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Voyage au pays des Nabots

Voyage au pays des Nabots Brandw10
Jeu 2 Mar - 17:04
Je m’esclaffe de rire mon gars, t’imagine pas. On m’regarde comme si j’étais le dernier des cons.

« Vous vous foutez de ma gueule ? S’exclame le géant qui dirige la petite opération.
- Négatif chef, ça vient des éclaireurs.
- Un putain d’aéronef. Au milieu de nul part. »

Pour être nul part, on est nul part mon pote. Entourés par une petite merde grisâtre qu’on appelle la Brume. Alors, heureusement pour nous, elle est fine par ici, mais quand même ! Je continue de ricaner avant de tousser et de cracher un glairons par terre.

« S’cusez, que j’fais, c’est sûrement ma faute.
- Pardon ?
- C’t’aréonef, j’veux dire. C’est moi, j’attire la merde, j’y peux rien. »

J’suis sincère, mon aura incroyable attire tout un tas d’évènements paranormaux autour d’ma personne. J’suis tellement un bon gars que j’les ai prévenu en intégrant la petite troupe. ‘Tention, je leur ai dis, j’suis un aimant à chiasse. Ils m’ont pas cru et hop ! La petite surprise. Un aéronef en pleine zone de mort, qui s’écrase à flanc de montagne. Ca pour une surprise !

« Vos superstitions ne nous aident pas, ami gnome. Des couleurs ? Que le patron demande à son coursier essoufflé.
- Rien dans le rapport, chef.
- Merde.
- Bah, laissons les crever et continuons, que j’me risque.
- Si c’est un fret de l’alliance, notre contrat stipule qu’on doit leur porter assistance, les gars.
- C’est p’tête juste des connards.
- Si ils sont pas de l’alliance, ça reste préoccupant. Je veux pas m’aventurer en territoire de Brume en ayant un nouveau facteur inconnu. Y’en a déjà bien assez par ici. »

Bon, il va pas lâcher l’affaire. Ca m’arrange pas ! J’suis venu ici pour l’aventure, les trésors, et rencontrer la Mort, et mes lointains cousins du pays des Nains. Pas jouer les secouristes. Mais pas moyen de continuer seul, j’suis con mais pas suicidaire. Ce corps expéditionnaire, c’est un peu mes copains maintenant. Des copains qui m’protègent parce que je les guide. Alors oui, j’les guide dans un endroit que j’connais pas, c’est un sacré concept hein ! Mais en voyant ma dégaine, y se sont dit que le pays des Nains, je devais connaître. Moi, j’ai juste voler une vieille carte dans les Monts d’Argents, y’a longtemps, avant qu’j’déserte la mine. Mais j’fais genre, pour l’instant, je m’en sors pas trop mal.

« Des détails sur les circonstances ? » Demande le géant.

Il fait au moins trois fois ma taille, sacrément balaise, balafré de partout, un vrai vétéran. J’suis à l’aise dans son ombre.

« Vitesse réduite, chef, d’après les éclaireurs, y’a de quoi penser qu’ils ont pu survivre, eux et leur engin. Sûrement pas en état de repartir. Un peu hasardeux d’estimer la position exact du crash, mais on a une direction. Et vu celle-ci, c’est pas gagné pour eux. »

Le petit gars essoufflé regarde l’immense montagne lui. Ca mon pote, c’est les Aiguières, une version plus glauque de mes montagnes natales.

« En sommes, si mission de sauvetage il doit y avoir… résume le chef, c’est maintenant. »
Mer 31 Mai - 11:21
« - Fichtre.... Merde !

- Madam..

- Non, pas maintenant ! » pestai-je en précipitant les sacrosaintes pilules, de leur récipient transparent jusque dans ma main. Qu'est-ce qui s'était passé ? Merde, merde, merde ! Le feu rougeoyait sous mes yeux et ce n'était pas des flammes plaisantes, non. Glob. Voilà qui irait mieux, bien. Où en étions-nous, ma conscience ?

Ah oui, l'incendie. Une partie de la toile du ballon qui n'avait pas encore pris feu recouvrait les cimes des pins environnants. L'autre fondait sur la triste carcasse consommée par l'Enfer lui-même. Qui avait causé cela ? Sûrement pas moi. J'étais une aéronaute, je savais manœuvrer mes navires mais cette fois-ci bien mal m'avait pris de naviguer si près de la Brume. Habituellement tout se passait bien, mais cette fois-ci, un obstacle s'était mis sur notre chemin. Heureusement aucun mort n'était à déplorer, mais je restais malgré tout circonspect de cette rencontre surnaturelle. Un curieux objet de la taille d'une montgolfière qui se déplaçait à une vitesse ahurissante. Peut-être un projectile ? Des Gobelins ?

« - Vous avez vu quelque chose ? »

C'était mon second, un junior. Nous faisions l'essai d'un nouveau modèle au nord du pays. Trop au nord, visiblement. Il semblait encore en état de choc ; rien à tirer de ses élucubrations. L'hôpital qui se moque de la charité, un peu. Je regardai mon flacon.

« - Et où a-t-on atterri... » murmurai-je en faisant un tour sur moi-même.

Les mêmes arbres, partout autour de nous. Mais surtout des pentes vertigineuses çà et là, cachées par le sous-bois. Avions-nous percuté une montagne, mon précieux ? Non, une pilule suffisait amplement, je devais me restreindre. Conseil de mon psy. Sinon je finirais par croire que les voix que j'entends sont réelles.

« - Vu la direction que nous avons prise, je dirais que nous sommes perdus quelque part dans les Aiguières, probablement aux alentours de la Forge-Dieu. Cela ne sert à rien de faire le planton en attendant les secours, ils ne viendront pas. Il n'y a plus âme qui vive ici... sauf si l'on compte nos amis d'Ankh Zidurgoth. »

Le gamin frissonna, quand bien même la carcasse enflammée du zeppelin nous tenait chaud. Ce n'était pas de sa faute ; le Pays des Nains avait une triste notoriété, comme bon nombre de lieux abandonnés au sein de l'enclave. Seul reliquat de son royaume fleurissant, Ankh Drolzin, la cité du Syndic qui frappait la monnaie, était malheureusement bien loin d'où nous nous étions échoués.

« - Allez, mettons-nous en marche, » dis-je simplement, imaginant que pour le frêle corps d'un être humain les températures environnantes ne seraient pas un danger immédiat.

J'avais tort. Après dix minutes à patauger dans la neige, le jeunot tremblait comme une feuille. Je décidais de maintenir une flamme dans ma paume, bien qu'il fasse alors jour, pour lui apporter un maigre réconfort. Je n'étais pas un monstre ; je ne pouvais pas accepter de voir l'un de mes chérubins souffrir ou mourir à petit feu. Ceux qui intégraient mon entreprise devenaient en quelque sorte ma famille... même si j'oubliais leur nom et parfois même leur existence. Je veillais sur eux.

Soudain, j'entendis des voix. Non, pas comme la tienne, gros bêta. Celles-là n'étaient pas bien loin de nous et semblaient se rapprocher. Bientôt, un petit détachement d'homme sortit des fourrés pour bel et bien venir dans notre direction ; j'étais sur mes gardes. Certains restèrent à bonne distance mais un géant s'avança. Et un nain aussi, qui semblait ne pas avoir remarqué que ses congénères avaient préféré se montrer prudent... ou révérencieux en laissant leur chef parler à leur place.  Le gnome n'en avait visiblement cure ; son allure prêtait à penser qu'il ne se souciait pas de grand chose d'ailleurs.

« - Je suis Gurandil et je dirige la patrouille que vous avez sous les yeux. Nous avons vu un aéronef s'écraser plus loin, j'imagine que-

- C'est nous. Esmée de la compagnie aérienne Lindblum. C'était un banal accident. » J'omettais volontiers la nature surnaturelle du crash. « Nous cherchons à rallier la civilisation. »

Évidemment, l'homme nous jaugea un instant, mais avant qu'il ait pu répondre, ce fut le Gnome qui se ramena :

« - Pas un fret d'l'alliance du coup. J'dirais des connards d'Episto, vu l'accent. On pourrait les laisser là, j'pense.

- La non-assistance à personne en danger est un crime à Xandrie, maître Gnome.

- J'sais pas. D'jà on est pas à Xandrie et pis ça nous oblige à faire d'mi-tour. »

La conversation tournait au vinaigre. Bien qu'en temps normal je me serais contenté du refus, la position délicate de mon adjudant me poussa à proposer une seconde solution :

« - Où que vous alliez, on pourrait vous accompagner, à condition que vous lui trouviez des vêtements chauds. J'aimerais bien que mon employé ne finisse pas en glaçon, tant qu'il reste sous ma responsabilité. Ne vous en faites pas, je vous dédommagerai à notre retour. »


Dernière édition par Esmée le Mar 8 Aoû - 19:06, édité 1 fois
Sam 29 Juil - 16:44
Gurandil, c’est un gaillard solide, aussi bien physiquement que dans sa tête. Il file sa cape au gamin qu’est à deux doigt de finir en glaçon sans qu’on lui demande, et commence à refiler des ordres autour de lui, pis il s’met à discutailler avec notre nouveau copain, Esmée.

Lui, c’est un sacré, j’peux te le dire. Je sais pas encore si j’l’aime bien ou si j’le hais, c’est deux choses assez proches tu sais, la frontière est fine. J’peux déjà te dire que c’est un sacré, en tout cas. Mon sixième sens, qui m’trompe jamais, me fait m’dire qu’sa compagnie sera au moins intéressante. Peut-être que j’vais finir par le planter, on sait jamais avec les inconnus ! Ou bien lui va m’planter, ouais, il a pas l’air stable, c’est ses yeux tu vois, ça brûle dans ses iris, comme s’il voulait absolument quelque chose mais qu’il savait pas encore quoi, un peu comme moi !

Alors j’m’approche, je montre mes vieux chicos au gamin qui semble un peu s’calmer, puis je vais tapoter l’épaule d’Esmée, en me mettant sur la pointe des pieds parce qu’il est pas p’tit ce salaud.

« Mon poto, si m’sieur Gurandil s’porte garant, j’peux pas aller contre. Par contre, j’peux pas garantir qu’on aille vers la civilisation très rapidement ! Enfin, on va p’tete croiser des restes quoi, ça pullule ici. Si z’avez pas peur d’l’aventure, ça d’vrait être bon. J’propose qu’on s’dirige vers le nord-est les copains, ça doit être vers Ankh Zidurgoth, calme toi p’tit, j’compte pas nous y amener, moi aussi j’préfère éviter, mais c’t’un repère comme un autre non? »

Copain Esmée m’adresse un grand sourire qui m’file la chair de poule, t’as d’jà vu un de ces automates d’Opale qu’essaient d’imiter les vivants? Ça m’terrifie, et ben là c’est pareil.

« On reprend la route d’ici dix minutes les gars, annonce Gurandil. J’voudrai pas qu’on traîne trop par ici. On réorganise nos rations pour nos deux nouveaux compagnons, on s’délie les guibolles et en route.
- A nouveau, merci de nous accepter. »

Y r’commence, sa révérance pue, on dirait un acteur itinérant.

« Maître Gnome, un mot?
- Pour sûr. »

Il m’entraîne sur le côté, vers le vide, d’où on a une belle vue de cette région de mort.

« Vous êtes donc notre guide?
- Ouep.
- Si ce que m’a dit Gurandil est exact, alors nous sommes du côté ouest des Aiguillères.
- Hm hm.
- Ankh Zidurgoth est donc au nord-ouest.
- Ah ouais.
- Étrange erreur pour un guide, non?
- Ouep, bizarre bizarre ! »

Fallait qu’on tombe sur un p’tit malin ! J’veux ma paye, moi. J’me suis gouré, c’est bon, on va pas en faire tout un plat, non? V’là qu’il a l’oeil qui brille encore plus, tiens.

« Oh et puis, ça arrive ! Ça reste entre nous. On déviera simplement en cours de route, ni vu ni connu.
- Vachement sympa d’ta part.
- Je suis sympa, oui.
- ... mais? C’est l’moment ou tu m’demandes un truc, au cas où t’aurais oublié. J’sais bien qu’vous autre, vous avez un peu de mal avec les interactions humaines. »

Il sourit encore plus. J’ai dit « vous autre » mais on va pas s’mentir, j’ai aucune idée de qui ça peut être, j’sais juste qu’il est bizarre.

« Ça viendra en son temps ! »

Et on r’tourne vers le groupe, qui s’prépare à partir. Directement nord-est, hein. C’est p’tete pas si mal, finalement, qu’on ai pris ces deux gus avec nous. Moi, j’aime bien quand on m’menace, c’est pas ennuyant, les menaces, ça m’fait dresser les poils d’la nuque, ça fait frémir mes copines araignées, j’suis incapable de t’dire si j’vais rentrer au pays les poches pleines de trésors et l’crâne bourré d’anecdotes ou si j’vais finir crevé dans un fossé, poignardé dans l’dos. C’est exaltant !
Mar 8 Aoû - 19:02
Une belle troupe d'olibrius. Le Gnome tenait plus d'un jean-foutre pas fichu de savoir différencier sa gauche de sa droite ; j'en profitais donc pour tirer quelques ficelles. Après avoir rectifié l'itinéraire pour nous mener à bon port, je le laissais avec un air contenté sur la barbe. Il m'en devait une désormais, mais cela semblait lui plaire ?

À côté, Gurandil était droit dans ses bottes mais visiblement naïf au point de croire que tous les Gnomes étaient des experts en géographie. Voilà longtemps que le Pays des Nains n'en portait plus que le nom, que la civilisation s'était effondrée et que les spécimens trouvables un peu partout venaient en réalité des Hautes et Basses Cités des quatre coins d'Uhr. Mais ses compagnons n'avaient pas l'air plus inquiets.

Avec mon combustible personnel, je réchauffais un peu l'atmosphère et trouvais ma place en amont du groupe, non loin du dénommé Tormog que je conservais soigneusement dans mon champ de vision. Sait-on jamais. À mesure que nous avancions, je pouvais toutefois sentir mon esprit de dissocier : une crise. Et plus aucun comprimé ; j'étais déjà sur la réserve lors du crash et j'avais grignoté le dernier, visiblement. Il me faudrait contenir mes prochains instants de folie. Peut-être discuter un peu avec le Gnome pourrait aider, du moment que sa barbe ne se mettait pas à grésiller...

« - Nous devrions rallier un chemin bientôt. J'ai pas mal arpenté la région durant ma jeunesse-heha.

- C'tait quoi ça ?

- Rien dont il faut s'inquiéter. Quelques spasmes liés à... ma médication. »

L'énergumène de petite taille me lança un regard suspicieux. Je réalisais que je pouvais aussi bien lui parler de mon traitement, quitte à meubler la conversation et à m'aider à me concentrer sur un sujet en particulier. Plus vite le temps passerait et plus vite nous serions rendus à notre destination, quoi que l'on ait à y faire. À ce stade, je me laissais porter par l'aventure et n'envisageais pas la suite ; seulement de temps en temps, je jetais des œillades vers mon second qui se remettait progressivement de son traumatisme et du froid. Note à moi-même : lui faire passer une batterie d'examens à notre retour. Alors que mes pensées vagabondaient donc, j'expliquais :

« - Quand un Élémentaire vieillit, son esprit s'égare plus facilement. Ce qui nous constitue, la... Brume, cherche à reprendre le dessus, héhé. Nous ne sommes qu'une forme éphémère d'une Nebula qui s'est égarée, en chemin vers la Mer qu'il nous faut rejoindre. C'est à peu près similaire à l'Errance-eh. »

Les yeux du nain s'écarquillèrent à ces mots.

« - Tu peux péter un câble et tous nous buter dans un battement d'sourcils, c'est ça qu't'essayes de m'dire ?

- Pas exactement, c'est plus subtile... même si perdre forme aussi soudainement pourrait avoir des conséquences catastrophiques. Disons plutôt que nous sommes incités à nous dissiper. Et que pour éviter cela, il n'existe qu'une seule solution, » avouais-je avant de fouiller frénétiquement mes différentes poches, au cas où... « Eurêka ! Je savais bien que j'avais encore un tube qui trainait quelque part. »

Vague et soupire de soulagement, alors que je montrais le curieux récipient duquel j'extrayais l'une des précieuse pilules. Celles-ci émettaient une légère lueur, faculté hérité du myste qui les composait en partie.

« - Si vous ingériez ça, vous finiriez probablement mort en moins d'une heure.

- M'va, j'avais pas l'intention d'y toucher d'toute façon. »

Les yeux plissés par un sourire factice, je gobais le comprimé. Quelques secondes après, ma vision redevenait plus claire et les tremblements disparaissaient progressivement. Plus cela allait et plus le temps entre chaque prise diminuait ; bientôt, je devrais retourner voir le Magistère pour faire augmenter le dosage. Jetant un coup d'oeil aux parages, je lâchai ensuite :

« - C'est maintenant, si vous souhaitez bifurquer sans perdre la face. La piste vers le Pays des Nains est de l'autre côté du versant que nous sommes déjà en train de contourner. »

Le Gnome fronça les sourcils mais ne dit rien ; malgré son air opiniâtre, il s'exécuta. Au-delà des fourrés qui bordaient la crête que nous empruntions, il était possible de voir un tout autre paysage. Sombre, décrépit, caillouteux : le Pays des Nains. Il n'avait jamais été particulièrement accueillant, mais l'était à présent bien moins encore lorsque l'on savait le drame qui s'y était déroulé jadis.

« - Au fait, une fois rendus à la capitale naine, j'aurai un petit service à vous demander, ami Gnome. »

L'occasion était trop belle pour passer à côté de ça, après tout. Non ?