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Lames pourpres. [Pv : Azur]

Lames pourpres. [Pv : Azur] Brandw10
Lun 27 Mar - 23:05
Je le tiens.
Des jours que je suis sur ses traces, deux bonnes semaines environ, pour être plus exact. Une quinzaine de jours à chevaucher sur ma monture au pelage d’ébène, un long manteau à capuches couvrant mon corps et étouffant quelque peu les lignes de ma silhouette, camouflant les teintes de mes vêtements pour uniformiser le tout sous un même ton sombre. L’idée étant de ne pas être repéré de trop loin, de ne pas trop attirer l’attention sur moi. Pas que je veuille absolument passer inaperçu, filant comme une ombre au travers du décors, mais principalement parce que je ne veux pas être retardé, au risque de laisser filer ma proie. La traque fait partie intégrante de mes fonctions, les missions d’assassinats qui me sont confiées nécessitent parfois de devoir partir à la poursuite de la cible, qui se sait en danger. C’est moins facile quand elles savent que la Mort le tourne autour, certes, mais les dieux guident mes pas et m'éclairent la voie.

Quiconque cause du tort à la grande cité d’Aramila s’expose au châtiment divin, à la colère de ces êtres sacrés qui veillent sur nous depuis les cieux et décident de nos sorts. Je ne suis que leur humble exécuteur, fidèle paladin envoyé sur ces terres pour accomplir leur volonté. Tuer ne me fait plus rien depuis des années, car telle est la volonté des Douze Protecteurs d’Uhr, les Douze Grands. Cet homme que je dois abattre, qu’il me faut refroidir, cet homme n’est pas innocent, il savait à quoi s’attendre.
Malanksaïr Rubriech est un ennemi d’Aramila, celui qui se fait appeler la Voix des Terres Brûlées, a que trop cherché à faire vaciller l’équilibre du pouvoir en place gouvernant notre somptueuse cité. Faisant entendre sa voix à qui veut bien l’entendre, blâmant le Concile par diverses rumeurs infondées, cherchant à renverser l’opinion populaire pour plonger Aramila à une guerre civile, ce lâche s’est enfui lorsqu’il a compris qu’il était en danger. Nous avons déjà retrouvé ses complices, notamment celui qui l’a averti de la lame qui se rapprochait dangereusement de sa gorge. C’est auprès de lui que nous avons appris la destination de repli de Malanksaïr, cela n’a d’ailleurs pas été très compliqué à lui soutirer cette information, la loyauté entre vermines étant un concept visiblement abstrait.

Direction la Contade, dans une petite bourgade non loin d’Andoria, une Basse Cité qu’il m’est déjà arrivé de visiter lors de certaines missions. Le coin m’est familier, même si je n’ai jamais mis les pieds dans le village au fond duquel le rat est allé se terrer. J’aurais préféré l’abattre avant qu’il y parvienne, faire cela à l’abri de regards indiscrets, mais il faut croire qu’il avait suffisamment pris d’avance avant que l’on ne me lance à ses trousses.
Chyrion n’est pas bien vaste, une centaine de villageois à tout casser, pour la plupart des fermiers ou honnêtes travailleurs occupant des métiers manuels. Je ne suis pas moins honnête qu’eux, chacune de mes actions est guidée par la foi, accomplie pour une cause divine, mais je reste un être avec du sang sur les mains. Beaucoup de sang. Et cette nuit, quand l’obscurité reprendra ses droits, je rajouterai une couche d’hémoglobines sur ses pognes rompues à cet art sombre et funeste. A la nuit tombée, j’enverrai cette engeance du mal rejoindre ses congénères dans les tréfonds des Enfers, que Pthelior et Azoriax m’en soient témoins.

Descendant de mon cheval, je décide de l’attacher contre un arbre en bordure du village, préférant continuer seul, à pieds. Progresse lentement au milieu du bled, tentant de me repérer d’après les informations en ma possession. Je sais à peu près où est censé se terrer le clouâtre, une auberge de fortune, le Nain de la Surface, qui serait la seule existante dans le coin. Il se pense sans doute en sécurité dans un lieu vivant, en permanence entouré de témoins. C’est mal connaître notre Ordre.
Il me faut seulement une dizaine de minutes pour la repérer, un large panneau de bois suspendu au-dessus de la porte sur lequel a été gravée la fiole d’un nain engloutissant une chope de bière me facilitant la tâche. La douce brise qui balaie le village fait légèrement osciller la pancarte qui repose sur une barre de fer, je passe mon chemin sans m’attarder, cherchant un coin plus tranquille pour me poser en attendant la nuit noire. Dans quelques heures.
Pour le moment, je me fonds dans la pénombre, à l’angle d’une ruelle, les yeux rivés sur la taverne en question.
Mer 29 Mar - 11:32

Un salopard de plus à traquer. J’avais remarqué des mouvements inhabituels, des rassemblements plus nombreux que d’ordinaire, des murmures bien trop audibles… En tant qu’homme-lige de sa Majesté, je devais veiller à tout ce qui pouvait se dire dans ce château, parfois même dans le royaume entier. Autant dire que j’avais de quoi faire à chacune de mes journées. Mais ce type m’avait échappé. Il était parvenu à semer le trouble dans la cour avant que je ne puisse l’identifier. Une erreur qui me vexait profondément. Je me moquais un peu de voir la situation du roi déraper. Ma plus grosse préoccupation résidait dans ma propre incompétence. J’ai été négligent et cela m’agaçait au plus haut point.

Grâce à Dieu, même si je n’aimais pas trop y croire, ma persévérance, mon esprit revanchard, m’a permis de trouver un de ses collaborateurs, probablement celui qui l’avait informé du danger qu’il encourait. La malheureux ne s’attendait pas à être rattrapé aussi vite par la patrouille. Une séance de torture bien menée me permit d’avoir les informations que je recherchai. La malheureux mourut des blessures infligées. Le manque de temps me força à bâcler le travail et à ne pas contrôler toutes mes manœuvres sur le corps meurtri. Ressentais-je une quelconque peine ? Un quelconque regret ? Aucunement. Ce type méritait sa mort pour avoir trahi le royaume. Quand on décidait d’entrer dans ce genre de magouille, on avait connaissance des risques et on devait les assumer. Après tout, si je devais périr, je l’assumais entièrement.

Direction Contade. Le lieu ne m’était pas inconnu, plusieurs voyages diplomatiques m’y avaient menés. Jamais pour le tourisme. Fuir dans ces terres éloignées était une stratégie assez cohérente. Loin des petites guerres de royaume, assez neutre, vaste… Le retrouver ne serait pas chose aisée. Quoi que son collaborateur m’avait fourni des détails assez précis sur sa destination. Je traversais les différentes nations à dos de ma monture. Une belle jument énergique, joueuse et qui appréciait les belles chevauchées. Niveau discrétion, on n’y était pas vraiment. Elle était d’une blancheur à éclairer les plus obscures forêts.

J’arrivais dans un village d’artisans. Aux abords de cet endroit, je remarquai un cheval attaché à un arbre. Peut-être rien. Mais mon instinct me disait que ce n’était pas anodin. L’homme que je recherchais ? Non. C’était trop simple. La monture semblait assez robuste et puissante. Pas le genre qu’un type pareil prendrait le temps de choisir à la hâte. N’était-il pas recherché dans le monde entier ? Si oui, alors un collègue pourrait aussi être dans le coin. Si oui, rentrer dans les plates-bandes de ce dernier pourrait être dangereux pour moi. Pieds à terre, je tirais sur la bride de ma jument pour la mener au cœur du village. Le seul lieu vivant était cette auberge de moyenne facture. J’attachai ma monture au niveau de l’abreuvoir et entrai dans la taverne.

Je fus assez étonné du monde présent. C’était vivant. Je m’installai au comptoir et commandai une chope de bière. Pour l’heure, il m’était impossible d’identifier ma cible. La description faite par son petit copain n’était pas des plus précise. Plusieurs types correspondaient plus ou moins à la description. A moi de faire le tri. Vêtu d’une longue cape noire, je retirai ma capuche qui laissait apparaître ma chevelure blanchâtre, de cette même clarté que ma jument, qui ne pouvait qu’attirer l’attention sur moi. Mais qui étais-je pour effrayer quiconque ? Personne. Aux yeux des personnes qui m’entouraient, je n’étais qu’un pauvre religieux aveugle, portant des lunettes noires pour dissimuler sa cécité. Pas une menace. Quelques verres, quelques jeux, peut-être pourrais-je glaner des informations ? L’un des clients que j’observais me semblait plus en retrait, plus discret et moins enjoué que les autres. Serait-ce de la peur ? Les conclusions trop hâtives n’étaient de mise dans notre métier. Je devais m’en assurer avant d’agir.

Jeu 20 Avr - 21:11
Lames pourpres. [Pv : Azur] Mw0y

S’il existait un profil type du parfait petit salopard, de la petite pourriture sillonnant les terres et infiltrant les cités pour y semer le vice et la discorde, Malanksaïr Rubriech ne répondrait pas aux critères de sélection. Homme de taille moyenne, une carrure quelque peu chétive, Malanksaïr est du genre à facilement se mêler à la foule, à s’intégrer avec légèreté dans différents groupes, se faisant rapidement apprécier par son élocution claire et enjouée, par des idéaux affirmées et surtout, une ouverture d’esprit à toute épreuve. Du moins, c’est ce que son petit jeu d’acteur bien travaillé depuis des années laisse paraître, un camarade comme on aimerait tous en avoir dans sa bande de proches, un homme sur qui on pourrait compter et surtout s’appuyer lorsque les jours gris s’annoncent, que l’on a besoin de conseils avisés. Malanksaïr donne ce sentiment et vous lui donnez sa confiance, c’est aussi simple que cela.
Mais Rubriech est une raclure de bidet ancestral de la pire espèce, c’est important de le souligner. Il s’amène à vous, comme il le fait à l’instant, dans cette taverne. Innocemment, visage amical et léger sourire sur les lèvres. Mains dans les poches d’un pantalon ample, à la teinte similaire à celle d’un café manquant de caractère. Un ensemble vestimentaire qui lui donne des allures de pilote ou quelque chose dans le genre.  A son poignet gauche réside un appareil mécanique que la plupart d’entre vous ne reconnaîtront pas, qualifiant simplement ça de “technologique”, à défaut d’avoir les connaissances suffisantes pour identifier réellement de quoi il s’agit. La peau blême de ceux qui passent plus de temps dans l’ombre qu’à goûter aux rayons du soleil, visage creusé et le tarin prédominant, sa fiole du mec sympa du coin endort la méfiance et abaisse les barrières.

Et c’est à ce moment-là qu’il est le plus fort, quand vous devenez réceptif à sa verve…
Quand il sait que le moindre mot qu’il viendra vous siffler à l’oreille, que ce soit pure calomnie ou vérité d’or, vous sonnera simplement comme la bonne parole, celle qu’il faut suivre sans aucune hésitation. Langue de vipère depuis sa plus tendre enfance, devenu crieur de rues aux idées révolutionnaires, anarchiques, mentir ou dire la vérité n’est plus une affaire de conscience depuis bien longtemps.
Récemment, les choses ont mal tournées pour lui et ses collègues, eux qui avaient pour objectif de renverser les pouvoirs en place dans les plus grandes nations en retournant le peuple contre l'autorité régente. Une ambition démesurée pour des êtres aux moyens d’actions limités et modestes, leur groupuscule ne pesant pas assez lourd pour mener une lutte frontale contre ne serait-ce qu’une seule de ces nations. Voilà pourquoi il se sont tournés vers la manipulation du peuple, espérant gagner les faveurs populaires pour monter des armées directement au sein des murs d’Aramila, de Xandrie ou d’Epistopoli. Ayant pris la tête des opérations peu de temps après avoir rejoint la bande, le natif de la Contade espérait pouvoir faire bouger les choses, bousculer l’ordre établi.

Force était de constater qu’il lui faudrait bien plus de temps encore pour parvenir à ses fins…
Aramila était un échec, de même avec Xandrie. L’erreur était permise, le groupuscule était encore jeune et inexpérimenté, chacune des opérations entreprises leur avait fait gagner de l’expérience du terrain et permis de voir où ils pêchaient, mais également soulever leurs points forts, car il y en avait. S’il n’avait pas encore eu le temps de s’entretenir avec ses hommes et de débriefer la dernière opération, l’armée d’Aramila l’ayant forcé à déguerpir des terres sablonnées afin de conserver sa tête sur ses épaules, il avait hâte de les retrouver, une fois toute la pression pesant sur eux retombée. Et en attendant, il ne raterait pas une opportunité de pouvoir rallier quelques bonnes âmes un brin naïves à sa cause. Certes, il devait faire profil bas et rester planqué au Nain de la Surface le temps que Altair vienne le retrouver, mais cela ne voulait pas dire passer la cause sous silence en attendant. Alors oui, il s’était levé de sa chaise, emportant sa chope de gnôle dans son entreprise, avant de gagner la table voisine de laquelle il avait entendu s’élever des paroles aussi prometteuses qu’excitantes à ses oreilles. Ces messieurs ne semblaient pas être de grands adorateurs des puissantes nations. — Messieurs, permettez que je me joigne à vous ? J’aimerai beaucoup en entendre davantage sur ce que vous pensez de la légitimité des grandes nations. La méfiance se lisait sur les tronches des braves attablés autour du mobilier de bois, une méfiance qu’il balaya simplement d’un sourire et d’une belle phrase, la phrase qu’ils souhaitaient entendre. — Rassurez-vous, je ne suis pas un fidèle non plus. Quelques secondes de flottement, avant que les ricanements percent le silence et qu’il soit invité à s’asseoir avec eux.

Étrangement, pour quelqu’un qui se savait potentiellement traqué par une armée, Malanksaïr Rubriech se montrait détendu, serein. Comme s’il se sentait en sécurité, qu’une bonne étoile veillait sur lui…

Lames pourpres. [Pv : Azur] Kv6s

Pouvait-on qualifier l’âme de Sirius Blanco de bonne ? Ses nombreuses victimes seraient assez unanimes à ce sujet, lui-même n’hésiterait pas plus d’une seconde avant de vous répondre par la négative. Noirceur et ténèbres, un doux mélange donnant forme à un être sans scrupule, qui ne se poserait pas la question de savoir s’il peut finir la dernière part de quiche aux lardons, l’engloutissant en fond de gosier sans une once d’hésitation. Chauve, le corps sec, solidement bâti par un entraînement quotidien ardu, Sirius considère son corps comme une arme et s’assure de l’aiguiser comme l’une de ses lames, afin d’être le plus tranchant possible en toute circonstance.
Il ne boit pas d’alcool, erreur de débutant qui endort ses sens et son instinct de tueur, le poussant à la faute. Concentré sur sa cible comme un mioche focalisé sur le pot de bonbons perché sur la commode inaccessible, il ne perd jamais de vue l’objectif. Capable de tuer une cible à cinquante mètres avec un fusil sans lunette de visée, il est mortel aussi bien au corps-à-corps que sur longue distance. Sirius, ne la ratez pas car lui ne le fera pas.

Ce soir à l’auberge ne change rien, le fait qu’il ne soit pas habitué à mener ce genre de mission non plus, il ne ratera pas sa cible. C’est juste que pour le moment, il ne connaît pas encore sa cible. Par définition, tout le monde représente une cible potentielle en ce moment même. Assis dans un coin de la pièce, seul à une table, il se fait bien plus effacé que son commanditaire. L’engager lui, un assassin de métier, pour défendre sa vie, ce type avait une drôle de façon de penser la chose. Mais plus il y réfléchissait depuis le début du job et plus il trouvait ça astucieux. Qui de mieux qu’un assassin pour en contrer un autre ?
Si les soupçons de son employeur, Monsieur Rubriech, s’avéraient fondés, alors Sirius serait le candidat idéal pour s’interposer face aux éventuels tueurs envoyés pour réduire au silence le crieur de rues. Ce n’était pas dans les habitudes de Blanco que de protéger au lieu de tuer, mais la mission était sacrément bien payée et l’appât du gain avait été plus fort que la petite voix dans sa tête. Au final, il se retrouverait à faire ce qu’il faisait de mieux, faire couler le sang et refroidir des corps. Pourquoi se plaindre ?

Le crâne chauve enveloppé par la capuche de son long manteau noir, il tient à sa dextre un godet auquel il feinte de boire par moment, cherchant à ne pas éveiller les soupçons. Il n’en a pas l’air, mais tous ses sens sont alertes et il se tient prêt à réagir à la moindre action menée contre celui qui le paye.
Mer 26 Avr - 17:21
Des hommes encapuchonnés, on pouvait en trouver dans tous les bars. Assurément, il s’agissait très souvent d’assassins, de messagers, d’infiltrés… Bref, tout le monde savait qu’il fallait s’en méfier. Pour autant, cela ne signifiait pas qu’il s’agissait de sa cible, bien que cela ait été tentant de le penser. Un autre élément, bien moins discret que le précédent, par son élocution parfait et son don d’orateur maîtrisé, attirait maintenant l’attention du jeune assassin. Il correspondait bien mieux aux critères de sélection. A en entendre les discussions de cette tablée, les grandes nations devaient brûler. Les yeux dissimulés de l’assassin se déplaçait entre les deux suspects. La raison le poussait à suivre le beau-parleur, tandis que son instinct le suppliait de surveiller le taciturne. Il était rare que son corps réagît à ce point à la présence malaisante d’un individu. Il était dangereux.

Pour l’heure, Azur préféra rester discret et analyser les potentiels dangers. Tout assassin un temps soit peu réfléchi se doutait que d’autres nations souhaitait la mort de cet homme, Rubriech. Cela signifiait que d’autres assassins étaient certainement à sa recherche. Et au grand désespoir du blondinet, ses semblables étaient si stupides qu’ils étaient capables de s’entretuer. Croiser un confrère n’était pas quelque chose de souhaité, mais malheureusement souvent inévitable. Chaque chose en son temps. La mission consistait à éradiquer la menace. Si quelqu’un préférait s’en occuper, le blondinet le laisserait faire. La mission demeurera une réussite malgré tout. Le nombre d’individus morts de sa main était si grand qu’il n’était plus à un près. La vie de ces malfrats lui importait peu. Son éducation rejetait tout sentiment de culpabilité face à la mort d’un autre. Ce n’était pas un plaisir pour autant. Mais cela ne l’empêchait pas de dormir non plus.

Les heures passaient et la taverne se vidait. Les derniers survivants allaient probablement passer la nuit dans une des chambres de l’auberge. Azur ne crèchera pas ici, il devait s’en aller avant d’être repéré. Profitant d’un groupe d’amis, il se hissa en leur sein pour quitter l’établissement. Le blondinet décida de se poster sur le toit d’une maison située en-face du Nain de la Surface. Des lanternes s’allumèrent dans certaines chambres. De sa longue-vue, l’assassin observa attentivement tout ce qu’il se tramait. Il repéra le suspect principal. Dans la chambre à côté, lumière éteinte, les fenêtres s’ouvrirent et une tête en sortit. Le crâne chauve, sans sa capuche, Azur eut du mal à le reconnaître. Le taciturne. Son regard se dirigea vers l’homme-lige du roi de Xandrie, qui se dissimula aussitôt vers l’autre versant du toit.

« Pfiou ! Il s’en est fallu de peu. », se rassura l’assassin en rangeant sa longue-vue et en descendant du toi.

Deux choses : soit il s’agissait d’un assassin dont la mission était de tuer la cible ; soit c’était un assassin chargé de le protéger des autres assassins. Le jeune homme aux yeux azurs se gratta la tête pour tenter de remettre de l’ordre dans ses idées. Il y avait trop peu d’informations pour établir une quelconque hypothèse. En jetant un petit coup d’œil dans l’angle de la rue, la fenêtre du prétendu assassin était toujours ouverte. Pour tous les assassins présents dans cette petite bourgade, la nuit sera longue. Très longue. L’aveugle se remit dans son rôle, marchant sans grande assurance avec une canne d’une main, un récipient métallique de l’autre pour récolter des pièces. Il errait dans les alentours de l’auberge, gardant toujours un œil sur ses deux potentielles cibles. Un assassin ne ressentait pas la peur, mais on ne pouvait pas affirmer qu’Azur se déplaçait avec sérénité.
Dim 21 Mai - 2:39
Tapis dans l’obscurité, j’observe.
Patient et expérimenté, je sais quand attendre le moment propice pour frapper. Ici, débouler dans la taverne en pleine bourre et tenter d’égorger Rubriech aurait été une erreur. Les paramètres inconnus et les éventuels obstacles possibles étaient trop nombreux, trop imprévisibles pour m’assurer de réussir sans être repéré. Cet assassinat doit se faire sans éveiller les soupçons des civils, ne doit en aucun cas être attribué à Aramila. J’opère seul et silencieusement, je tue seul et sans spectateur. Je connais le visage de ma cible, du moins la description sommaire qui m’a été faite, le portrait dessiné établi. Je sais qui je dois surveiller, qui je dois viser. Et même s’il semble vouloir profiter jusqu’aux dernières heures de la nuit de son dernier jour parmi les vivants, il ne pourra échapper au jugement des dieux.

Le froid qui gagne en intensité ne suffit pas à m’endormir, abaisser ma vigilance. Emmitouflé dans mon manteau sombre, mon regard ne quitte pas l’étage supérieur, balayant les différentes fenêtres qui parsèment la façade. Jusqu’à ce que luisent les les premières lueurs, offrant une vue imprenable sur l’intérieur des pièces. Je cherche ma cible. Chevelure longue, noire de jais, pif proéminent en pointe. Rien au départ, il me faut attendre une vingtaine de minutes supplémentaires avant qu’il ne se montre, venant ouvrir une des fenêtres de la chambre louée, sans doute histoire de prendre un peu d’air et s’aérer l’esprit avant d’aller se coucher. Il se croit en sécurité, pense pouvoir se glisser sous les draps de son lit et profiter de sa chaleur, comme si de rien était. Comme s’il n’avait pas mal agi, comme s’il n’avait pas bafoué notre ordre, notre religion. Comme s’il n’avait pas éveillé la colère des dieux. Malanksaïr Rubriech, je vais te laisser t’endormir paisiblement, et quand tu dormiras assez profondément pour rêver, tu me verras apparaître dans tes songes, tu sentiras la lame de mon poignard transpercer ta chair, se faufiler entre tes côtes pour te retirer la vie.
Tu vas t’endormir paisiblement, l’esprit triomphant, pour ne plus jamais te relever.

Chambre voisine, un type au crâne chauve se montre à l’encadrement, scrutant les ruelles, jetant un œil aux toitures. Son attitude attire mon attention, ma suspicion. Dans notre milieu, il n’est pas difficile de se reconnaître entre professionnels, celui-ci ne m’a pas l’air d’un vulgaire touriste cherchant un refuge pour la nuit.
Est-ce que j’ai été devancée ? Cela ne m’étonnerait pas que d’autres assassins soient également sur les traces de cette ordure, mais je refuse qu’ils accomplissent cette tâche à ma place. Quand le Concile me confie une mission, c’est toute mon âme qui s’embrase afin de répondre aux attentes placées en moi. Il me faut agir maintenant, au risque de voir quelqu’un d’autre me piquer ma proie juste sous mon nez. Je ne rentrerai pas bredouille, je ne décevrai pas l’Ordre une fois de plus.
Me relevant, j’ajuste ma capuche avant de m’extraire du tréfond de la ruelle que j’occupais jusque-là, me dirigeant vers l’arrière de l’auberge.
Rendu proche, je croise un clochard aveugle mendiant pour quelques piécettes, que je dépasse simplement sans lui accorder trop d’importance, m’assurant qu’il ne puisse pas déceler les traits de mon visage. Je poursuis ma progression jusqu’à disparaître derrière la façade arrière du Nain de la Surface, m’assurant brièvement qu’aucun témoin ne traîne.

Une porte en bois me fait face, comme je m’y attendais. Sans doute celle qui donne sur la réserve de l’établissement, ou la cuisine. Mes doigts encerclent la poignée circulaire et jouent délicatement avec afin de vérifier son état. Fermée de l’intérieur, c’était à prévoir. Crocheter la serrure ne sera pas difficile, en l’espace d’une vingtaine de secondes, c’est fait et je n’ai plus qu’à pousser le bois pour me faufiler de l’autre côté. Après avoir rabattu la porte, je reste un instant immobile et silencieux, habituant mes yeux à la pénombre de la pièce. Si je me fie à mon odorat, il s’agit de la pièce où est stockée la nourriture, ça sent la viande sèche à plein nez.
J’allume une petite flamme au bout de mon doigt, histoire de pouvoir me faufiler dans la pièce et atteindre directement la sortie. La porte donne sur la salle principale, totalement déserte à cette heure et elle aussi engloutie par les ténèbres. Le gérant est parti pioncer depuis quelque temps déjà, les employés sont rentrés chez eux. Il n’y a personne pour sauver Rubriech, personne pour l’extraire à son funeste sort. Repérant l’escalier, je m’y engage silencieusement, conscient que les planches qui le composent pourraient trahir ma présence si je me précipite.

L’étage est atteint.
J’ai compté à quelle fenêtre était le crieur de rues, le temps de me situer et je progresse jusqu’à la porte de la chambre dans laquelle je pense le trouver.
J’ai tout juste le temps de parcourir quelques mètres qu’une porte s’ouvre et un homme apparaît dans le couloir. Crâne chauve, gueule rayée par deux longues cicatrices, torse nu marqué d'innombrables traces de duels acharnés. Après avoir jeté un coup d'œil à sa gauche, puis à sa droite, me remarquant de ce fait, il referme la porte de sa chambre et s’engage à son tour dans le long du corridor, dans le sens inverse au mien. Mes sens en alerte, je baisse un peu plus la tête, feintant le mec bourré qui rejoint difficilement sa piaule afin d’y décuver pour les dix prochaines heures. Les épaules se frôlent et les regards en biais sont lancés, un silence de plomb plane quelques secondes dans l’air.

L’un comme l’autre, on comprend immédiatement.
L’un comme l’autre, on sait parfaitement que c’est le moment de sortir de sa lame et de frapper avant d’être poignardé.
Dim 4 Juin - 0:09

L’assassin ne croisa personne, sauf un type encapuchonné. Cet élément lui sembla trop étrange pour l’écarter. Que faisait un homme, seul, dissimulant son visage et avançant d’une démarche déterminée vers l’arrière de l’auberge que lui-même surveillait de près ? Probablement pas pure paranoïa, le petit blondinet lâcha son récipient et devint invisible grâce aux pouvoirs que lui conférait son cristal. Il ne suivit pas son suspect de près pour ne pas éveiller les soupçons. Pour l’instant, il montait les marches en titubant, sauf que ses pas étaient bien trop discrets, contrôlés, pour être ceux d’un homme ivre.

En arrivant à l’étage, presque au moment où les deux assassins atteignirent le plancher, un homme quitta sa chambre. Pur hasard ? Une fois encore, Azur en doutait fortement, car il s’agissait bien évidemment de l’assassin qui protégeait sa cible. L’homme qui avait failli le débusquer un peu plus tôt sur le toit du bâtiment face à l’auberge. L’homme encapuchonné continua sa comédie, mais elle prenait pas avec le chauve qui dégaina aussitôt sa lame. Le second en fit de même. Que les deux assassins s’entretuèrent arrangeait fort bien les affaires du xandrien. La porte de l’homme à assassiner se trouvait juste à gauche de l’homme encapuchonné. Azur connaissait les assassins. Des personnes égocentriques, probablement les plus orgueilleuses qu’il avait rencontré. Si la cible de son concurrent était la même que l’assassin du roi de Xandrie, alors il était absolument persuadé qu’il tenterait de l’empêcher d’aller au bout de sa quête.

Avec sa vitesse, il était à peu près certain de pouvoir entrer dans la chambre, exécuter sa cible grossièrement et s’enfuir par la fenêtre. Néanmoins, cela valait-il le coup d’avoir deux assassins sur son dos ? Pas vraiment. Comme tous ses confrères, Azur était orgueilleux, égocentrique et arrogant. Mais quelques rares fois comme cette soirée, le jeune homme était aussi capable de mettre sa fierté de côté. Peut-être que les âges avancés, par rapport au sien, des deux autres assassins l’intimidaient ? Aussi talentueux pouvait-il être, l’expérience d’assassins aguerris serait un atout certain contre lui. Pour toutes ces raisons, la balance basculait d’un côté plus que de l’autre. Après tout, du moment que Rubriech se faisait tuer, peu important par qui, la mission serait une réussite. Sa décision était prise : il attendait patiemment que le travail effectué. En attendant, il pouvait profiter d’un duel qui s’annonçait des plus excitants, dans l’obscurité la plus totale et dans un silence morbide.

Le chauve balafré, Sirius Blanco, était un véritable client. Pas le genre à baisser les bras au premier coup reçu. Son corps, décoré par les marques laissées par ses adversaires, parlait pour lui. Le combat promettait d’être exaltant. Il en retirerait certainement des leçons.

Ven 9 Juin - 0:40
Il est le premier à balancer sa lame en direction de ma gorge, tentant d’y dessiner une ouverture suffisamment grande pour me faire taire et me mettre à terre, à moitié mort, à me vider de mon fluide vital. Sauf qu’il ne coupe que le vent, l’acier sifflant dans le vide, sans résultat. Et tandis que j’ai esquivé son coup, ma dextre s’active pour riposter, faisant glisser mon poignard jusqu’à sa chair, cherchant à la pénétrer et s’y enfoncer brutalement. Habilement, il s’esquive, se décalant tout juste à temps pour ne pas être mortellement touché.
C’est ce qu’il se passe quand deux professionnels du milieu se rencontrent, la moindre erreur est fatale. Immédiatement, l’un comme l’autre comprenons qui est-ce que l’on affronte, quel genre d’adversaire nous fait face. Si le doute était permis avant le premier échange de coups, désormais ce n’est plus le cas. Et l’attitude change, la posture se fait plus défensive, plus attentive, les sens se mettent en alerte. Hors de question de sous-estimer cet homme, mourir ici ne rapporterait rien à l’Ordre, si ce n’est la honte sur notre cité.

C’est encore lui qui prend l’initiative, impatient d’en découdre ou trop tendu pour rester dans cette position d’attente trop longtemps ? Toujours est-il qu’il me balance son pied pleine bouche, d’une vivacité et d’une agilité que je lui soupçonnais pas et qui me déstabilise sur le moment. Sa frappe me colle contre le mur du couloir et il tente d’enchaîner d’un second coup de pied, circulaire cette fois, visant les côtes. Je bloque en opposant mon bras, solide sur mes appuis, avant de lui balancer mon poignard pleine poire. Un geste auquel il ne s’attendait pas, le contraignant à une défense instinctive, positionner sa main entre ma lame et son visage. L’acier vient se planter dans la paume et une partie de la lame en ressort de l’autre côté, le chauve grimaçant sous la douleur, mais se forçant au silence pour ne pas attirer l’attention.
Je me jette sur sa main tenant l’arme pour le forcer à la lâcher en lui pliant le poignet dans un sens que le corps humain n’apprécie pas. Le tintement du couteau retentit au sol tandis qu’il répond d’un coup de boule qui touche et passe pas loin de me péter le nez. Il s’éloigne de quelques pas, se rapprochant de la chambre de laquelle il vient. Je reviens immédiatement au contact et l’échange se poursuit. Ma droite est bloquée, mon genou gauche heurte son coude, son pied tape ma cuisse et me déséquilibre tout juste assez pour qu’il enchaîne d’un coup de pied qui monte haut pour redescendre taper sur mon épaule.

Saloperies d’assassins acrobatiques, je les détestes.
Un genou à terre, j’ai pas le temps de me demander s’il m’a déboité l’épaule que c’est la mâchoire qu’il cherche à me fracasser d’un autre coup de latte bien placé. Cette fois je suis à terre, le goût de mon propre sang en bouche, un filet coulant de la commissure de mes lèvres. Comme un serpent constricteur, il vient s’enrouler autour de moi pour me bloquer les membres, tenter de me maîtriser à terre et surtout, de m'étouffer. Il en a la force et la technique.
Sauf qu’il n’a pas d’information sur le mec qu’il essaie de tuer, à savoir, moi. C’est ce qui va lui être fatal, car ce cou sur lequel il déploie tant d’efforts pour serrer à en faire recracher mon âme, s’embrase brutalement. Il n’y a pas que le cou qui prend feu, ma tête également. Et surtout, sa peau commence à cramer.
Surpris, la panique l’assaillant l’espace d’un instant, il relâche tout. Sa prise et son attention, la douleur de la brûlure des flammes et l’apparition soudaine de ces dernières le prenant de court. Si j’imagine qu’il a déjà combattu des types plus coriaces que moi, c’est pas souvent qu’il a dû se mesurer à un Portebrume élémentaire. Je l’ai déjà dit, lorsque deux professionnels se heurtent l’un à l’autre, la moindre erreur est fatale. Une erreur, ou un retournement de situation qui n’était pas prévu.

Mon poignard qui était toujours enfoncé dans la pogne du chauve, je l'extrait d’un coup sec pour mieux l’y reloger au fond de sa gorge, plaquant son crâne au sol de mon autre bras le temps de s’assurer qu’il ne gigote plus. Dans un dernier tremblement, il s’immobilise, une flaque de sang sous sa tête.
Je ne pourrais rien pour l’hémoglobine, mais je me dois de cacher le corps. Le saisissant sous les aisselles, je grimace lorsque je tire vers moi pour le traîner jusqu’à la porte à quelques mètres de là, celle que je suppose être sa piaule. D’une main, je tourne la poignée et m’engouffre à l’intérieur, dos à l’intérieur de la chambre. Tout juste ses pieds ont franchi le seuil de la porte, que je la referme discrètement derrière moi, le temps de reprendre mon souffle et réfléchir à la suite.
Mer 21 Juin - 0:25

Un combat fort instructif, comme l’espérait le jeune Azur, grand amateur de combat. Chacun des individus présents savait ce qu’il faisait et calculait chacun des coups à porter. Les mouvements étaient étudiés au peigne fin et influençait les actions suivantes. Ils avaient tous deux des compétences différentes. L’un se déplaçait avec agilité, à base d’acrobaties virevoltantes ; tandis que l’autre bougeait intelligemment en anticipant les mouvements de son adversaire. Le blondinet songea qu’un mixte des deux ferait un parfait combattant. L’acrobate prit l’ascendant grâce à un mouvement dont lui seul avait le secret. L’autre homme, celui au teint mâte, était au sol, à la merci du chauve prêt à l’achever.

Mais tout ne se déroula pas comme prévu.

Le type s’embrasa soudainement. C’est un putain de Portebrume, songea l’assassin, stupéfait. L’issue du combat était déjà scellées. Entre l’effet de surprise et les brûlures, Blanco était cuit. Azur changea d’avis. Tout en restant invisible, il pénétra à toute vitesse dans la chambre de sa cible, qui sursauta aussitôt. Sa porte s’ouvrit mais il ne vit rien entrer. Hors de question pour l’assassin de perdre son temps. Il dégaina ses deux dagues et bondit sur le lit, en visant directement la gorge de celui qui avait causé tant de soucis à de nombreux royaumes. Aucune réaction possible ou attendue, la gorge fut tranchée nettement et sans la moindre hésitation. Aucune compassion. Aucun plaisir. Le travail devait être fait.

Un instant de silence. Il entendit la porte d’à-côté se refermer.

Ses muscles se contractèrent et il sauta hors du lit, perçant les vitres de cette modeste chambre. Les muscles congestionnés, Azur courut à une vitesse herculéenne en direction de l’endroit où se tenait son fidèle destrier. Quitter les lieux était une priorité absolue. Croiser cet assassin capable de calciner quiconque s’approchait trop près de lui était suicidaire. La cible étant à présent maitrisée, plus rien d’autre n’avait d’importance. Ce « rival » devait lui-même se sentir rassuré, mais pour une raison qu’il ignorait, le blondinet sentait que ce n’était pas tout à fait le cas. Une fierté trop mal placée pourrait être la cause de cette sensation. Les assassins étaient égoïstes, arrogants et trop sûrs d’eux. Qu’un concurrent ait pu voler la cible d’un autre était inacceptable.

Lun 3 Juil - 4:13
Je suis finalement venu à bout de l’assassin, si je m’attendais à rencontrer de la résistance, je dois avouer que le timing de la rencontre n’était pas en ma faveur. Je pense que c’était volontaire de sa part, ou alors est-ce qu’il effectuait simplement un contrôle de l’étage ? Je ne sais pas, je ne peux pas savoir avec exactitude, mais dans un sens comme dans l’autre, ce sont ses actions qui ont provoqué cet affrontement. Malheureusement pour lui, il n’est pas tombé sur le bon gars à prendre en duel au corps-à-corps. Sans ma magie élémentaire, je ne sais pas si j’aurai été capable de me soustraire à l’étreinte de ce salopard, mais je n’ai pas à me poser cette question, j’ai ma magie. Avoir une nébula qui cherche à vous parasiter le corps et l’esprit n’est pas de tout repos, mais il faut bien avouer que cela se révèle salvateur par moment.
Je la sens se manifester, est-ce qu’elle est capable de ressentir ce genre de choses ? De ressentir que l’hôte dans lequel elle s’est réfugiée est passé à deux doigts de crever ? Aucune idée, mais j’ai comme l’impression que oui, ce n’est pas la première fois qu’elle se fait plus virulente après que je me sois retrouvé dans une situation périlleuse. Est-ce qu’elle a peur ? Si je pouvais communiquer avec, ce serait la première question que je lui poserai à ce sujet. Est-ce que tu as peur que j’y passe ? Est-ce que tu quittera mon corps si c’est la fin pour moi ? Des questions, aucune réponse et un bon mal de crâne qui pointe et me vrille momentanément la cervelle, m’obligeant à m’appuyer contre la cloison de la chambre, une main sur la tête, le visage déformé par la douleur.

Le temps s’écoule, tout juste l’affaire de dizaines de secondes, voire une ou deux petites minutes, avant que je reprenne le contrôle total. J’ai un travail à finir, Rubriech doit mourir cette nuit, c’est maintenant ou jamais.
Sortant précipitamment de la chambre de l’assassin assassiné, je me dirige vers la pièce au sein de laquelle le traître à la nation a trouvé refuge. Avant même de m’être suffisamment approché pour pouvoir tourner la poignée, je remarque que la porte est entrouverte. Elle ne l’était pas avant que je m’occupe du chauve, ce qui veut dire que nous n’étions pas les seuls à rôder autour de la proie. Un autre de ses mercenaires ou un second assassin employé pour le même boulot que moi ? Rendu à deux pas de l’encadrement, je perçois comme le son du verre qui se brise. Il y a bel et bien quelqu'un à l’intérieur et je n’ai pas le temps de me poser davantage de questions. Je m'engouffre à l’intérieur, poignard dans la dextre, prêt à réagir en conséquence. Balayant des yeux la chambre à la recherche d’une menace, quelle qu'elle soit, je repère le cadavre du crieur de rues, dans son lit, la gorge grande ouverte par la morsure de l’acier et le sang encore chaud qui s’en écoule.

Mon ouïe fut alertée par le bruit de sabots quasiment au même moment ou une légère brise balaya mon visage, me faisant réaliser sans même avoir besoin de le voir, que la fenêtre avait été forcée. Le tueur avait pris la fuite par cette fenêtre, tout juste quelques secondes avant que je ne pénètre dans la chambre. D’un bond, je me jette à la fenêtre, passant la tête à l’extérieur et fusillant la rue en contrebas afin de repérer le cheval et son cavalier.
Trop tard, mes yeux ne perçoivent qu’une ombre s’éloignant à toute vitesse du village. A cette distance, impossible de regagner ma propre monture pour me lancer à sa poursuite, il m’aura distancé bien assez tôt. Tenter de lui coller une balle n’est pas non plus envisageable, à moins de vouloir réveiller les locaux et m’attirer toute leur attention sur la pomme. Non, c'est extrêmement frustrant de devoir l’avouer, mais on s’est joué de moi et on m’a devancé, attendant que je me débarrasse de l’obstacle pour atteindre Malanksaïr Rubriech en toute sécurité et lui trancher la gorge. En me rapprochant du corps pour en inspecter la blessure mortelle, je confirme l’hypothèse d’un autre professionnel. Les coupures, bien que réalisées dans la précipitation du moment, sont nettes et ne laissent aucune chance de survie. Quiconque a fait cela, est entraîné à le faire depuis un moment. Peut-être depuis aussi longtemps que je le suis.

Bien qu’intrigué par cette mystérieuse personne, je ne dois pas m’attarder ici. La mission est une réussite dans son résultat, Rubriech est mort et ne s’opposera plus à la grande Aramila. Seulement la finalité ne vient pas de ma main, la punition n’est pas de mon fait. J’attendrai d’être rentré pour faire mon rapport, pour l’heure je dois filer au plus vite et disparaître de ce lieu comme si je n’y avais jamais mis les pieds. Une ombre qui se retire dans la noirceur de la nuit.