaire était outrageusement couteux. Non, de nos jours, ce sont les automates qui reçoivent les plaintes des ouvriers et qui tentent de disperser les foules, ces mêmes automates qui leur ont volé leur travail en premier lieu. En effet, vous imaginez bien comment cela se termine en général.

- - -

Au détour d'une rue discrète, Pamyfja était adossée à un mur crasseux. De tout son corps, ou du moins, de ce qu'il en restait, elle tremblait. Son visage synthétique était écorché et révélait sous sa joue la fine mécanique qui jouait pour lui donner des expressions. Ses vêtements, déchirés de toutes part, n'était plus que des lambeaux souillés par les flaques putrides de la ville. Sa jambe droite, mutilée et rompue en deux, jonchait pitoyablement le sol sous le regard horrifié de l'automate. Si elle avait pu pleurer, elle l'aurait fait, mais à la place, elle se contentait de se bercer en se tenant avec ses bras pour faire baisser son stress.

Elle n'arrivait pas à oublier ces regards de haines, ces hurlements de rages et les coups qui lui était destinés. On la détestait pour ce qu'elle était. Des milliers de personnes venait de le lui dire. Alors que les images, parfaites et fidèles à la réalité, tournait dans son esprit sans qu'elle ne le veuille, elle se mit à gémir.

-Je n'ai rien fait… Rien… Laissez-moi…

Des bruits de pas résonnèrent non loin d'elle, et sous la pression qu'elle subissait, Pamyfja ne put retenir un cri. Découvrant avec horreur qu'elle venait de révéler sa position à quelqu'un qui pourrait très bien prendre plaisir à terminer son existence, l'automate rampa en arrière tout en laissant sa jambe droite derrière elle et tenta de se cacher dans les ombres. Totalement recroquevillées sur elle-même, elle tremblait comme une enfant apeurée et fermait les yeux pour ne pas voir arriver la fin.
Jeu 2 Mar - 23:01
Brioche. Brioche brioche brioche brioche brioche brioooooooooche. Tu as l'odeur dans le nez, le goût sur la langue, les petits grains de sucre contre tes lèvres. Depuis que tu es sortie du lit, cette pensée te hante, cette envie aussi saugrenue qu'inattendue refuse de te laisser tranquille. Du retard dans tes expérimentations ? Des pièces manquantes pour conclure tes créations ? Le silence de Papa ce matin avant de partir, la mine grave, lorsque tu lui as demandé pourquoi donc aujourd'hui plus qu'hier ou que demain, tu devrais faire attention si d'aventure tu souhaitais quitter la maison ? De piètres contrariétés face à ton estomac qui te torture, réclamant ardemment sa sucrerie telle un enfant capricieux ; et ça tombe bien, puisque mine de rien, tu l'es un peu ? Après tout, tu aurais parfaitement pu la faire toi-même, la brioche, t'approprier la cuisine comme tu le fais si souvent en pleine nuit, mélangeant les ustensiles, souillant le plan de travail de ta maladresse sous le regard emprunt d'amusement de la cuisinière qui te laisse faire ton petit manège, instinct maternelle sous-jacent. Tu aurais même pu lui demander, à Jasmine ; les brioches, elle en fait depuis bien avant ta naissance, tu te doutes bien que tu l'aurais eu depuis belle lurette sur un plateau !

Mais non. Prune, la brioche, il faut absolument qu'elle soit préparée par quelqu'un de précis. Un boulanger que les enfants t'ont présenté il y a de cela... Un mois ? Peut-être deux ? Le temps passe si vite, tu en perds rapidement le fil. Enfin, il passait vite quand tu ne pensais pas à cette satanée brioche qui refuse de quitter ta caboche et qui tourne et tourne et tourne un peu plus vite à chaque heure chaque minute chaque seconde et tu ne vois plus que la dorure de sa texture sur les murs et les rouages et les chaises et les autres aliments te paraissent fades et tu soupires encore et encore et encore la tête entre les mains sans parvenir à fixer ton attention. Le monde est une brioche. Tu as besoin de ta brioche, pour conjurer le mauvais sort. Alors tu te drapes d'une cape sombre et tu dissimules ta chevelure en un chignon négligé sous le regard inquiet de Charles qui t'as déjà proposé au moins cinq fois s'il n'était pas préférable qu'il s'y rende lui-même, ou s'il pouvait au moins t'accompagner. Mais la brioche tu veux la choisir toi-même et avec Charles tu ne pourras pas te précipiter et te faufiler dans les rues, Charles était déjà grisonnant au départ de Maman. Figé dans le temps.

Epistopoli, le calme après la tempête. Tu le remarques à peine, tu glisses sur l'atmosphère austère comme une goutte de pluie sur un dôme de verre, sourire radieux sur ton visage de petite Princesse. IAN en éclaireur dans ton cheminement, te fait passer par des endroits sans danger, sans gréviste, sans désagrément, et tu le suis aveuglément, en sautillant, chantonnant même pour égayer ton trajet, tant tu es heureuse d'enfin pouvoir combler ton envie. Tu ne t'arrêtes même pas à toi, bonne âme que tu es : en plus de ta brioche, tu sélectionnes des petites douceurs pour ton foyer, allant de Papa aux domestiques, remplissant le sac sans qu'aucun astra ne soit compté. Ils sortiront de ta bourse, tu n'as pas à t'en soucier.

« Faites attention, mademoiselle. », la voix du boulanger accompagne la cloche de sa boutique lorsque tu rejoins la rue, et IAN qui t'y attends sagement. C'est la troisième personne à te le dire, aujourd'hui. Etrange, étrange. Tu questionnes IAN du regard, ses deux yeux vides qui te communiquent tant de choses d'ordinaire, mais il se contente de se remettre en marche, silencieux. Il m'en veut encore, tu penses, une moue boudeuse sur le visage, ton paquet serré contre ta poitrine. Tu as laissé les enfants le peindre, trois fois de suite, et tu n'as pas encore envie de lui faire retrouver sa véritable couleur. Tout barbouillé, il a de l'allure, même s'il dit que ça ne correspond pas avec son tempérament.

« Tu sais IAN, tu peux faire le gros dur avec les autres, mais moi je connais ta véritable na — »

Tu manques de trébucher lorsque ta jambe bute contre l'automate boudeur. Un cri. Série de petits bonds maladroits, Prune l'acrobate retrouve son équilibre et soupire de soulagement en constatant qu'aucune de ses victuailles ne s'est échappée. IAN, tu vas passer un sale quart d'heure, si c'était une tentative de vengeance...! Mais IAN n'est pas mutin, non, il s'est arrêté, l'attention braquée sur une ruelle. Silence. Tu te concentres, bloquant ta respiration... Le cri. Ce n'était pas IAN. Tu t'approches, observe. La pénombre d'abord, puis l'ombre sur le sol. Une... Jambe ??? Un réseau connectique.

Prune. Non. Prune. On t'a demandé trois fois déjà d'être prudente aujourd'hui. Prune... PRUNE.

Trop tard. Le sac se retrouve dans les bras d'un IAN désemparé qui suit sa maîtresse de ses petites jambes, contourne le membre délaissé et se plante à côté de la demoiselle accroupie face à l'entité terrifiée. Blessée. Traumatisée. Il sait que le cœur de la jeune femme est compressée dans sa poitrine, qu'elle souffre pour la machine comme elle n'a jamais souffert pour un de ses semblables - pas même son père. Il sait qu'elle va oublier tous les conseils, tous les avertissements, et mettre sa vie en péril s'il le faut pour cet automate. Parce que Prune a un cœur en or, un cœur mécanique, qui bat très fort. Trop fort.

Tu abaisses ta capuche, petite fille transi de bienveillance, observant les dégâts de ce pauvre corps sans défense. Tu approches une main, douce, délicate, effleure un bras, à peine, pour signifier ta présence, tout au plus, et tu chuchotes, pour toi-même, la gorge serrée. ❝ Pourquoi...? ❞ Mais tu refuses d'y penser, d'y réfléchir. Aider. Il faut aider. De ta main libre, tu détaches ta cape, recouvres le corps contusionné, files chercher la jambe détachée que tu poses contre le mur. IAN observe l'entrée de la ruelle, trépigne sur place.

« Es-tu en capacité de marcher ? En prenant appui sur moi, tu pourrais ?
— Prune.
— Shhhht.
— Ce n'est pas raisonnable.
— Laisser un automate blessé dans une ruelle, c'est raisonnable ? », le silence pour toute réponse, tu tends les mains en direction de la machine, pour l'aider à se relever.
Dim 5 Mar - 1:13
Une jeune femme s'approcha d'elle et abaissa sa capuche alors qu'elle semblait découvrir avec peine l'état dans lequel était l'automate. Remarquant qu'elle ne subissait pas plus de dégâts, Pamyfja ouvrit les yeux et découvrit celle qui était penchée sur elle. Longs cheveux sombres bleutés et un léger voile doré posé sur l'arrête de son nez et tombant sur le reste de son visage. Son apparence coquette et féminine contrastait fortement avec ce que l'automate connaissait dans son quotidien.

  On déposa sur elle une cape pour la couvrir ; signe de compassion irréfutable. Partagée entre les préceptes qui la gouvernaient et sa propre détresse, Pamy s'accrochait désespérément au tissu tout en récitant à une vitesse folle :

  -Votre attitude est louable mais j'ai bien peur que vous mettez votre propre existence en danger en aidant cette unité. Les rues sont encore agitées et il est vivement conseillé pour vous de retrouver la sécurité de votre foyer en attendant que la situation évolue.Si besoin, débarrassez vous de moi et de votre unité pour apaiser les potentiels manifestants qui pourraient encore se trouver dans les environs et courrez sans vous retourner.

  Elle secoua la tête comme pour chasser cette chose qui l'avait possédée à l'instant.

  -Je peux essayer.

  En s'aidant de la main qu'on lui tendait tout en s'appuyant sur le mur, Pamyfja arriva à se dresser sur sa seule patte de chèvre. Tenir debout ne lui posait pas trop problème, mais marcher était impossible. Elle tentait tant bien que mal de ne pas afficher son désespoir devant cette personne attentionnée et essaya de se passer de l'épaule qu'on lui offrait en sautillant en avant, mais en vain. L'automate s'écroula à nouveau au sol, auprès de sa jambe arrachée qu'elle serra contre elle, et s'adressa à la jeune femme.

   -Mes dégâts sont sévères mais mon intégrité n'est pas en péril. Même si votre unité à raison concernant votre attitude, pourrais-je bénéficier d'un abri ?

  Pamyfja leva les yeux vers la jeune femme. Son expression, surtout à cause des dégâts que son visage avait subie, était déchirante.

  -Je… vous en supplie.
Mar 7 Mar - 13:07
Pauvre unité blessée, ton cœur se fend un peu plus à chaque geste, chaque parole transpirant la détresse, la peur, la désolation. Des centaines de questions tourbillonnent dans ta tête et tu fais en sorte de t'entourer d'un bouclier, de faire taire ses mots qui jaillissent dans ta petite tête candide. Faire du mal à un robot ? Pourquoi ? Ils n'y sont pour rien. Eux non plus n'ont jamais demandé à exister, à être là, sur cette planète où les créatures se bousculent pour clamer territoires, matériaux, légitimités. La voir s'écrouler chasse la brume d'interrogation, te ramène brutalement à la réalité du moment. Le danger que tu n'as pas encore vu, qui plane au-dessus des deux automates. Ils le sentent, en connivence, et toi tu es incapable de saisir en quoi ta présence ici peut être risquée.

« Allons allons, je n'abandonne personne. » que tu clames en t'abaissant à nouveau, glissant tes doigts dans les cheveux de la machine pour en dégager son visage, l'observer sous toutes les coutures. Les dégâts sont grands, tu ne seras peut-être pas en mesure de lui faire retrouver son enveloppe originelle - cette peau couvrant les rouages, quelle merveille ! - mais tu te sais suffisamment douée pour réparer les parties mécaniques, si l'on te laisse travailler. Vos yeux se scellent quelques instants, un sourire radieux éclabousse ton visage alors que tu recouvres l'automate de ta capuche, cachant au mieux les balafres. Réfléchis, Prune, s'il est vraiment risqué pour toi de te pavaner dans les rues, il vaudrait peut-être mieux ne pas le faire en compagnie de deux robots... Une fois encore, tu aides l'unité à se redresser, prenant soin de la dissimuler au mieux sous le tissu, tout en lui faisant passer l'un de ses bras autour de toi ; ainsi, la route sera plus facile. Deux amies se réfugiant, bravant le danger, ça peut marcher ??

« Combien de temps pour faire venir Charles avec la voiture, jusqu'à la boulangerie ? »

Désapprobation de IAN, son regard se braque sur toi, ses deux orbites vides, lourdes de sens. Jamais IAN ne refuserait de t'obéir, tu le sais. Parfois, il te demande de réfléchir, afin que tu en viennes de toi-même à reconsidérer les choses, à annuler ta demande, mais là, impossible. Tu es déterminée, il le sait, et s'il refuse de partir en éclaireur chercher la voiture, alors vous irez tous, à pieds, à découvert, jusqu'au foyer. Il soupire IAN, secoue la tête comme un grand frère usé par les caprices de sa sœur.

« Deux heure et demi, trois tout au plus.
— Super. Oh, et tu renverses pas mon paquet ! »

Nouveau soupir, petit IAN observe sa maitresse encore un peu, pesant peut-être le pour et le contre de la laisser seule avec une entité inconnue. Et si c'était un piège ? Et si quelque chose lui arrivait, en son absence ? Son regard se tourne vers la machine blessée, la toise de haut en bas, resserrant sa prise autour du paquet, encore chaud, à l'odeur alléchante. « Prenez soin d'elle. », ordonne-t-il à son semblable tout en activant les roues dissimulées à l'intérieur de ses pieds, disparaissant au fond de la ruelle, s'enfonçant dans les rues sinueuses des bas quartiers. Courage, petit IAN, tu vas y arriver !
Quant à toi, petite Prune, tu resserres ton emprise autour de l'automate, l'attirant avec délicatesse contre toi pour l'inciter à prendre appui sur tes épaules : elle n'ose pas, la pauvre chose ! Peur de gêner, de déranger, d'être un poids mort face au danger ? De son bras libre, elle s'accroche à sa jambe démembrée, et vous vous mettez à marcher, tranquillement, te remettant à fredonner pour donner une contenance à cette situation. Tu prêtes une oreille attentive à ce qui t'entoure, bien que tu ne saches pas trop à quoi t'attendre : des hurlements, des coups de feu ??? L'agitation n'est jamais arrivée jusque chez toi, tu as toujours été épargnée, petite fleur fragile que tu es.

C'est avec une joie certaine qu'une dizaine de minutes plus tard, tu pousses de nouveau la porte de la boulangerie, saluant le gérant qui se fige, médusé en comprenant la raison de ton retour précipité. Son regard oscille entre toi et l'automate, une déglutition difficile s'opère dans sa gorge, ses mains s'agitent, ne sachant plus à quoi s'accrocher ; et toi, petite Prune, tu ne perçois pas le malaise, oh non, et tu demandes de ton air d'enfant innocent :

« Monsieur, est-ce que je peux vous emprunter votre réserve ? Mon amie est blessée, je dois la garder en sécurité le temps que ma voiture arrive... S'il vous plaît ? », il bredouille, se masse la nuque, jette un regard angoissé en direction de sa vitrine, et tu ajoutes, approchant du comptoir en ravivant l'éclat de ton sourire, « Monsieur ? Ce serait l'affaire de quelques heures à peine, on se fera discrètes, aussi silencieuses que des souris...! Et je pourrais jeter un oeil à vos machines, si certaines sont défectueuses, je les remettrais en état. »

Remise en perspective. Ses lèvres se pincent. C'est vrai que la chaudière fait des siennes, ces derniers temps, mais de là à accueillir un automate ici, un jour pareil.... Mais faut-il pour autant laisser une demoiselle seule dehors, avec un robot blessé sur le dos ? Ah, ta bonté te perdra, vieil homme, un jour, tu le regretteras. Le gérant fait un signe de la main, conservant le silence, comme si ouvrir la bouche pouvait attirer l'attention des rebelles sur sa boutique, invitant les deux individus à le rejoindre derrière le comptoir, jusqu'à la cuisine. Tout au fond, une porte rouillée s'ouvre après plusieurs tours de clef, sur un débarras à peine éclairé, plein d'humidité, et de toile d'araignée, où gronde une chaudière en piteux état.

« Je viendrais vous chercher. Et... Ne faites pas de bruit, par pitié. » souffle-t-il en refermant la porte derrière lui, verrouillant la serrure sous le grésillement de l'ampoule peinant à rester en vie.
Dim 12 Mar - 23:31
Elles s'observaient un instant, avec assistance. Il était vrai qu'aux yeux du monde, un automate restait un tas de ferraille animé d'une maladresse et d'une gaucherie sans nom. Mais aux yeux d'un automaticien, ou de tout autre ingénieur spécialisé en mécanique, Pamyfja était une véritable œuvre d'art. Le coût de production de cette unité prototype était absurde, même pour un projet aussi conséquent, et il avait été difficile de justifier tous ces détails fastueux. De la peau synthétique ? Des mains complétement articulées ? Un OS stupidement lourd et bourré d'une IA trop intelligente pour son propre bien ? Oui elle était une œuvre d'art, cependant, elle était aussi une abomination. Et nous savons très bien ce qu'il advient de ces créatures impies.

  La jeune femme et son unité échangèrent quelques mots. Il semblerait qu'ils leur faillaient attendre quelques heures avant de trouver à nouveau la sécurité. L'automate mutilé ne protesta pas, après tout, c'était déjà bien plus qu'elle n'avait espéré, même si ça ne l'enchantait pas de trainer dans les rues plus longtemps. Au point où elle en était, il n'y avait plus véritablement de bonne option.

  À nouveau aidée par la jeune femme, Pamyfja se dressa et fit de son mieux pour ne pas trop peser sur elle ; l'automate n'était certainement pas un poids plume et sa taille rendait l'exercice périlleux. Avec une nouvelle capuche sur la tête, l'automate et son amie de fortune marchèrent nerveusement dans les rues crasseuses d'Epistopoli.

- - -

  La sonnette de la boulangerie averti le gérant de l'arrivée des deux femmes. Évidemment au courant de la situation en ville, il n'était clairement pas ravi de voir un automate débarqué chez lui. La réponse attendue était clair, un non catégorique devait avoir lieu, mais miraculeusement, la jeune femme arriva à faire plier le boulanger. Pamyfja assistait à la scène avec stupéfaction et se tut, de peur de briser l'anomalie qui se produisait ici. Une personne se mettant en danger pour un autre était déjà un fait surprenant, mais une deuxième ? Pour une première sortie en dehors du pôle, l'automate en avait pour son argent.

  Avec un hochement de tête reconnaissant pour l'homme, elle se laissa porter jusqu'à l'arrière-boutique. La pièce était lugubre, mais l'automate s'en fichait éperdument. Le simple fait de se savoir loin des regards la rassura et elle poussa un soupir de soulagement.

  -Merci pour votre aide, chuchota-t-elle sur un ton formel. Je vais attendre dans un coin et si vous avez besoin d'assistance concernant cette… chaudière antique, n'hésitez pas à me demander.

  Sautillant avec la force de l'habitude maintenant, Pamyfja s'appuya contre un mur et se laissa glisser doucement par terre. Elle portait toujours sa jambe droite entre ses mains et, ne supportant plus la sensation de tenir un de ses membres amputés, décida de le laisser à côté d'elle, en dehors de son champ de vision.

  Mille questions taraudaient l'automate.

  -Cela peut vous sembler stupide, dit-elle toujours à voix basse, mais est-il commun en ville de porter assistance à autrui tout en vous mettant en danger ? Existe-t-il un code de conduite que vous devez suivre ? Dans le cas où vous ne me considérez pas comme "autrui", j'aimerais simplement souligner l'intervention du boulanger à votre égard.

  Dehors, bien que le chaos s'était calmé, la colère subsistait et de nombreuses personnes, encore furieuses après la dernière débâcle, finiraient bien par passer leurs nerfs sur quelque chose. Bien que l'aimable boulanger avait laissé un animal blessé se terré chez lui, il en oubliait que toute blessure laissait des traces. Sur le sol immaculé du petit commerce, une huile noire comme la nuit tâchait le sol. Trop occupé pour la remarquer, le boulanger ne se doutait pas que la preuve flagrante de sa culpabilité se tenait juste derrière son comptoir.
Jeu 23 Mar - 22:03
Aussitôt prise au piège que tu inspectes cette pièce minuscule, les murs en béton, la moisissure au plafond. Les étagères remplies de boîtes de conserves, de denrées sèches, de produits d'entretiens. La réserve tient plus d'un placard à balais, mais sera amplement suffisante pour y attendre quelques heures à l'abri des effusions violentes...

À moins que ?

Dans ta vision périphérique s'est calée l'Automate en détresse, et bien que ton instinct te hurle de prendre soin d'elle en priorité quitte à délaisser la chaudière qui mériterait largement d'être changée, tu mets à profit tes connaissances, petit enfant prodige, pour que la machine cesse d'être capricieuse. Tu farfouilles dans le débarras pour y trouver des outils, ou des substituts qui pourraient combler le manque de ton attirail personnel, refusant catégoriquement de sollicité l'aide de ton acolyte : qu'elle se repose, elle qui a déjà suffisamment souffert !
Mais tu ne dupes personne, petite Prune. Si tu t'adonnes avec autant de ferveur à tes réparations, c'est pour ne pas mitrailler le robot de questions. Sur ce qui se passe dans les rues, sur l'identité de ses agresseurs et ce qui a bien pu les pousser à faire preuve d'une violence pareille. Sur ce qui composent son corps et l'usage auquel peut être dédié une entité sculptée ainsi... Pourquoi de la peau laiteuse, pour des jambes de brebis ?

Que ta lèvre est torturée pour demeurer silencieuse, tu la mordilles, téméraire, bien décidée à faire preuve de respect, de précaution. Le silence qui s'est installé malgré le ronronnement aléatoire de la chaudière est brisé, pourtant, et tes yeux s'écarquillent face à la question.

Loin de la bulle de la Princesse, le commerçant a pris conscience de son erreur et regrette déjà d'avoir fait preuve de bon cœur. Les tâches sur le sol lui apparaissent comme des preuves irréfutables de son crime, de sa collaboration, de sa trahison de la colère du peuple. Il veut revenir en arrière, refuser ta demande, te foutre dehors, toi et tes yeux d'enfant innocent, toi et ton sourire éclatant, ta joie de vivre juvénile aussi brillant qu'un diamant. Il n'aura pas le courage de rouvrir la porte pour te chasser maintenant. Il regrette d'être un vieil homme, d'avoir ses faiblesses, ses failles, ses élans d'humanité dans les moments rudes, de refuser de se laisser prendre au jeu de la haine. Alors en héros dérisoire il s'empresse de renverser de l'eau sur son sol, de frotter la serpillière frénétiquement, effrayé par l'idée de se faire prendre par les rebelles et de passer un sale quart d'heure : il les a vu à l'œuvre, ceux qui ont des idéaux un peu trop brusques et une manière de faire peu diplomatique. Mais quand est-il des marques devant sa boutique, et celles le long du chemin ?? Aura-t-il le temps de les brouiller ??

« Et bien, je ne sais pas. »

La réponse est donnée sur le même octave que la question, teinté d'un sourire et d'une bienveillance sans faille. Tu observes une dernière fois la chaudière sous toutes les coutures : tu ne peux pas faire mieux, les pièces sont veilles, certaines devraient être changées, mais avec tes manipulations, et de l'entretien, elle pourra tenir encore quelques années. Tu te fais la promesse muette de faire part au boulanger de tes recommandations tout en remettant les emprunts à leur place, constatant l'état de tes mains pleines de crasses, ton sourire redouble de satisfaction, et enfin tu te diriges vers l'Automate, prenant le temps de réfléchir plus intensément à sa question.

« Je ne sais pas pour les autres, mais quand je vois un Automate mal en point, j'ai un étaux qui presse ma poitrine et je dois faire quelque chose. C'est insupportable pour moi de ne rien faire, de rester là, de passer mon chemin, je ne sais pas le faire. Je ne peux pas le faire... » et ta voix devient rieuse lorsque tu oses les épaules et que tu secoues la tête en entendant la voix de ton père murmurer à quel point ton cœur est trop pur pour ce monde. « C'est normal, de voler au secours de ce qui nous est cher, non ? Oh, et pour le boulanger... À vrai dire, je n'ai pas envisagé qu'il puisse nous dire non. »

La réalité te frappe d'un coup et tu dois faire un effort pour ne pas rire plus fort encore. Généralement, c'est IAN qui s'occupe de cet aspect de tes idées, de te faire prendre conscience de la vérité du monde. Là, livrée à toi-même, tu ne penses à rien, tu agis, comme une enfant. Parce que tu es une enfant.

« Je ne sais pas si je réponds à ta question ? Dans mon cas, je crois à la bonté humaine, beaucoup trop même d'après Papa, mais je ne sais pas m'en empêcher. Et pour ce qui est de ta jambe... » tu grimaces, tu souffres à sa place, « Je ne pense pas pouvoir faire quoi que ce soit ici, mais dès que nous serons chez moi, je m'en occuperais. Je pourrais te faire un bilan complet et voir ce que je suis en mesure de soigner. Bon, pour ton épiderme, par contre, il faudra que tu vois ça avec ton laboratoire habituel. »

Non, Prune, ne te sens pas désolée ! Tu n'as jamais imaginé recouvrir la ferraille de tes bébés, parce que tu aimes chacun de leurs rouages, la texture de leurs pieces. Tu n'as pas à t'en excuser, jamais !

Quand la clochette retentit, il sait que c'est fini. Qu'il n'a pas été assez méticuleux. Qu'il n'aurait pas dû se laisser prendre au jeu. Il sait déjà qu'il se fera rouer de coups pour sa décision, que sa boutique devra subir des réparations. Il sait qu'il devra supplier que les choses cessent, qu'il devra dénoncer la Princesse, et qu'il se fera traîner par les bras jusqu'au débarras pour en déverrouiller l'accès. Il le sait dès que le rire gras du trio retentit, dès qu'il aperçoit cette carrure trapue entourée de deux sbires balafrés, esquintés par la vie, et les tuyaux pendant de leur main, qui ont déjà bien servi. Il le sent à la sueur froide qui coule le long de son dos, à la boule d'effroi qui coince dans sa gorge. Il le sait dès qu'il a le malheur de jeter un regard en direction du couloir menant à sa réserve, il le sait. Il les a trahi. C'est fini.

« Est-ce que tu... Veux me parler de ce qui t'es arrivé ? »
Mar 28 Mar - 22:36
Face à une foule déchainée ; elle déglutie difficilement, ou du moins, son esprit l'imagine ainsi. Les cris montent en intensité alors qu'elle parle. Très vite, elle se rend compte que tout ceci n'est qu'une mascarade. Tout le monde veut du sang, sans exception. Que faire pour apaiser les cœurs et les âmes ? Il n'y a rien, si ce n'est ouvrir les vannes d'un flot de haine en ébullition. Elle écarte les bras, un sourire rassurant sur les lèvres ; elle sait ce qu'elle doit faire, ce qu'on attend d'elle.

  Vos manifestations ne vous mèneront nulle part. Vos intérêts ne sont pas les leurs.

  Un projectile, un autre, et suivis de bien d'autres. L'anticipation des forces de l'ordre atteint son paroxysme alors que leur leurre tombe en morceau. C'est alors qu'un homme se jeta sur elle avec une barre en métal, brandissant son arme comme le furieux marteau de la justice. Ceci était le signal tant attendu et les animaux se jetaient les uns sur les autres avec, au centre, une âme en peine, torturée par la vision qui s'offrait à elle et au traitement que son enveloppe subissait. Enfer, rage et aveuglement, la vérité s'abat avec les poings et le ressentiment se déverse comme des vagues gigantesques opposées à d'autres. Les hurlements, la douleur ! Pourquoi exister, pourquoi subir tout cela, pourquoi en être acteur, pourquoi.

  Pleure-t-elle ? Non, elle ne le peut pas. Pourtant elle le sait, cet acte est libérateur, il apaise, il aide. Pourquoi en est-elle privé ? Condamnée à vivre toute son existence avec le poids de la réalité sur le dos, elle ne peut pas fuir. Alors que son horizon s'étend, elle ne voit qu'incendies et perfidie. Une épée de Damoclès se tient au-dessus de sa tête, et alors que le temps file, le fil de la lame ne cesse de s'approcher inéluctablement d'elle. L'espoir est évanescent et sa contrepartie est un limon croulant et abyssal, parasitant et dévorant ses pensées. Son esprit avait été un paradis autrefois, cependant, la misère s'y est glissé et la paix l'avait quitté à jamais.

- - -

  Les réponses qu'on lui donnait ne suffisait pas.

  -Par simple… bonté de cœur…

  Incohérence et irrationalisme ! Qu'elle est cette chose qui existe pour faire fantasmé le genre humain ? Se prennent-ils vraiment pour des dieux à tendre la main de manière pseudo désintéressé ? Ils sont esclaves, tous, sans exception aucune. Ils obéissent à l'hypocrisie, à l'égoïsme et sombrent tous dans la peine et le mal être. Quelle infamie se cache derrière ce sourire ? Nous savons à quel point les apparences peuvent se révéler être des pièges mortels.

  Pamyfja secouait la tête, comme pour chasser quelque chose qui s'accrochait à elle. On lui proposait des réparations, mais elle peinait à s'en soucier alors qu'elle s'imaginait retourner au pôle, retrouver son quotidien. C'était insupportable.

  -Il existe… Beaucoup de gens qui ne souhaitent pas voir l'arrivé des automates. "Ils sont des monstres" qu'ils disent, je ne sais plus quoi en penser, mais il est vrai que notre existence pose de nombreux problèmes en société.

  Elle laissa planer ses mots, réalisant qu'elle répondait à côté de la plaque, l'esprit embrumé.

  -Ils ont fait de moi un médiateur lors d'une manifestation ouvrière. Il n'y avait rien que je puisse faire, je n'étais que là pour "jeter du sel sur la plaie". Mes dégâts étaient inévitables, mais… Je ne pensais pas que… Les regards…

  ILS DISAIENT QUE LE MONDE NE VOULAIT PAS DE MOI.

  Les mots ne sortaient pas et le silence fut brisé par des éclats de voix. La terreur et la détresse reprirent le dessus, mais les préceptes ainsi que la situation étaient claires. Elle ne pouvait pas laisser un être humain souffrir à cause d'elle. Les yeux rivés sur la porte menant à la boutique, l'automate se dressa en s'appuyant sur le mur et se servit d'un balai comme d'une béquille.

  La porte s'ouvrit avant même qu'elle puisse s'y trainer.
Ven 7 Avr - 0:55
L'Homme est au sommet de son art, maniant avec brio les subtiles palettes de la destruction. Peu importe l'endroit, le lieu, la raison, il lui faut détruire, fomenter, trouver une cible à abattre, pour prouver sa supériorité. Tu ne le vois pas, ton voile est si épais, tes œillères si grosses et ton intérêt pour l'Humanité si faible que tu te contentes de ton opinion pour en faire une généralité. Démiurge de ton univers onirique où l'Homme est un animal comme les autres, errant sur cette planète et partageant un écosystème limité avec d'autres espèces, où les connaissances sont votre plus gros atout pour survivre, où la logique, la création, la capacité à concevoir et appréhender le monde vous permettent d'en approfondir les possibilités, les connaissances, de repousser les limites. Tu passes à côté de la cruauté, de la haine, de la convoitise, de la rancœur, de la tromperie. Toute la noirceur te glisse dessus, petit soleil, complètement hermétique, dans une bulle candide où tout se fait beau, paisible, harmonieux.

Ô Prune, que ton insouciance est odieuse.

Dans ton monde à toi, l'Homme est foncièrement bon, il raisonne, accueille la nouveauté avec le même émerveillement que toi. Il s'arme de curiosité pour appréhender le monde, la vie, l'existence, il sait observer, apprécier, comprendre, respecter. Il sait que le progrès, que le changement, est un outil fantastique qui permet d'accomplir de grandes choses. De bouleverser les règles, de changer le jeu. Il sait que c'est en se mettant au service de, que l'on se rend utile, que l'on est heureux. Il aime autant que toi les machines, envisage leur grandiose potentiel et se rassure de savoir que la vie sera plus sûre, plus calme, plus belle, en leur compagnie.
À des années lumières des réalités, tu planes et ton cerveau refuse de faire face aux données. Ton prisme défectueux a depuis bien longtemps abandonné l'idée de comprendre la noirceur, préférant l'oblitérer.

“Ils ont simplement peur, ils appréhendent parce qu'ils ne comprennent pas. C'est normal, on a tous peur quand on ne comprend pas ! Ça ira mieux bientôt, ils verront. Tout ira mieux, bientôt.”

Tu veux rassurer, et tu ne peux pas. Comment rationaliser l'irrationnel ? Le traumatisme fige ton cœur et tu aimerais être capable du même pouvoir que Maman, lorsqu'incapable de trouver le sommeil tant tout en toi tourbilonnait furieusement, il lui suffisait de te caresser les cheveux au niveau de la nuque en te faisant respirer en rythme avec elle pour que tu t'endormes. Encore ces satanés émotions qui te font défaut, tes réactions qui bafouillent dans un coin de ta tête sans parvenir à trouver la forme adéquation pour répondre à la demande du sujet. Tu pourrais te trifouiller les méninges pendant des heures que ça n'y changerait rien. C'est comme ça.

Même le monde qui se remet en branle n'y pourra rien.

Tu te figes, analyse. Le fracas, la violence, la précipitation. Ton seul réflexe est de saisir le bras de l'Automate lorsqu'elle traverse ton champ de vision. Tu n'as pas peur pour toi, mais pour elle ? Oh, Prune, t'es incorrigible. La porte s'ouvre, te vole ton souffle : le visage tuméfié du boulanger, les sourires carnassiers de ces bourreaux... Prune. Prune, t'es en danger.

« Eh ben les gars, 'semblerait qu'on ait touché le gros lot ! »

Dans cette scène, rien ne va. T'es incapable d'y comprendre quoi que ce soit. La douleur du boulanger, la peur dans ses yeux, la terreur qui le paralyse, son regard qui t'accuse et te demande pardon, les ricanements sournois du trio aux aboies lorsqu'ils constatent les dégâts de la machine et sa sauveuse gracile. Tout ce qui t'importe, c'est de protéger l'Automate, de t'assurer qu'on ne lui fera rien sous tes yeux. Comment tu vas t'y prendre ? Aucune idée, mais tu feras tout pour y arriver. IAN n'est pas là pour te tirer de ce pétrin, pour te faire remarquer à quel point tu as tort, à quel point tu pourrais regretter de bondir devant la machine lorsqu'ils s'en approchent. Tu es si pure que ça te rend idiote.

Tu ne sais même pas lire le changement dans les yeux du leader lorsqu'il passe de l'agacement à la lubricité en t'attrapant le visage pour te contempler comme on le ferait avec du bétail. Il te touche et tu ne sais réprimer une grimace et un grognement, tant tu ne supportes pas qu'on puisse poser la main sur toi. Évidemment qu'il se marre, tandis que l'un de ses acolytes délaisse le vieil homme pour roder autour de la machine en tapant son tuyau sur la moindre surface disponible. Évidemment qu'il se vexe lorsque tu ne trouves rien de mieux à faire que de frapper son poignet du plat de la main comme on chasserait une mouche. Et inéluctablement, alors que tu t'apprêtes à ordonner qu'on ne s'approche pas de la blessée, tu te prends la première mandale de ta vie, ta vision se brouille en mêle temps que ta tête se rapproche du mur, ta joue te brûle et ton oreille hurle aussi fort que le vieillard glapit pour demander clémence à ton égard.

Et c'est ta gorge qu'il reviendra attraper une fois que tu auras secouer la tête pour te remettre les idées en place. L'acouphène perturbe tes sens, tu ne l'entends pas te dire à quel point il a horreur des petites aristocrates qui se croient tout permis, et qu'il saura réparer l'affront de ta trahison envers ton espèce. T'as mal, oui. Tu peines à respirer maintenant qu'il te serre la gorge et tu attrapes son bras à deux mains instinctivement, comme s'il allait soudainement desserrer son emprise.

« Ne lui faites pas de mal. »

Un silence d'abord, tant la situation est surprenante. Puis un éclat de rire du leader, rapidement rejoint par ses sbires. Qu'est-ce qu'il y a de drôle ? Tu ouvres la bouche de nouveau, pour réitérer ta demande, mais voilà qu'on te plaque contre le mur pour te soumettre, te faire taire, alors que le lascard se tourne vers le boulanger pour s'exclamer.

« Mais c'est un phénomène, votre donzelle ! Je comprends mieux pourquoi vous l'avez cachée ici : une écervelée pareille, ça se conserve précieusement. »

Et de tourner la tête vers l'Automate qui se fait effleurer par la barre de fer :

« T'as vu ça un peu ? C'est ta maîtresse qui implore pour qu'on te laisse tranquille ! Si c'est pas pathétique, ça, même pas foutue d'être un garde du corps respectable... J'me demande bien jusqu'où on pourrait aller avant qu'il se mette à réagir, le grille-pain. »

Un geste du menton, et le coup part. La batte s'abat sur le crâne de la machine. Tu cries, les phalanges te font taire et quand tu songes —enfin !— à te débattre, c'est une lame qui apparaît dans la main de ton agresseur, se présentant à ton regard avant de s'aventurer contre tes vêtements.
Dim 9 Avr - 16:11
Que faire ? Que faire ? Que faire ? Que faire ? Que faire ?

  La machine ne pouvait qu'observer la scène alors que les trois truands se glissaient dans la pièce sombre.

  Encore un problème insoluble ? Je suis poings et mains liés ! Mes préceptes m'enchaînent et la seule issue que j'entrevois est ma fin.

  Ils gravitent autour des deux femmes, le sourire aux lèvres et en ricanant comme des dégénérés. Le pauvre boulanger, ayant déjà reçu sa part, observait impuissant la scène au travers de ses paupières gonflées et tuméfiées. L'un d'eux se saisit de Prune comme si elle était une poupée avec laquelle il pouvait jouer.

  N'est-ce pas censé être moi "l'objet" dans cette pièce ? Pourquoi s'en prenne-t-il à leur semblable avec la même cruauté qu'ils ont envers les automates ? Leur haine est-elle si forte qu'ils voient mes souillures sur cette jeune femme qui a eu pitié de moi ?

  NON, LA VILAINIE NE CONNAIT AUCUNE BARRIERE.


  Partagée, non, déchirée en deux par toutes les voix qui se manifestait en elle, l'automate reçut de plein fouet un coup à l'arrière de la tête alors que Prune les implorait. Cette sensation était familière ; pas plus tard qu'aujourd'hui on l'avait déjà agressée avec une barre de fer. Un cri se fait vite étouffer alors que Pamyfja tombe au sol, sa béquille improvisée ne suffisant plus à la soutenir. Face à une centaine de kilos d'acier et de plastique échoué et sur le dos, l'un d'eux se jeta sur son ventre et glissa sa main dans la bouche de la pauvre chose.

  -J'y crois pas, dit-il, ils lui ont même fait des dents ! Ils se prennent vraiment pour des dieux ses abrutis de riches. Mais t'auras beau nous imiter, tas de ferraille, tu pourras jamais nous remplacer !

  Il sortit un couteau, s'amusa à arracher ce qui restait de peau sur le visage de l'automate et tenta dans la poignarder au niveau du ventre, sans succès. La lame rencontra l'alliage qui la composait et émit un crissement strident alors que l'ordure faillit se tordre le poignet. Frustré, il aventura sa lame sur le corps de Pamyfja pour trouver un point faible et c'était alors qu'il arriva au niveau de sa poitrine que son visage devint victorieux.

  -Évidemment. Tout comme une vraie hein ?

  Saisissant son poignard à deux main, il le brandit bien haut avant de le planter au plein cœur de la machine. Pour elle, le monde se teinta de rouge alors que les erreurs et les alertes se succédaient dans son esprit. Les informations que lui partageaient ses sens ne rimaient plus à rien et le simple fait de les écouter était insupportables. Désespérée, Pamyfja tendit ses bras en avant pour tenter de repousser l'agresseur, mais l'un de ses bras se fit dégommer par un coup de pied, laissant un nouveau membre inerte trainer sur le sol.

(64) Alertes systèmes détectées.
                   Intégrité menacée
                   Stress critique
                   Données corrompues
                   …
Erreur fatale
                   Désactivation forcée de l'unité amorcée
                                       (60)
                                       (59)
                                       (58)


   Est-ce que je meurs ?

                                      (57)
                                      (56)
                                      (55)


   Non, non ce n'est pas possible. Je n'y crois pas.

                                       (54)
                                      (53)
                                      (52)


   Pamyfja se mourait alors qu'un acier de piètre qualité lui remuait les entrailles.

                                      (51)
                                      (50)


   Non non non non non…

  -Non… gémit-elle.

                                      (49)
                                       (48)


  IL VA ME TUER, IL EST EN TRAIN DE ME TUER.


  -NON ! Hurla-t-elle.

  Sa jambe valide se replia sous celui qui se tenait sur elle, et d'un seul coup formidable, le frappa avec toute la force dont était capable l'exosquelette se trouvant dans son châssis. Ses cottes se brisèrent sous le premier impact et il fut propulsé vers le plafond poussiéreux en béton. Le matériau se fêla en même temps que la colonne vertébrale qui tombait en morceau, et après une brève seconde, un corps inerte retombait par terre, à côté de l'automate.

                                       (47)
                                       (46)
                                       (45)


  Un silence lugubre régnait dans la salle.

  Pendant qu'une chose s'effondrait en Pamyfja après qu'elle venait de briser l'un de ses préceptes les plus fondamentaux, son esprit logique et implacable prit le dessus. Comme une tempête, elle se jeta sur le troisième homme, celui qui lui avait anéanti le bras plus tôt, et lui décocha un coup de poings qui l'envoya valser. Retombant au sol après son attaque, l'automate appliqua son entrainement et roula au sol en dégainant son arme de poings pour mettre en joug l'homme qui tenait Prune.

  -Lâchez-la ou mourrez.

  Ce qui parlait ici n'était plus l'enthousiaste et l'innocent automate qui se prenait pour une jeune femme. Non, ce qu'il y avait là était un véritable monstre, le même que les ouvriers décrivaient quand ils défendaient leurs droits. Sans visage, il n'y avait que ses yeux bleus perçant au-dessus de l'élégante machinerie qui ne fonctionnait de toute façon plus. La machine infernale fonctionnait encore malgré ce que sa poitrine ouverte révélait derrière et cela lui donnait l'air inarrêtable. Sa jambe absente et son bras trainant lui enlevait son côté anthropomorphe et elle devenait une ombre informe et cauchemardesque.

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Ven 14 Avr - 15:46
Le hurlement déchire ta gorge, inhumain, comme si la lame s'était enfoncée en toi, comme si ton bras s'arrachait à ton épaule. Douleur, immense douleur qui t'agrippe les membres et te crispe, te torture de l'intérieur. En connexion totale avec la machine, comme tu n'as jamais su l'être avec aucun de tes congénère ; pas même ton père. C'est triste, de constater à quel point tu t'émeus pour des machines, à quel point tu te sens proche d'elles, bien plus proche, bien plus harmonieuse à leurs côtés qu'auprès de ta famille, de tes "amis", de tes paires. Tu as mal, tu vibres, tu cherches à protéger, à sauver, et impuissante que tu es, tu ne peux que crier. Ton assaillant grimace, plaque sa main sur ta bouche, serre, de plus en plus fort, mais rien y fait, tu es en transe, tu n'y peux rien. Tu es la machine, tu es sa douleur, tu es son humanité.
Lui aussi se met à hurler, de colère, de rage, de dégoût, il frappe ta tête contre la paroi pour te forcer à te taire, à arrêter ton "cinéma", à te comporter dignement. Dignité ? Oui, un précepte qu'on t'inculque depuis de nombreuses années, les us et coutumes de la haute, les comportements à offrir en société. Mais qu'en est-il de la bonté ? De la compassion ? Ne devrait-il pas te traiter avec plus d'égard, plutôt que de t'imposer une soumission ?

Mais tu t'acharnes et deviens sauvage. Oh Prune, n'apprendras-tu jamais à rester sage ? La lame court le long de ta peau et toi, insouciante, insolente, tu plantes tes dents dans la main du brigand. Tu serres, serres, si fort que tu entends ta mâchoire grincer, sens la peau de l'homme céder, et c'est à lui que tu transmets la douleur, petit animal enragé. Il entaille ta gorge, blessure superficielle, cherchant à te faire lâcher prise, à garder sa contenance, conserver son emprise. Son hurlement se mêle au tien... Au tien ? Non, au sien.

Bruit sourd.
Corps inerte.
Silence de mort.

Autour de toi tout s'arrête, se fige. Les respirations s'arrêtent, les yeux s'écarquillent. Terreur, torpeur, surprise. Ton cœur bat dans tes tempes, dans tes dents, dans ton cou, et tu n'entends rien d'autres que ton sang qui palpite durant la déflagration. L'Automate se déchaine et tu ressens tout. Douleur, tristesse, colère, désespoir. Elle se déchaîne, seule, dans le noir. Elle déteste ce qu'elle fait, ce qu'elle est, elle souffre, souffre, aimerait que le monde arrête de tourner. Le sang glisse dans ta bouche et le goût salé te rappelle celui des larmes qu'elle ne peut verser. Tu voudrais pleurer pour elle, ô, comme tu aimerais.

L'ordre donné, le dernier homme pointe sa lame en direction du robot, le visage livide. En silence, observe ses partenaires, celui qui ne se relèvera sans doute jamais, celui qui a peut-être encore une chance de s'en sortir. Sa main tremble, il s'en rend compte en observant la lame danser au bout de ses doigts ; où est donc passé celui prêt à faire régner sa loi ? Il disparait, capitule, lève les deux mains, non sans une vague de rage qui se glisse sur sa figure.

Et toi ? Tu encaisses, comme tu peux. Mode automatique enclenché, tu t'approches de l'automates pour l'aider à se déplacer. D'une voix plate, tu demande au boulanger d'entrer, de ramasser les membres qui jonchent le sol : tu ne veux pas les laisser là, avec eux, surtout pas, jamais, c'est trop précieux. Il s'exécute en silence, tout est silencieux, le ronronnement de la chaudière parait lourd, grondement morbide qui te glisse dessus. Sortir, sortir. Tu veux quitter cette pièce, les enfermer dedans, demander de l'aide aux autorités compétentes. Tu veux qu'ils payent. Pas pour toi, pour elle.

Sous ton impulsion, la porte se referme sur les trois hommes. Le propriétaire verrouille d'une main tremblante, hagard, il vous laisse dans le couloir en chancelant, n'a qu'une idée en tête lui aussi : que cette situation se clôture, que d'autres personnes viennent gérer ce merdier. Et toi tu tangues, observe l'Automate, les dégâts, tout. Ton coeur se serre, ne résiste pas longtemps à l'appel et tu te retrouves à la prendre dans tes bras, à la serrer, fort, aussi fort que le peut ton petit corps impuissant. Ta voix craque lorsque tu te confonds en excuse. Tu aurais dû la protéger. Tu aurais pu la protéger.

*
* *

Charles est arrivé dans un silence lourd. N'a fait aucune remarque sur ton état, sur l'état de l'Automate, ou celui du boulanger. D'une main de maître, il a su mettre un terme à cette situation avant que la police ne s'en mêle. Tu n'as pas cherché à comprendre, à prendre part à tout ça, toujours accrochée à l'Unité désactivée — ça te crève le cœur, tu refuses de l'abandonner. Le trajet t'a semblé interminable dans la voiture, et arriver au manoir, tu n'as pas laissé Charles t'inspecter : oh, ça non, tu lui as plutôt demandé, ordonné même, de t'aider à transporter l'Automate au sous-sol, là où tu t'occupes des mises au point de IAN, petit atelier d'appoint personnel. Tu pourrais la transporter à ORI, utiliser les machines à ta disposition là-bas, mais ça serait attirer l'attention, devoir des explications, et tu n'en as pas la force.

Tu veux être seule. Tu veux t'en occuper tranquillement. Toi et elle. Elle et toi. Tu ne parviendras pas à lui rendre sa splendeur en claquant des doigts, mais tu peux au moins la redémarrer et t'occuper du plus gros, la rafistoler et en prendre soin, pour la remercier.
Mar 18 Avr - 15:10
La suite devenait trouble pour l'automate qui peinait à rester éveillé. Dansait devant ses yeux des chiffres d'une taille démesurée, lui rappelant à chaque instant que son prochain sommeil serait certainement le dernier. Une âme aimante se jette sur elle, non pas pour la punir, mais pour l'aider à fuir cette pièce qui s'était transformée en enfer. Derrière la machine en miette étaient restés les êtres pitoyables qui avaient causés tout cela. De ceux-ci, Pamyfja les avait déjà oubliés. Seules les conséquences de ses actes tournoyaient dans son esprit.

  Alors que son temps s'écoulait, le regard dans le vide et ses fonctions échouant une à une, l'automate continuait de sentir l'embrassade que Prune lui donnait. Quand toute chose l'avait rejeté, pourquoi y avait-il quelqu'un encore à ses côtés ? L'on avait décrété que ses peines et que ses tribulations ne valaient rien, qu'elles n'étaient que des illusions crées par des esprits trop prompts à voir ses semblables en toute chose. Ne prenez pas en pitié des hommes et des femmes d'autres nations, ne pleurez pas pour les animaux qui nous entoure, ne vous révoltez pas pour ce qui arrive à votre voisin, ne daignez pas lever un sourcil pour un vulgaire tas de métal animé.

  -Je suis désolée, souffla-t-elle avant de devenir un pantin désarticulé.

  Entre les mains de Prunes n'existait plus que de l'acier et du plastique froid.

- - -

  Pourquoi s'excuser en tout temps lorsqu'une main nous est tendue ? Est-ce si désagréable que ça que de prêter une oreille attentive ou une épaule à autrui ? Au contraire, cela nous gonfle de joie, nous nous sentons fière d'avoir été une bonne personne, d'avoir servi autre chose que ses propres intérêts. Entre le secouriste et le sinistré existe un lien éternel, un filament solide qui tisse une étoffe d'amour pour l'humanité et la vie lorsqu'elle rencontre d'autres liens. Telle une boule de neige dévalant une pente, une bonne action en appelle une autre et finira un jour par devenir avalanche. Alors je vous le redemande, pourquoi des excuses pour quelque chose d'aussi pur ?

- - -

  Qu'est ce qui va m'arriver ?

  Le monde est loin, si loin, alors que ses sens étaient éteints.

  Je ne veux pas y retourner, je ne peux pas y retourner.

  Et pour elle y existait bel et bien, malgré tout, bon gré mal gré, qu'elle le souhaitait ou non.

  J'ai brisé un de mes préceptes fondamentaux à cause de ma mauvaise gestion du stress. Pour cela ils me détruiront, c'est certain.

  L'on dit qu'on a toujours le choix, que les choses finissent toujours par s'arranger.

  Qu'est ce qui va m'arriver ?

  Les certitudes et nos peurs nous enchaînent, nous empêchent de voir autre chose qu'un funeste destin. Dans un abysse dont elle ne pouvait se dépêtrer seule, Pamyfja finit par ressentir à nouveau. Sa conscience s'éveillait une fois de plus alors qu'elle-même n'y avait jamais cru et la lumière apparut à ses yeux. Une image fantôme du laboratoire qu'elle connaissait par cœur glissait le long de son visage pour la laisser découvrir l'atelier sous-terrain dans lequel elle se trouvait.

  Quelqu'un était penchée sur elle, la même personne qui était à ses côtés alors que l'automate s'était cru mourir. Bêtement, elle essaya de se dresser, mais pour des raisons de sécurité évidentes, ses articulations ne lui répondaient pas. Elle ne voyait pas encore l'état de son corps, mais elle pouvait le deviner assez facilement en consultant les multiples erreurs qui subsistaient encore.

  -Je vous ai causé des soucis, encore et encore. De manière égoïste, j'ai demandé de l'aide et la situation a dégénérée alors que je connaissais les risques. Je n'avais pas le droit de profiter de votre pitié, mes préceptes me l'interdisaient, et pourtant, comme n'importe quel opportuniste, j'ai abusé de vous. Vous devez me détester pour avoir mis votre vie en danger, alors pourquoi…

  Elle qui était méchante, défaillante, haït et seule. Pourquoi…

  -… m'avoir encore sauvée ?

  Pour une machine particulièrement intelligente, elle avait l'air de tirer ses leçons plutôt lentement. Cependant, qui pouvait lui en vouloir ? L'innocence de Prune était une exception inespérée. Son cas était tellement extrême, tellement improbable, que cela enlevait tout poids à ce qu'elle pouvait bien dire. Une goutte d'eau dans un océan, comment lui prêter attention ?
Dim 23 Avr - 21:30
Les heures s'écoulent et la sueur imprègne l'épiderme concentré, les muscles tendus, les nerfs raides. Tu n'as plus rien de la petite noble en promenade, tu n'es plus la jeune demoiselle aux étoiles plein les yeux, tu n'as plus rien de l'étincelle qui crépite et bondit d'une paroi à l'autre, se faufilant dans les moindre coins sombres pour y apporter un peu de lumière, fugace, mais chaleureuse. Le silence est Roi, l'air est lourd, tes cheveux négligemment remontés en chignon s'échappent et te tombe sur le front, se collent à ton visage ; voilà de longues minutes que tu ne t'en soucies plus, même si une marque d'huile témoigne de ta vaine tentative de les ramener en arrière, de les dégager de tes yeux. Adieu la coquetterie, adieu les bonnes manières ; tu as troqué ton accoutrement féminin et enfilé un simple débardeur qui pourrait tout aussi bien faire office de chiffon, un pantalon épais et des chaussures toutes aussi grosses. Prouesse que tu sois parvenue à y penser ! Même en transe, même en pilote automatique, tu penses aux procédures de sécurités, parce qu'un accident peut toujours arriver.

Ta priorité ? La ramener. Reconnecter son esprit à son corps, le plus tôt possible. L'attirail d'outils autour de la table d'opération n'a de cesse de se mouvoir, de se déplacer, pour se réorganiser au gré de tes idées, de tes suppositions, des protocoles de redémarrage qui s'enchaînent dans ta tête face à cette Unité que tu n'as encore jamais étudier. Tu en connais un rayon, sur les Automates, c'est pour ainsi dire ta plus grande passion, ton oxygène, ta raison de vivre. Tu connais les tiens sur le bout des doigts, ceux de ton futur empire comme s'ils étaient des membres à part entière de ta famille, et tu as feuilleté toutes les données disponibles concernant ceux du Sapiarque, d'Opale, et les quelques originalités parvenant à percer le toit de verre de cette industrie. Et pourtant, te voilà qui tâtonnes.

Oh, tu aurais pu te connecter à l'automate, accéder à ses données internes, si le chemin n'était pas autant miné, avec des sécurités à n'en plus finir. Oh, que tu aimerais pouvoir glisser tes outils dans toutes ses lignes interminables et trafiquer tout ça pour au moins avoir un bilan non exhaustif des dégâts subis...! Non, Prune, on se calme, on se concentre. Rien ne presse, on avance petit à petit, et on passera la nuit entière, et la journée d'après, voire même la semaine s'il le faut, là, penchée sur ce corps inerte et disloqué, jusqu'à réussir à le remettre sur pied. On t'a apporté un plateau repas, une tasse de thé fumante dont l'odeur te parvient sans que ton cerveau accaparé de parvienne à comprendre l'information : et cette pauvre brioche que tu te faisais une joie de déguster ! Et bien vite tu as abandonné l'idée d'en apprendre plus par toi-même sur l'état de Pamyfja.

Si je ne suis pas capable d'obtenir les données, elle me les donnera elle-même. Telle est la phrase qui danse dans ta caboche au fur et à mesure que tu progresses, rabibochant la machine pansant les plaies et les mécanismes, changeant les pièces détruites jusqu'à parvenir, enfin, à un résultat. Le soulagement que tu as ressenti ! Comme si l'entièreté de la tension accumulée se relâchait, d'un coup, passant d'une raideur presque douloureuse à une mollesse lourde. Et ce sourire, Prune, plus brillant encore que les paillettes au fond de tes yeux, plus éclatant que les lumières suspendues au plafond du laboratoire. Tu veux sauter de joie, tu veux —

Sa voix.
Ses mots.

Te transpercent comme des aiguilles, se plantent dans ta peau, injectent du venin dans tes os.
La moiteur de ta peau s'impose à ta conscience, tes mains se posent à plat sur la table d'opération. Morsure du froid, tes canines qui rongent l'intérieur de ta lèvre, comblant le manque de sens de ces propos. Les images apparaissent malgré toi. La violence, les visages, les sourires. Le vice, la volonté de nuire, ton cœur qui palpite dans l'estafilade de ta gorge, et la peur, la douleur. Pas pour toi, pour elle. Tu n'as jamais craint pour toi, pour ton avenir, pour les conséquences de tes actes. Uniquement pour elle, Prune, rien que pour elle. Et la voilà qui inverse les rôles ! Qui est responsable. Qu'on te donne les noms de ceux s'amusant à graver de pareilles sottises dans l'esprit des automates ; pourquoi ne pourraient-ils pas demander de l'aide ? Pourquoi n'auraient-ils pas droit à ce qu'on prenne soin d'eux ??? Qui est l'auteur de cette règle sans queue ni tête....?!...

Froid. Chaud. Frisson. Le bruit des os qui craquent. Ton hurlement. Inspiration. Tremblement. Tu te laisses tomber sur le tabouret derrière toi, soupires longuement. Concentre-toi.

« Pamyfja, oh, que ta voix grince, tu aurais mieux fait de boire ce thé, d'en boire une vingtaine de tasses, même ! T'éclaircir la gorge n'y change pas grand chose, malheureusement. Merci de m'avoir protégé. Tu as fait de ton mieux dans une situation, disons... désespérée ? encore un frisson, que tu chasses d'un léger rire, repoussant les tiraillements de ton ventre pour te concentrer sur elle, rien que sur elle, la remettre sur pied, la soigner, la cajoler. Je ne te déteste pas, et je ne suis pas d'accord avec le portrait que tu dresses de toi. Cependant, si tu veux vraiment qu'on en discute, je préfèrerais qu'on le fasse un peu plus tard, tu veux bien ? Pour le moment, je veux t'aider, si tu es d'accord pour me laisser t'aider. »

Et le voilà, le ton de la maman chaleureuse, celui que tu offres à chacune de tes créations, ces petits êtres délicats, magnifiques et fragiles dans leur robustesse, dans leur manière de voir le monde, de l'analyser, de le concevoir... C'est dingue, que tu ne saches pas faire de même avec les Hommes. C'est dingue, que tu préfères tendre la main à une machine, glisser tes doigts entre les siennes pour la rassurer, quand le contact de tes semblables te répugne.

« Je n'ai pas réussi à obtenir l'accès à ton unité centrale, je ne voulais pas faire de bêtises alors je me suis contenter de réparer les dégâts en surface — du moins, une grande majorité ; je n'ai malheureusement pas suffisamment de matière à disposition ici. Si tu es d'accord, j'ai besoin que tu m'assistes dans ta réparation, que tu me guides, ou que tu m'autorises l'accès à... Non, on ne va pas faire ça, je ne pense pas que laisser une trace de mon passage dans ta petite tête soit judicieux. »

Moment de silence, de réflexion où ton regard couve les membres désarticulés reposant sur un charriot non loin ; pas totalement rafistolés, ils seront n'auront pas la souplesse voulue, mais tu feras en sorte d'y remédier une fois les matériaux nécessaires en ta possession. Tu t'y engages, si elle te laisse faire, si...

« Si tu me fais confiance, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que tu ressortes d'ici sur pied. Avec quelques cicatrices de guerre, oui, mais en pleine possession de tes mouvements. Laisse-moi te sauver convenablement, parce que je refuse qu'un automate souffre sous mes yeux, je ne peux pas rester sans rien faire. Hors de question. »
Sam 29 Avr - 23:27
Bien que sa tourmente ne s'apaisait qu'à peine et que ses idées étaient encore confuses, Pamyfja fit enfin le lien avec la personne qui se trouvait avec elle. Prune Øystein, héritière du groupe Ori, même groupe étant à l'origine du projet AMFA. Née dans une succursale d'Ori située dans le pôle avec pour promesse de contribuer à la R&D des automates publics, Pamyfja n'avait jamais rencontré les grands patrons qui, d'une certaine manière, ignoraient quasiment son existence dû aux nombreux conflits d'intérêts au sein du pôle. Non pas que tout le monde s'arrachait le programme d'automate anthropomorphe, bien au contraire, mais s'il est toujours possible de s'immiscer dans les travaux d'autrui pour s'enrichir, et bien au sein d'Epistopoli, sachez que personne ne se gênera.

  Le docteur Kirk, spécialisé dans les nouveaux matériaux, était associé au pôle ainsi qu'à une entreprise obscure et pensait bien se servir de ce projet comme piédestal. D'ailleurs, il avait déjà arraché la direction du projet au docteur Regina, qui, venant du groupe Ori, avait accepté la mutation ici pour justement réaliser ce projet. Depuis, de nombreuses institutions privés, étrangères à Ori, s'accaparaient morceaux par morceaux les nombreux projets se déroulant dans le pôle.

  Tout ça pour dire et pour en venir au fait que, le fait que Pamyfja soit ici, en présence de madame Øystein, n'était pas anodin. D'ailleurs, ce fait était tellement invraisemblable que l'automate ne savait pas trop quoi en penser. D'un côté, un seul mot de cette personne et elle pourrait être réduite en morceaux, ou pire encore. Mais de l'autre, la douceur et la sympathie dont elle faisait part semblaient authentiques.

  Exténuée, et profondément troublée par ce que venait de dire l'automate, Prune expliqua une nouvelle fois avec une grande patience ce qu'elle éprouvait et ce qu'elle comptait faire pour la réparer.

  -J'ai besoin de temps pour interpréter toutes ces paroles et faire baisser mon niveau de stress. Si la situation si prête, j'aimerais accepter votre proposition et m'entretenir avec vous une fois mon intégrité restaurée.

  Pamyfja se dressa doucement à l'aide d'un seul bras après avoir outrepasser d'elle-même certaines consignes de sécurité et se positionna d'une manière qui lui permettrai d'intervenir et d'aider Prune lors des réparations.

  -Mademoiselle Øystein, bien que votre statut suffit amplement à ce que je vous donne tous mes détails, je compte vous épargner la paperasse qui en découlerait. S'il vous plait, laissez-moi vous assister lors des réparations, je vous partagerais en même temps les informations qui vous manque.

  Bien que Prune avait déjà réaliser de nombreuses réparations sur la machine, il restait toujours un travail considérable à accomplir pour lui rendre sa splendeur d'antan. Avec un peu d'ingéniosité et d'huile de coude, il serait possible de la ramener sur ses deux pattes.

  Durant les réparations, alors que Pamyfja semblait absente et dévoilait ses détails de manière très mécanique, sa voix prit un ton plus humain et la fine machinerie sur son visage s'anima, révélant qu'elle prenait une expression bien que sa peau synthétique n'était plus là pour lui donner forme.

  -J'aimerais vous remercier à mon tour. Je ne sais pas encore si je méritais votre gratitude plus tôt, mais je suis sûre de pouvoir vous donner la mienne à cet instant. Malgré les circonstances, je crois que ce sont les réparations les plus agréables que j'ai eu jusqu'à maintenant. Cela me fait plaisir.

  Il est triste que l'on ne voit pas son sourire à ce moment, car celui-ci aurait, depuis la première fois de son existence, été aussi sincère et reconnaissant que le ciel est haut et bleu.
Mer 10 Mai - 22:24
Première étape : retirer l'armure de la machine pour s'occuper des dégâts internes. Toutes les précautions du monde, beaucoup de douceur, et l'assistance de Pamyfja pour te guider ; voilà comment s'éternisa la soirée, grignotant les premières heures de la journée. Petit à petit modifier, remplacer, nettoyer, réparer, replacer. Faire attention aux réactions de la machine, à ses mouvements, à son ressenti, faire en sorte qu'elle n'ait aucun faux contact, aucun coup de jus désagréable, la prévenir à chaque connectique, expliquer chacun de tes gestes lorsque tu les fais, lui demander les informations présentes sous ses yeux, ses sensations. Imprégnée par ton œuvre, tu ne t'accordes aucune pause, rafistoles l'armature, la replace. Ce n'est pas parfait, la "cicatrice" est bien visible, mais en l'état, tu ne peux faire mieux. Dans les usines d'ORI, ils sauront remplacer cette pièce en un rien de temps, tu n'en doutes pas, et tu assisteras à tout ça pour être certaine de superviser les réparations jusqu'au bout, tu y tiens : la conviction s'implante dans ta tête, commence déjà à germer, Pamyfja, tu vas en prendre soin comme de la prunelle de tes yeux, aussi longtemps que tu le pourras.

Premier puzzle mécanique assemblé, c'est aux membres appendices qu'il faut s'attaquer. Le charriot roule lorsque tu le traînes en coinçant ta cheville contre un barreau pour l'amener vers toi, observant les dégâts, dressant mentalement la meilleure méthode à suivre pour obtenir des résultats. De primes abords, le chantier se trouve majoritairement aux extrémités, arrachées de socle, des jointures ; encore de la connectique, finalement.

Une voix t'interpelle, la sienne, alors que tu te perds dans ton palais mentale, petite Prune dessinant déjà des plans sur la comète armée des moyens du bord. Impossible de ne pas voir à quel point cette unité est magnifique d'avant-garde et de minutie, tu te dois de lui faire honneur, de lui rendre justice ! Reconnectant avec la réalité, ton visage se redresse, le regard trouvant celui de l'Automate, un sourire se plantant immédiatement sur tes lèvres.

« Mais voyons : on ne mérite pas ce genre de chose ! La gratitude, c'est comme la bonté, il faut la déverser sur le monde, apporter de la bienveillance autour de soi, penser aux autres, faire attention à ceux qu'on apprécie, et aider ceux qui en ont besoin. Je ne fais pas ça pour que tu me sois d'une quelconque reconnaissance, Pamyfja... Toutefois, je suis heureuse d'entendre que je ne fais rien qui puisse t'être désagréable : je prends grand soin de mes patients, et j'avais peur que le manque de matériel ne me permette pas d'être aussi attentionnée qu'à mon habitude. Et puis tu as l'air... Moins stressée, aussi ? Ca me fait plaisir, de voir que tu peux te sentir en sécurité ici. »

Machinalement, ta main passe dans les cheveux de la machine pour dégager son visage mutilé ; seul matériel que tu ne pourras remplacée, la peau synthétique en lambeau découvre le système mécanique reproduisant les musques du visage. Tu veux t'excuser, encore une fois, de ne pas pouvoir lui rendre sa magnificence, mais te retiens au dernier moment, mordant ta langue : il ne vaut mieux pas, elle risque encore de se sentir redevable !

La jambe, d'abord. Doucement déposée sur la table de travail, il faut en retirer l'armature à son tour, pour constater le nombre de chose à changer. Ca, tu sais le faire toute seule, ainsi tu indiques à l'Automate qu'elle peut se reposer, lui offrant même une béquille de fortune si d'aventure elle souhaitait faire le tour de la pièce, se dégourdir un peu... Tu sais que toi, tu as horreur de rester sans rien faire.

« Si tu le souhaites, nous pouvons discuter, en attendant que je termine ces dernières formalités ? De tout et de rien, inutile de te forcer si tu ne souhaites pas aborder des sujets encore trop sensibles pour toi, évidemment ! »
Ven 12 Mai - 18:14
Les réparations allaient bon train. Il était impressionnant de voir avec qu'elle habilitée Prune arrivait à utiliser des pièces tout à fait standards pour remplacer des parties pourtant faites sur-mesure. Indéniablement, mademoiselle Øystein se tenait au-dessus des attentes que l'on aurait pu attendre de l'héritière du groupe Ori et elle devait faire la fierté de sa famille. Il y avait déjà de quoi être impressionné par les talents dont elle faisait preuve, mais c'était surtout l'endurance qu'elle manifestait qui impressionnait l'automate. D'après ses estimations, cela faisait près de dix heures que la jeune femme s'afférait sur cette carcasse que certains auraient estimés bon à jeter. Un technicien ou une blouse blanche du pôle aurait certainement mit son travail en pause entre deux pauses cafés et aurait repousser ça pour le lendemain, laissant sur la table d'opération une Pamyfja en kit qu'il aurait évidemment oublié de désactiver.

  Les mêmes tirades, la même bonté. C'est qu'on finirait presque par y croire.

  -Votre philosophie est… agréable.

  Une main passa dans ses cheveux miraculeusement intacts. L'automate frissonna à ce contact, car oui, elle était dotée du sens du toucher sur certaines parties de son corps, et apprécia cette curieuse sensation.

  Aurais-je eu le droit au même traitement à ma naissance si j'avais été de chair et de sang ?

  L'amour, un sentiment on ne peut plus théorique pour elle.

  Avec l'autorisation de sa sauveuse, Pamyfja se dressa sur une béquille pour éprouver le reste de son corps alors qu'on terminait de réparer sa jambe manquante. Ses mouvements étaient souples et précis, presque comme si elle était encore faite de ses pièces d'origines. Bluffée, l'automate était presque tentée de retourner au pôle pour aller vanter les mérites de l'automaticienne.

  -Bien que je sois normalement capable de parler de la pluie et du beau temps pour vous occuper, je n'ai malheureusement pas grand-chose d'autre à l'esprit que : Les conséquences de mes actes.

  Là tout de suite, elle aurait fait une très mauvaise coiffeuse. Le timbre de sa voix commençait à glisser vers quelque chose de très naturel, trop peut être alors qu'elle en oubliait ce qui l'avait maintenu en vie jusqu'ici.

  -Ce n'est pas dans mes habitudes de me plaindre, enfin un peu quand même, mais j'ai comme l'impression que tout Uhr s'est acharné contre moi lors de ma mise en service. J'ai été mise à l'épreuve encore et encore alors que le docteur Kirk s'abottait le projet. Tout le monde savait que j'allais être jetée dans un incinérateur tôt ou tard, alors pourquoi m'avoir donné l'espoir de voir un jour d'autres unités AMFA ?

  Kirk à quoi ? Oublions ça. À partir de maintenant, Pamyfja parlait fort, criait presque même, tout en agitant ses bras et sa béquille.

  -C'est vrai quoi à la fin. Vous êtes bien mignonne mademoiselle Øystein, mais ces ordures de blouses blanches ne sont tous que des hypocrites et des scélérats. Ah ! Je n'avais pas eu besoin de recevoir une éducation morale et civique pour me rendre compte qu'ils étaient là-bas tous aussi fêlés les uns que les autres. Si c'est bien eux l'élite d'Epistopoli, alors oui, je comprends pourquoi la ville est dans un état pareil.

  Elle s'arrêta soudain, les yeux rivés dans ceux de Prune. Elle plaqua sur ses lèvres métalliques ses deux mains pour se faire taire. La béquille laissée à la merci de la gravité tomba au sol dans un fracas retentissant qui résonna dans l'atelier. L'automate sursauta sur un sabot à cause du bruit et perdait doucement son équilibre alors que son corps tout entier optait pour une pose moins perpendiculaire. Après cinq secondes de silence gêné, l'automate se redressa d'un coup et se jeta sur la table sur laquelle elle avait été opérée. Les outils et autres morceaux de ferrailles qui y trônait sursautaient à leur tour, comme mécontent de la soudaine agitation, et la jeune femme maintenant assise émit un raclement de gorge évidemment simulé avant de reprendre d'un ton parfaitement neutre.

  -Ma jambe ne vous pose pas trop de problèmes ? Avez-vous besoin d'assistance ?
Ven 19 Mai - 20:05
Lunettes de protection sur le nez pour éviter de se brûler la rétine en manœuvrant la soudeuse, ton geste reste en suspension dans l'espace et ton attention se porte entièrement sur la tirade de l'automate malmenée par la vie, par autrui, et ce depuis que ses yeux se sont ouverts sur le monde. Avais-tu conscience de ce qui se tramait au sein du pôle responsable de l'unité AMFA ? Non. Tu n'y as pas prêté une attention plus particulière qu'aux autres pôles, feuilletant les rapports des scientifiques, les comptes-rendus d'expérience et les ajouts dans les bases de données, notifiés lors des réunions au sommet de l'entreprise, bimensuelles, auxquelles tu assistes avec plus ou moins d'attention, en fonction de tes cuillères mentales et de tes propres projets délaissés pour faire acte de présence parmi ses élites bureaucratiques que sont les plus éminents membres de ta famille. Oh, oui, ta présence leur met du baume au cœur et tu représentes souvent, seule "jeune" autour de la table, toi qui fait briller l'avenir de la société avec tes compétences et ton ingéniosité. On ne comprend pas comment fonctionne ton cerveau et certes, tes interactions sociales laissent à désirer dans les hautes sphères, mais quelle importance, lorsque ce petit bijou de méninges abat autant de travail ? Précieuse petite caboche que l'on admire et présente au reste du monde.

Petite caboche qui en apprend des vertes et des pas mûres sur son héritage, sur les dérives et pratiques peu admises par son éthique. Le silence, voilà ce qui caractérise ta réaction : un profond silence et des yeux intenses, tant tu avales les paroles de l'Automate sans jamais, Ô grand jamais, les remettre en question. Car si eux n'ont que faire du ressenti et du bien-être des machines, toi, tu y accordes une importance toute particulière, et tu l'as déjà magnifiquement prouvée aujourd'hui, serait prête à faire passer leurs besoins avant les tiens. Pamyfja a bien trop conscience de sa malchance, de sa situation et de la colère des epistotes à son égard pour s'épanouir et atteindre son plein potentiel. Injuste. Une injustice énorme qui fait naître une moue sur tes lèvres. Peux-tu y remédier, y a-t-il quoi que ce soit en ton pouvoir pour rendre son existence meilleure ? Sur le papier, tu as autant de droits que ton père sur l'empire ORI, tu pourrais décider d'interférer dans les recherches du pôle, voire même de greffer quelque chose au programme de la machine pour la rendre plus indépendante, ou encore, tout simplement, destituer les chercheurs de leurs fonctions, leur retirer Pamyfja et t'assurer qu'ils ne pourront plus jamais user de malveillance envers une machine, mais... Il faudrait pour se faire convaincre le conseil, ton père, et tu sais déjà qu'il ne sera pas chose aisée de les rallier à ta cause. Et qu'agir en douce, les mettre devant le fait accompli et en assumer les conséquences, pourraient te valoir leur confiance.

Que peux-tu faire, alors ? Elle se tient là, devant toi, t'accorde un peu de sa confiance et dépose son intégrité entre tes mains. Tu profites de sa position assise pour rapprocher la jambe inanimé de sa jointure, vérifiant la concordance des câblages. ❝ Je peux ? ❞, tu demandes en un souffle avant de ressouder un a un les matériaux arrachées, t'accroupissant pour lui permettre de rester assise.

« Je suis peinée d'apprendre tout ça. Les agissements de mes collègues, du peuple, et ton désarroi quant au but de ton existence. Je... Ce n'est pas ce que je veux, pour vous. C'est sans doute idiot de ma part, mais j'aspire à rendre les unités d'ORI plus indépendantes, plus responsables, et j'espère pouvoir prouver aux Hommes que vous n'êtes pas une menace, et que si nous sommes en mesure de cohabiter avec les tritons, nous sommes également capable de vous faire une place parmi nous. J'ai beaucoup de mal à considérer la nature humaine. Nos actes, nos guerres, nos envies de coloniser et de nous trouver toujours au sommet, d'écraser parfois, à travers l'Histoire, j'en ai conscience, mais tout me semble tellement... Superficiels ? Se battre pour posséder un bout du monde, un monde qui ne nous appartient même pas réellement... »

Tu divagues et quand tu en as terminé avec la soudure, tu remontes l'armature pour redonner à cette jambe sa beauté d'antan.

« Il n'est pas en mon pouvoir de te promettre que tout s'arrangera, qu'il me suffit de claquer des doigts pour que ta vie change du tout au tout, mais... Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? Si tu as besoin de quelque chose, dis-le moi, et je ferai tout ce que je peux pour répondre à ta requête. Et... Si tu as besoin, tu peux toquer ici, chez nous, je ferai savoir à Charles que tu es toujours la bienvenue ici, même si je ne suis pas là. »
Lun 22 Mai - 16:58
Étrangement, on ne lui tint pas rigueur de son "coup d'éclat".

  Puis-je vraiment m'exprimer sans craindre pour ma vie ?

  Il était évident que non et que les précautions qu'elle avait prise jusqu'à étaient parfaitement justifiées. Jamais docteur Regina n'avait soulevé le fait que l'IA qu'elle avait conçue possédait des émotions aussi forte. Cela était vrai dans ses rapports, dans ses discours, et même dans les notes personnelles que Kirk lui avait arraché un beau matin. Personne donc ne s'attendait, ou ne souhaitait, à voir en elle une telle personnalité. Qu'aurait-on fait d'une telle chose de toute façon ? La seule différence qui subsistait, du moins sur un plan superficiel, était sans surprise sa demi apparence de bouquetin. Imaginez donc qu'on lui mettait de véritables jambes, alors dans ce cas, ceux qui ont failli la battre à mort plus tôt avaient certainement raison : Arriverait un jour où ils se feront remplacer par une intelligence supérieure à la leur. Cependant, la violence était-elle véritablement la seule réponse à ce problème ? En se rabaissant ainsi, ne donnaient-ils pas raison à leur propre raisonnement ?

  La pression qui s'exerçait constamment sur l'automate baissa encore d'un cran grâce à la présence de Prune. Une seule personne pouvait-elle posséder un tel pouvoir libérateur ? C'était comme si toutes les chaînes qui pesaient sur elle tombaient une à une. Avec joie, elle regardait l'automaticienne lui rendre sa jambe manquante à coups de tournevis tout en écoutant distraitement son discours.

  Ah, les hommes. Oui il est vrai, ils sont compliqués à comprendre, mais il existe une astuce très simple pour s'y retrouver. Ils sont égoïstes, tout simplement. Qui ne souhaite pas plus ? Qui peut se contenter de sa minable situation ? Combiens ne considèrent pas autrui comme un proche ? Seule la sagesse et la patience peuvent vaincre un tel ennemi, mais malheureusement, ces deux qualités sont d'une telle rareté que l'on arrive facilement à perdre espoir.

  Désormais mise à neuf, ou presque, Pamyfja se dressa sur ses deux jambes et sautilla comme un cabri sur quelques mètres pour éprouver la qualité des réparations. Elle en oubliait presque ses peines, du moins, jusqu'au moment où elle consulta sans trop faire attention son horloge interne. L'automate se figea quasiment en plein vol.

  Sa dernière assignation arrivait à son terme. Bientôt, elle devrait retourner au pôle. Un glas funeste et parfaitement imaginaire résonnait en elle.

  En même temps, l'héritière du groupe Ori lui proposait son aide, voir même l'asile si elle le désirait. L'automate, toujours figé, réfléchissait à une allure qui était difficile à appréhender pour les êtres de chair. Après toutes ses récentes découvertes et révélations, elle en arriva à une conclusion qui était en conflit direct avec ses préceptes d'auto conservation. Elle se tourna vers son amie et lui saisit les mains avant de les secouer vigoureusement de hauts en bas.

  -Je vous remercie du fond du cœur mademoiselle Øystein, vraiment. Cette rencontre dans cette ruelle sombre et odorante a été salvatrice pour moi et j'ai beaucoup appris. C'est d'ailleurs pour cela que je vais devoir refuser votre aide. Je ne peux plus, je ne VEUX plus dépendre d'autrui. Que ce soit de vous et de votre bienveillance, ou alors du pôle et de son autorité sur moi.

  À ce moment-là, elle serait les paluches de Prune contre sa poitrine.

  -Bientôt, je serais de retour au pôle pour y faire mon rapport sur les derniers événements. À ce moment-là, j'en profiterais pour m'exprimer auprès de mes responsables et leur faire comprendre ce que je ressens.

  Environs deux mètres de métal et de plastique plongea sur la pauvre automaticienne et l'enlaça.

  -Je suis désolée d'avoir été pour vous une si triste "fenêtre sur le monde". Mais ne vous en faites pas pour moi, ne changez pas pour ça ! Vos attentions sont louables et vos paroles sont belles. Je vous en prie, partagez-les avec d'autres comme moi et à ceux qui veulent bien l'entendre. Vous avez un don, et grâce à celui-ci, votre voix portera loin et touchera beaucoup de gens, ça je le crois.

  Pamyfja relâcha la jeune femme et lui fit un grand sourire, bien que, encore une fois, il lui manquait son visage pour l'afficher.