Light
Dark
Bas/Haut

Une mer sans rivage (ft Horace)

Une mer sans rivage (ft Horace) Brandw10
Ven 25 Aoû - 17:46

Une mer sans rivage

ft Horace


« départ Epistopoli - 14:45 »MUSIQUE :


Les marins étaient superstitieux. Autant que l’on puisse l’être, et Poppy avait compris que cette affirmation s’appliquait tout autant à ceux qui parcouraient les cieux. Elle ne leur en tenait pas vraiment rigueur : il fallait bien trouver une explication et un responsable pour justifier nos tracas les plus insensés. À la vue de sa nouvelle collègue, le chef mécanicien avait arboré une expression dédaigneuse, vaguement ennuyée, le regard perdu à l’horizon : « C’est vendredi, » – Poppy avait arqué un sourcil curieux – « C’mauvais présage, d’appareiller un vendredi. » Il avait ponctué sa réflexion d’un raclement de gorge éloquent, avant de quitter les combles du dirigeable.

Le zeppelin marchand était massif, et à en juger par l’usure de ses moteurs, il n’en était plus à son premier voyage. La mécanicienne avait grimacé devant l’engin se demandant très franchement comment ceux-ci fonctionnaient encore. Poppy resta immobile un instant devant les mécanismes rouillés, avec l’air de nourrir de sérieux doutes sur sa décision d’embarquer avec cet équipage. Elle finit par chasser d’un revers de volonté l’ombre de découragement qui se glissait en elle, avant d’étudier la technologie qui se trouvait devant elle – fallait dire que cette mission était quand même vachement bien payée.

C’était le genre de véhicule capable de résister aux tempêtes les plus violentes et aux trajets les plus longs. Tant qu’on n'espérait pas arriver en avance à destination… 157 mètres de long et une capacité de 500.000 pi3 d’hydrogène gazeux dans sa chambre principale qui crachait déjà des panaches de vapeur tourbillonnants. Autant dire qu’on transportait ici des ressources suffisantes pour nourrir un pays entier pendant trois semaines. Poppy jeta un rapide coup d'œil au baromètre disposé à l’entrée de la salle du moteur qui indiquait au départ quatre lignes en dessous de tempête. Tout irait bien.

La cabine des mécaniciens était située juste à côté de la salle des moteurs, le genre de truc qui faisait beaucoup de bruit pour rien, et pourtant, la petite blonde semblait s’en contenter parfaitement. Mieux, elle préférait ça aux bavardages incessants des matelots. Elle plissa les yeux. La pièce était faiblement illuminée à la lueur d’une bougie en fin de vie, et il n’y avait aucune fenêtre pour laisser passer la clarté du jour. Poppy s’agenouilla sur la malle disposée à côté de sa couchette : deux mètres carrés d’intimité, voilés par un rideau de douche délavé. Elle s’escrima sur les sangles en cuir, força un instant, avant de sentir claquer la boucle. Le propriétaire précédent avait oublié un vieux carnet, au fond du coffre, qu’elle prit soin de ne pas toucher, avant d’y déposer ses propres affaires : un change de travail des plus simple, et son revolver.

« Poppy Cox ? »

La mécanicienne se redresse et se retourne pour poser son regard sur un petit homme à la barbe grisonnante. Cheveux grossièrement coupés sous la mâchoire, doigts crasseux, bottes crottées. Le quartier-maître. Elle l’avait aperçu, plus tôt sur le pont en train de crier des ordres ici et là. Elle lui décroche un léger hochement du menton, et il détourne le regard, coche une case sur son papier. « Même les péquenaudes savent serrer des boulons maint’nant, entre les automates et les bonnes femmes, y restera plus aucun boulot pour nous… » grommelle-t-il avant de disparaître à nouveau.

Poppy n’avait jamais réellement songé à la condition des femmes, et à ce qu’elles volaient aux hommes, mais elle a appris, depuis longtemps qu’il n’était guère prudent de se mettre la hiérarchie à dos. Les tempéraments chauds, comme celui de son père, c’était le genre de truc qui vous menait tout droit au bûcher, et une âme avisée savait garder son feu à l’intérieur. Elle entendit la voix du bonhomme s’élever à travers les tôles ondulées : « On décolle dans un quart d’heure ! », puis, dans un claquement sec du poing, les murs de la cabine se mirent à vibrer.

« Tête de con. »

L’insulte avait résonné dans le silence de la cabine, avant qu’un rire étouffé ne s’élève juste à côté d’elle. Dans la couche adjacente à la sienne était allongé un garçon, un peu plus jeune qu’elle, qui souriait jusqu’aux oreilles. Il avait une sacrée trogne de crapule, le genre qu’elle détestait parfaitement. Le genre de ceux qui ne vibrait que pour un peu de chaos, quand elle ne désirait que paix et silence.

« Fais gaffe, t’sais qu’y parait qu’c’est mauvais signe d’avoir une fille dans un équipage ! S’il y a le moindre problème, y hésiteront pas à te rej’ter la faute dessus, c’est certain. » Et même dans la pénombre, la mécanicienne parvenait à voir ses deux prunelles pétiller de malice. « Joseph Kipps ! Enchanté ! » Il s’était levé pour lui tendre une main amicale, urgente, que Poppy serra par politesse. « Et toi ? Poppy Cox, » enchaîna-t-il sans même lui laisser le temps de répondre. « J’ai entendu. C’est ton premier voyage avec l’équipage du Cap’taine Steel ? Tu v’voir, c’t’un sacré personnage ! il y a trois ans, on a été attaqué par un équipage pirate et il... » Et il avait continué ainsi son monologue jusqu’au départ, sans jamais offrir à la mécanicienne une seconde de répit, sans même se rendre compte que celle-ci avait arrêté de l’écouter. À vrai dire, il avait même continué de longues minutes après le décollage, alors que toute l’équipe de mécanique avait rejoint la salle des moteurs pour faire démarrer l’engin, élevant la voix pour couvrir le bruit des machines autour d’eux, sans jamais la lâcher d’une semelle. Si bien qu’elle avait dû finir par le menacer de l'assommer à coup de clé à pipe s’il ne se décidait pas à la fermer. Et enfin, seulement, la mécano avait pu profiter du roulement des engrenages et du cliquetis des instruments. Et les heures avaient défilé sans même qu’elle ne le remarque. C’était ce qu’il y avait de fabuleux avec la mécanique : ça permettait de faire le tri dans ses pensées et de profiter d’une pause bien méritée des divagations incessantes d’une cervelle en ébullition. Non, à cet instant, il n’y avait plus que transmissions, rouages, courroies et engrenages. Et Poppy avait toujours été douée pour remarquer la moindre dissonance dans cette drôle de mélodie.

D’ailleurs, tous les mécaniciens et charpentiers recrutés pour le voyage, qui opéraient désormais autour d’elle, étaient tout aussi concentrés à leur tâche. Si bien qu’à l’heure, encore aucun d’eux n’avait remarqué que l’aiguille de baromètre avait bougée, et qu’elle indiquait désormais trois lignes en dessous de tempête.
Correction : deux lignes en dessous de tempête.
Ven 25 Aoû - 19:18
Horace avait les deux mains campées sur le bastingage, fixant l'horizon pareil à un rêveur tandis qu'était logé dans son bec un poison qu'il appréciait particulièrement. Un cigare goût miel. Troqué contre de la monnaie dans un boui-boui peu recommandable dans une allée peu éclairée, d'abord dans un premier temps sceptique, celui qui avait adopté l'identité de Béliard Vril s'était surpris à apprécier cette saveur au point de l’élire comme « sa préférée ». Un titre qui ne valait guère plus que des clopinettes. « La Rapière », Zeppelin sur lequel se tenait le dernier Dolls volait à une altitude haute, bien plus haute que celle adoptée par les convois de marchandises aériens. Seuls les nuages leur tenaient compagnie, rendant presque irréelle la traversée. Si au sol, les paysans s'amusaient à leur attribuer des formes, ici, ils n'étaient rien plus que de gros morceaux blanchâtres que le marin à la barre s'amusait parfois a traverser.

Le blondinet gratta le bout de son pif comme un enfant couvert de yaourt, avant de pivoter sa frimousse en direction d'Yloène, qui l'avait rejoint plus tôt dans la journée. Les deux comparses, avaient dégusté dans un premier temps un superbe pot-au-feu concocté par Merel, si bien que l'équipage avait exigé un deuxième service sous les encouragements, avant de s'éclipser sur le pont. Si la stature d'Horace évoquait le longiligne, rappelant l’épouvantail, Yloène parvenait largement à attirer toute l'attention sans forcer. Un peu plus mince que la moyenne, c'était son visage qui accaparait tous les regards, aimant à compliment. Dotée de traits fins rappelant les princesses d'antan, elle possédait une beauté indéniable en rien ternie par le bandana rouge nouée dans sa crinière de feu. Elle contemplait la mer des cieux, sa bouille campée dans ses paumes, les coudes appuyés sur une sculpture ornant le navire.

« Elle me manque, Béliard.
-C'qu'une gonzesse parmi d'autres. Au prochain port, tu trouv'ras d'nouveau une p'tain qui d'viendras ta nouvelle âme sœur. L'monde est peuplé de d'moiselle, vas pas t'foutre l'cafard pour une paire d'gambettes dotés d'une gueule d'ange.
-T'peux pas comprendre. T'sais, c'est en prenant des risques qu'on tombe amoureux. C'vrai qu'des fois, c'est pas c'qu'on espérait mais c'est important d'le vivre. J'regrette aucune d'entre elles. Aimé c'est vivre.
-Tu en fais trop pour des parties d'ciseaux endiablées. Puis m'fais pas croire que tu r'grettes pas ton histoire avec la brune borge, celle sur laquelle tu avais tirée d'ssus pour l'enerver. Malade mentale va.
-Tais toi, c'tait stratégique ! C'là le problème, toi tu vois qu'l'cul. Moi j'te parle d'une âme connectée à l'autre. Vouloir se lover contre celle que tu aimes, s'rendre que l'monde pourrait bien mourir, c'n'aurait pas d'importance à ses cotés.
-P'tain, tu lis trop d'bouquins toi.
-Sale branleur. Tu sais, Héléna, je l'aimais tellement... Mes parents m'ont donné un cœur, mais c'est elle qui l'a fait battre. Quand je levais les yeux vers elle, j'avais l'impression que le monde tremblait.
-C'était parce que tu étais ivre.
-Gros con. »


Elle fila une jolie droite en direction de l'épaule bien trop haute d'Horace. La tentative d'assaut s'écrasa sur son triceps, provoquant un rire mesquin de l'épouvantail. Les deux restèrent ainsi silencieux, plongés dans leurs pensées s'échappant avec les rares oiseaux accompagnant le vol bientôt macabre de « La Rapière », messagers délivrant la mort, semant injustice et charnier. Yloène avait intégré l'équipage quelques semaines après Béliard, une amitié s'étant formé entre les deux jeunes gens, renforcé par un passé similaire et des épreuves surmonter cote à cote sous les ordres du capitaine toujours en poste, autrefois digne de sa réputation. Désormais, l’ancêtre grabataire ne quittait plus sa cabine, se contentant de faire savoir sa volonté via Gary, le quartier-maître, ou par sa fille ayant franchi l'adolescence quelles lunes auparavant.

« Il t'reste un cigare ?
-Ouais, t...
-Cible en vue ! »


Hurla Gary, visser a coté de la barre. Le dernier Dolls rengaina le cigare, adressant un magnifique sourire à Yloène indiquant que ce n'était que partie remise. Branle-bas de combat. L'équipage s'affairait, se préparant à l'abordage tandis que le pont tremblait sous les centaines de bottes courant dans tous les sens. Les ordres étaient beuglés, les canons étaient armés, prêt à rugir. L'épouvantail avait gagné son poste, sentant l'adrénaline parcourir ses veines petit à petit. Une main agrippant un cordage, ses iris foudroyaient du regard leur proie, a l'instar de tous les pirates. La cible du jour était un énorme monstre vrombissant capable de transporter une quantité astronomique de marchandises. Trois cinquantaines de mètres de long, un moteur à faire passer une fanfare de gosse pour silencieuse, un bijou technologique lorsque l'on évoquait durabilité et robustesse. Un défi ayant allumé la flamme de la cupidité dans le cœur des membres de la loge Félonne. Ce fut la « Rapière » qui devança ses concurrents, la bave aux lèvres prête a réclamer son dû. Les informations concernant le contenu des cales, l'heure de départ et le trajet n'avaient pas été compliqués à récolter, la faute a un marin trop loquace avec un verre dans le nez. Le bougre ne le savait pas, mais il avait condamné ses comparses...

Le seul hic demeurait dans la simple évocation d'un nom... Steel. Un nom qui faisait jurer et cracher tous les pirates. Si l'expression « se méfier des anciens dans un monde où l'on mourrait jeune » devait être peinte, Steel aurait été engagé comme modèle. Ce loup de mer avait plus de victoire à son actifs contre des pirates qu'une putain voyait de clients dans son bordel durant une semaine de dix jours. Les défaites étaient si rares le concernant que l'on les reléguaient aux rangs de légendes peu crédibles...

Pourtant, l'appât du gain poussait encore et toujours les hommes aux folies...

* * *

Ambiance musique:

Chaque pirate retenait son souffle. La Rapière avait réduit l’allure pour s’aligner sur celle du léviathan céleste, tout en conservant une hauteur légèrement supérieur à celui-ci, compliquant ainsi les éventuelles ripostes. Horace adressait une prière.. À qui ? À quoi ? Il n'en savait rien. Les phalanges blanchies par la pression qu'il exerçait sur le manche de son colt, le dernier Dolls observaient les silhouettes de leurs adversaires qui semblaient plongés dans le chaos, du moins d'ici.

« FEU ! »

Éructa Gary. Les canons se mirent à chanter, les boulets grêlant sur le pavillon ennemi sous un vacarme assourdissant. Des langues de feu s'échappaient des gueules noirs des canons qui vomissaient des projectiles mortels capable de découper un homme en deux comme l'on enfilant des chaussettes le matin : avec une facilité déconcertante. Gary, sabre a la main fit tonner sa voix, parvenant à recouvrir le temps d'un discours le brouhaha des canons.

« Rats des mers, nous voici ici réunis en ce jour pour clouer des entrailles, dégonfler des bides à coup d'acier, repeindre leur bâtiment de leurs sangs ! Ne vous méprenez pas, si on crève, on servira de bannières à ces chiens qui suspendront nos corps du haut des espars ! Que ces bâtards comprennent que les cieux nous appartiennent ! Qu'ils confondent nos canons avec le tonnerre, nos frappes avec la foudre, et nos cris de guerre avec la tempête ! Nous sommes des fils de l'orage ! Que nous hurlement hantes les nuits des survivants ! Nous appartenons à la Loge Félonne ! Pas de quartier ! »

Sa dernière instruction fut reprise en cœur par les pirates, leurs rugissements défiant les dieux ! La Rapière s'approchait, l'abordage n'était plus qu'une question de minutes. La tête rentrée dans les épaules pour se rapetisser et éviter les tirs ennemis, Horace était sourd à toute autre chanson que son pouls. Son cœur métallique martelait dans sa poitrine. Boum boum. Boum. Boum.. Boum Boum. Boum Boum. Que la mort se régale, un festin se profilait.

Yloène:
Ven 25 Aoû - 22:08

Une mer sans rivage

ft Horace


Au-dessus des cales, sur le pont, loin du brouhaha des machines, le vent fouettait les joues des matelots avec force. Si un navire marchand n’avait pas réellement besoin d’un équipage bondé, il fallait être un idiot pour ne pas embaucher une garde digne de ce nom : une poignée de moucheurs et quelques artilleurs. Au moins pour décourager les plus audacieux. C’est en tout cas ce qu’on espérait…

Il y eut un grondement terrible, puis soudain, un impact, et le zeppelin s’ébranla. Et tout à coup, silence. Un silence quasi-religieux qui comblait sinistrement la salle des moteurs. Avant qu’un craquement provenant de la coque ne s’élève. « C’était quoi ça ? » balbutia Joseph, devenu blanc comme un linge. « Rien d’bon… » Le chef mécano continuait de mâchouiller son cure-dent, aussi nonchalant que possible, et pourtant, Poppy descella l’inquiétude dans sa voix. « Va voir c’qui s’passe ! » jappa l’homme à Joseph, qui fut possédé de cette poussée très particulière : celle d’un oisillon qui se jette dans le vide sans avoir appris à voler. On le vit trébucher dans les escaliers, se rattraper à une marche, et repartir à toute allure. On aurait volontiers eut le cœur de se moquer, si les craquements qui continuaient de se disperser sur la coque ne se faisaient pas de plus en plus inquiétants.

Quelques minutes après son départ, Joseph déboula à nouveau les escaliers, hurlant à pleins poumons :

« – PIRAAAAAAAAATES ! PIRAAAAAATES ! C'EST L'EQUIPAGE DE LA RAPIERE !!!
Et merde… » gronna le chef de la petite équipe de mécaniciens.
« – PIRAAAATES ! ON SE FAIT ATTAQUER !!!
Boucle là, Joseph, on a compris. » Il se retourna pour faire face à Poppy et aux trois autres membres de son équipe. « Bon écoutez moi bien, not’ job, à nous, c’est d’s’assurer qu’ce foutu moteur continue d’rouler. Et c’est exactement c’qu’on va faire, compris ? C’qui s’passe, là-haut, ça nous r’garde pas. Il y a des gaillards pour s’en occuper. Vous inquiétez pas, c’pas la première fois qu’le Cap’taine a affaire à ce genre de situations. Il va les renvoyer chez leur mère, un bon coup de pied au cul en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Nous, on s’charge de faire avancer cette carcasse croulante de dirigeable. COMPRIS ? » avait-il hurlé à deux centimètres environ du visage de Joseph.
« – Compris chef…
Je crois qu’on risque d’avoir un problème. » Toutes les têtes se retournèrent aussitôt vers Poppy.
« – L’un des ventilateurs a été endommagé. Dans quelques minutes, le moteur auquel il est rattaché va lâcher.
Il nous en reste toujours cinq, ça devrait faire l’affaire jusqu…
Impossible. La cargaison est trop lourde, le zeppelin ne tiendra jamais le coup avec seulement cinq moteurs.
Bordel de cons…
Il nous faut prendre de l’altitude. C’est le seul moyen d’assurer l'atterrissage du dirigeable, autrement, on s’écrasera directement sur la forêt de champignons. » Et personne n’avait envie de finir sa route au milieu d’une forêt de champignons vénéneux.
« – Fais chier. Pirates de mes deux. Faut prév'nir l'timonier. Cox, vous y allez. »

Poppy lui offre un mouvement de tête entendu. Il n’y avait pas une minute à perdre : leur temps était compté. « Faites gaffe là-haut, Cox, » et on voit la tête blonde disparaître de la salle des moteurs, non pas sans passer par les cabines, pour récupérer son arme, qu’elle cala à sa ceinture.

Il lui fallut quelques secondes pour s’habituer à la lumière du jour, lorsqu’elle débarqua sur le pont. Elle cligna des yeux à plusieurs reprises pour chasser le souvenir de l’obscurité, et les posa un instant sur le zeppelin qui avait manœuvré jusqu’à l’immense navire marchand. Beaucoup plus petit en taille, la technologie qu’il présentait était davantage avancée que celle du cargo marchand, tout comme l’équipement militaire qu’il arborait. Elle serra les mâchoires, tandis qu’un frisson de mauvais augure lui parcourut la nuque. Son regard se scella sur son objectif : atteindre la timonerie. La délicieuse sensation de l’urgence se mit à palper dans ses veines. C’était à peu près le même genre de poussée que celle qui avait emporté Joseph un peu plus tôt. Cet infime envol qui arrache les aventuriers à leur quotidien maussade et qui les envoie jusqu’au confins du monde. Celui qui emportait des navires en avant dans des élans irrésistibles, inéluctable et surtout irréversible.
Elle ne pouvait plus faire marche arrière.

Poppy s’élança sur le pont, aussi discrète que jamais, frôlant les murs et circulant aussi rapide et silencieuse qu’une souris voleuse. Déjà, sur le pont, la bataille faisait rage. Un groupe de pirate avait pris possession de la passerelle supérieure, et on entendait les rapières s’entrechoquer, se fichant dans la chair et arrachant un dernier souffle. Les balles sifflaient de toutes parts, si bien qu’il était impossible de dire qui tirait, ou qui avait l’avantage. La blondinette sentit son cœur se serrer dans sa poitrine lorsque l’une d’entre elle lui caressa l’oreille. Vite. Il fallait qu’elle se presse.

L’instant suivant, elle déboula en trombe dans la cabine du timonier, un homme d’une quarantaine d'années, chétif et aussi maigre qu’une brindille, qui se retourna au même instant, quand la porte s’ouvrit à la volée.

« Qu’est-ce que… ! » Il pointa son arme dans la direction de la blonde, qui continuait encore de s’approcher, l’urgence vibrant dans sa voix.
« – Il faut prendre de l’altitude ! Ou nous allons nous cracher !
Qu’est-ce que tu racontes ? D’où tu sors toi ?
On n'a pas le temps pour ça ! » Poppy sent son visage s’empourprer de colère. Il ne la connaît pas, il ne lui fait pas confiance, et il continue de la menacer avec son arme.

« – Faites ce que je vous dis bon sang ! » Elle s’élança vers la barre, poussant l’homme de toutes les forces qu’elle possédait, attisant la flamme vacillante qui s’empare de sa poitrine et qui lui permet d’ignorer le revolver pointé sur elle. L’homme finit par capituler, quand il comprend qu’ils sont dans le même camp et baisse son arme. La blonde, elle, tire sur la barre rouillée, du mieux qu’elle peut. « Vous allez continuer à me dévisager longtemps ?! Venez m'aider ! » grogne-t-elle entre ses dents, alors que son front suinte de sueur. Il balbutie quelques syllabes incompréhensibles avant de se jeter sur le gouvernail à son tour. Et déjà, on entend des bruits de pas, menaçants, pressés et confiants, qui s'approchent de la timonerie.

« Il faut fermer la porte à clé ! Où est-elle ? » Le presse la mécanicienne. L’homme pointe le trousseau qui pend à sa ceinture et Poppy lui arrache, et je jette sur l’entrée, juste à temps. Elle claque la lourde porte de métal, et enfonce la clé dans la serrure. On entend un clac retentir, au même instant où la silhouette s’apprête à mettre un pied dans la cabine. Et derrière le hublot, un visage s’approche, l’acculant comme un loup, comme un homme, comme la fin du monde. Il harponne le regard de la blonde et lui sourit. Un sourire vil, méchant. Cruel et annonciateur de tragédies. Pas le bon genre. Pas de celles qui font rêver d’amour et qui vous déchirent le cœur de gratitude. Non, plutôt le genre implacable, qui vous laisse sans vie, sans espoir et sans envie.

Son poing cogne contre la vitre du hublot, et Poppy sursaute, reculant d’un pas, incapable de détourner les yeux. Sa main tremble sur la crosse de son revolver et dans sa poitrine, son cœur s’émeute. Il cogne, une seconde fois, plus fort.

« – On va crever… la porte ne tiendra pas…
Continuez de tenir le cap, nous devons prendre autant de hauteur que possible avant que… Peu importe. » Murmure la blonde, et ses yeux brillent d’un feu noir quand elle fait face à l'homme qui se tient derrière la porte. Elle sent en elle quelque chose flamboyer, féroce et rebelle : la volonté de vivre, celle de voir un jour de plus. Son bras, lui, tremble toujours, quand elle le lève pour pointer le visage du gaillard, derrière cette vitre qui les sépare toujours. C’est à cet instant que la réalisation la frappe de plein fouet, comme une évidence. Tout était allé si vite. Trop vite. Ces pirates avaient su exactement où les attendre, comment les trouver, combien ils étaient… Quelqu’un avait parlé.

Et quelques mètres plus bas, dans les cales, on s’active toujours pour assurer le fonctionnement des moteurs encore valides.
Personne ne remarque que le baromètre indique une ligne en dessous de tempête.



Dernière édition par Poppy Cox le Mar 29 Aoû - 11:51, édité 3 fois
Sam 26 Aoû - 12:30
Ambiance.:

Le vacarme de la guerre résonnait dans toutes les caboches, plongeant l'entièreté des âmes dans un tourbillon de violence, la fumée gerbées des dragons de fer rapidement chassée par les bourrasques glacée à de telles altitudes. Chaque équipage vidait chargeur sur chargeur, tandis que la Rapière libérait ses harpons pour s'harnacher à l'énorme machine volante, perforant la coque pour s'y cramponner. Le Zeppelin pirate faisait bien pâle figure a coté, presque dérisoire, rappelant une mouche embêtant un bovin. Hélas pour les assaillit, cette attaque n'était en rien comparable avec le règne animal.

Horace, au fur à mesure de la progression des renégats, avait aperçu les visages sur lesquels il tirait depuis plusieurs minutes, et a mesure qu'ils s'approchaient, son cerveau taquin formulait des hypothèses concernant ces honnêtes gens. Peut-être étaient-ce leurs premiers vols ? Peut-être avaient ils de la famille ? Des enfants ? Malheureusement, une vie de pillage et d'exaction insensibilisait aux remords et à la culpabilité normalement dévorante. Béliard se contentait de faire feu sans intellectualiser ses gestes, espérant atteindre les bâtards qui lui faisaient face ! À côté de lui, ses camarades s'appliquaient à faire de même, en plus de balancer des insultes bien senties. Les pertes étaient pour l'instant limitées, mais l'abordage imminent allait drastiquement modifier la donne. Les corps-à-corps étaient constamment sanglants et barbares... Les balles fusaient, rasant les esgourdes, percutant parfois les êtres, mais Gary n'en démordait pas et dès qu'ils furent à portée, les veines gonflées apparentes sur sa gorge tant il criait, le quartier-maître couvrit les échos de la bataille !

« A l'Abordage ! Massacrez-les ! Qu'ils voient briller nos canons ! »

Avec un mugissement encourageant, les bataillons d'abordages montèrent à l'assaut, escaladant les passerelles, se balançant des cordages et tout autre méthode leur permettant de rejoindre le vaisseau adverse. Dès les premières secondes, la faucheuse se régala, frappant à l'aveugle, ne faisait aucune distinction entre pirates et citoyens. Le dernier Dolls était de ceux missionner de sécuriser une des passerelles, périlleuse mission. La lutte fut âpre pour son escadron, lui-même ne passant qu'à quelques cheveux de recevoir l'étreinte glaçante et définitive de la mort, parant de son sabre une attaque malicieuse d'un boug solide comme un roc, qui visait son torse. Rapidement, le sol devint glissant, la faute à l'urine, le sang et la sueur, chaque appui devenant incertain, ce qui compliquait énormément les duels d'aciers.

Béliard parvint, après un bon coup de crâne bien sentie dans la trogne de son adversaire, à l'éviscérer d'un coup d'estoc, le pauvre gaillard s'effondrant à genoux, tentant de retenir ses tripes qui prenaient désormais l'air, avant de simplement s'effondrer à terre, le regard vitreux et la mine figé dans une expression horrifique. Rapidement, le reste de l'équipage pirate utilisa ce pied-à-terre pour progresser, la bataille faisant rage, aucun des camps ne souhaitant céder un pouce de son terrain.

Le blondinet sentait son cœur métallique accélérer, battre dans sa poitrine à un rythme effréné, délivrant la douce sensation d'existence. Être en vie. Quel bonheur, qu'on ne pouvait sincèrement apprécier que lorsque la mort se tenait juste derrière soit, guettant le moindre faux pas. Gary se rapprocha de lui, l'alpaguant entre deux tirs de revolver.

« On s'fait tailler en pièces chez Steel, c'bâtard empêche l’accès aux cargaisons avec ses cabots, c'est un p'tain de génocide quand on l'approche. Faut qu'on trouve rapidement de quoi changer la donne. »

Gary était un homme à homme comme l'on disait. Doué pour motiver les marins, excellent pour assurer la cohésion d'une équipe et la bonne entente au sein des groupes, une pièce recherchée par tout bon capitaine. Toutefois, ses limites en terme de stratégie lui causaient du tort, particulièrement dans ce genre de situation.
Adossé derrière une balustrade, l'épouvantail prit quelques secondes pour élaborer un plan permettant de renverser la tendance, ou du moins forcer des pour-parlers et éviter que Steel ne nettoie le pont des vermines aériennes. Le convoi de marchandises fut secoué de nouveau par un tir de canon, et au même moment, l'illumination eut lieu.

« Gary ! Faut prendre le contrôle des lieux stratégique à l'avancée du navire ! Faut prendre la salle des machines, la timonerie et sécuriser la barre. Les cargaisons on s'en tape pour l'instant, on les négociera plus tard ! Laisse Steel s'essouffler là-bas !
-Bien vu ! »


Gary se redressa et déjà, il vomissait ses ordres, désignant les plus cruels des membres de la Rapière pour s'occuper de cette tache ô combien importante. Dominer par la peur, une excellente solution de facilité. Une dizaine d'hommes se rua en direction de la timonerie tandis qu'une autre partie bifurquait vers les machines. Ce ne fut pas une mince affaire, la progression étant plus que compliquée, les défenseurs n'ayant pas cœur de les laisser passer. Le feu de couverture coûteux en munitions exercé par les pirates porta tout de même ses fruits.

Dolls reprit la danse macabre à laquelle il s'adonnait avec les défenseurs, parlant acier, tranchant autant que l'échassier recevait de coupures, son sang se mélangeant a celui de ceux qui faisait face. Seul son allonge dû à sa grande taille lui permettait de garder l'avantage, sécurisant une certaine distance et préservant donc sa vie. L'escarmouche battait son plein quand Gary hurla à nouveau.

« Vril ! Ils se sont enfermés dans la timonerie, on n'a pas d'nouvelles des gars des machines !
-J'm'en occupe ! 
-J'te couvre ! »

Scanda Yloène qui faisait son apparition, sa tignasse rousse la rendant reconnaissable même au milieu du chaos. Campée sur la Rapière, armée de son fusil de précision, la diablesse faisait pleuvoir la mitraille avec une efficacité lugubre. Un sourire habillant son visage, la tête rentrée dans les épaules, Horace quitta sa cachette d'infortune pour se ruer à grande enjambée comme si le diable en personne le coursait ! Avec une chance miraculeuse et l'aide de la demoiselle, il y parvint en un seul morceau, une prouesse.

L’intérieur, plongé dans une certaine pénombre, empestait la mort. Au sol, des corps étendus sans vie baignaient dans une mare de sang et d'entrailles, à peine éclairée par la lumière grésillantes des quelques néons au plafond, renforçant l'atmosphère oppressante du lieu. Chacun de ses pas provoquait un « Splotch » écoeurant, ses bottes, couvertes de fluides finirent par le mener jusque devant l'impasse. Ed' frappait contre le hublot, alors que le reste du trio se retourna vers l'épouvantail.

« Y'a une pute à l’intérieur qui refuse de nous ouvrir ! On a réussi à s'frayer un ch'min jusque-là, mais sans canon, impossible d'faire une brèche ! On fait quoi Béliard ? »

Le pirate resta muet une poignée de seconde avant de rétorquer, tout en filant, sa voix frappant contre les parois de cuivre de l'infrastructure.

« Bougez pas, j'reviens ! » 

* * *

Moins de cinq minutes plus tard, Béliard Vril refit surface, accompagnée. L'épouvantail, couvert de sang ressemblait à un démon adoré et vénéré d'une tribu cannibale, comme un avatar d'une soif sanguinaire inextinguible. Avec lui, du moins, ce qu'il traînait par le col, un gamin d’à peine 20 ans, sanglotant et mutilé. Le malheureux avait préféré se réfugier derrière des tonneaux lorsque l'attaque avait débuté, avant d’être débusqué par les pirates, qui s'étaient un brin amusé avec lui, avant qu'Horace ne débarque, avec une tout autre idée d'avenir pour le couard.

« Poussez-vous. »

Le trio s’exécuta docilement. L'échassier toqua au hublot, avant de beugler suffisamment fort pour être entendu.

« Hey là d'dans. R'garde un peu. »

Et, dénué de toute douceur, il plaqua la frimousse du garçon contre la vitre, avant de coller la gueule noire de son revolver contre la tempe du misérable, armant le chien. Le jeune homme pleurait toutes les larmes de son corps sous les rires gras des autres pirates.

« Ouvre la porte, ou j'repeins les murs avec sa cervelle ! Dis-lui comment tu t'appelles !
-Pitié m'dame ouvrez la porte, j'veux pas mourir ! J'm'appelles Timon, j'ai une maman qui m'attends, j'suis tout c'qui lui reste, si j'meurs elle aura plus d'quoi s'nourrir ! Pitié, faites ce qu'il dit ! J'veux pas mourir ! »


Parvint-il à articuler entre deux sanglots. Horace surenchérit dans la foulée.

« Dépêche-toi. S'tu n'ouvres pas, j'vous enfumerai ! La seule chose qu't'peux faire c'est sauver une vie maintenant. Si tu n'ouvres pas dans la minute, tu s'ras la dernière chose que verra ce gamin ! »

Béliard aboyait plus qu'il ne parlait, vociférant ses menaces qu'il allait a coup sur exécuter. L'empathie n'avait pas sa place dans un siège, mais tous n'étaient pas prêts à se damner pour sauver un navire, et Horace comptait la dessus. Après tout, quel genre de personne fallait-il être pour laisser un pauvre innocent se faire ainsi abattre ?

Pour les pirates, la fin justifiait les moyens. Et pour l'équipage de Steel, était ce le cas ?
Sam 26 Aoû - 22:32

Une mer sans rivage

ft Horace


MUSIQUE :


À travers la fenêtre du hublot, son regard se pose sur la face dégoulinante de sang du gamin. Elle l’avait vu, plus tôt, embarquer sur le zeppelin. Il devait avoir tout juste la majorité, et la terreur qui marquait ses traits fit courir un affreux frisson chez la blonde. Ses yeux quittèrent finalement le visage du gamin pour se poser sur celui de son assaillant, qu’elle pointait à bout de revolver - une menace futile, probablement là pour la rassurer. Elle le regarde un long moment sans ciller. Les minutes défilent - en même temps que ses pensées - pendant que le jeune mousse continue de geindre, et le grand de beugler.

« – Qu’est-ce que tu fous ?!
Je ne parviens pas à réfléchir…
C'est plus le moment de réfléchir ! Il faut leur ouvrir, où ils vont lui coller une balle entre les deux oreilles !
Si on leur ouvre, c’est à nous qu’ils colleront une foutue balle !
Bordel… »

Ce salopard de terroriste avait trouvé le moyen de mettre Poppy dans les pires dispositions et elle le maudissait intérieurement, évaluant le pour et le contre… Le gamin était déjà à moitié mort, et s'ils leur laissaient l’accès à la barre, autant dire qu’ils avaient perdu. D’autant plus que…
Le timonier lâcha le gouvernail au même instant pour se précipiter vers la porte, bien décidé à capituler avec les pirates. « Arrête ! Éloigne-toi de cette porte ! » Le plancher grince et l’arme de Poppy change de direction.

« – Ne m’oblige pas à…
À quoi ? Tu vas me tirer dessus ?! Vraiment ?! Sur tes propres compagnons ? » Elle y songe très sérieusement, l’espace d’un instant, avant de jeter son arme par terre, et de se jeter sur la barre. Ils avaient déjà perdu plusieurs des précieux altimètres gagnés jusque-là.
Vous faites tous chier ! »

Pendant qu’elle reprend possession des commandes, le timonier s’empresse de faire coulisser la clé dans la serrure pour ouvrir la porte aux pirates, que la petite mécano dévisage d’un œil mauvais. Elle sentit son corps tout entier se tendre, tandis que sa mâchoire était crispée de douleur, son attention virevoltant entre le tableau de bord, et la menace, qui s’insinue comme un serpent dans la pièce. La blonde leur adresse un regard froid et tranchant, se tordant de toute part pour tirer sur la barre, s’accrochant à celle-ci comme à sa propre vie. Et ce n’était pas façon de parler. On l’entend grogner entre ses dents, à celui-ci qui s’était adressé à elle, derrière la vitre, et qui semble être, à cet instant, le leader de la petite bande.

« Si on ne prend pas assez d’altitude, nous allons tous crever. Vous y compris. » Explique-t-elle, sa voix pleine d'urgence, dans l’espoir que même les pirates aient assez de jugeote et d’intelligence pour comprendre qu’à cet instant, il se trouvait tous dans la même merde. « Ce dirigeable est chargé de 500.000 pi3 d’hydrogène gazeux, 478.000 depuis que nous avons quitté le port aérien. Grâce à l’impressionnante visée de vos canonniers, nous nous retrouvons avec un moteur en moins, ce qui nous fait perdre 0,15 mach sur notre vitesse habituelle… » Elle réalise alors qu’ils ne comprennent probablement pas un mot à ce qu’elle raconte.

« Autrement dit, si nous ne nous posons pas en sécurité au port le plus proche, ou au moins dans une zone suffisamment large et plane pour atterrir, la faune du Val pourra assister à un joyeux feu d’artifice de cervelles – les vôtres comprises dans l’équation. » Il y avait au fond d’elle l’espoir que s’ils n’avaient aucun respect pour les vies de l’équipage, ils avaient tout de même la volonté de survivre, eux aussi. Elle cherche une lueur de lucidité dans le regard du blondinet, priant qu’il ne soit pas aussi idiot qu’il est grand.

Mais c’est l’homme, l’immense gaillard à qui elle avait claqué la porte au nez, qui lui répond : « Ferme là maintenant, c’est nous qui commandons désormais. » Il s’approche, vengeur, lui arrache les poignets du gouvernail et se saisit de la tranché de la demoiselle avec une telle force que le cri qu’elle essaya de jeter s'étouffa dans sa gorge. Il la charga sur son épaule comme un sac.

« Un seul mouvement et je t’égorge, d’acco-... » Mais il n’alla pas plus loin.

Tous les espoirs de la blonde partent en fumée quand tout autour d’eux, la tempête se lève. Un éclair illumine la timonerie, et le tonnerre gronde de colère, frappant de plein fouet le zeppelin, envoyant les deux s’écraser violemment contre la barre. Elle se sent couler sur le plancher, et du sang lui obstrue désormais la vue. La mécanicienne ne prend même pas le temps de s’essuyer le front - et ne laisse certainement pas l’opportunité au lourdaud de la rattraper - pour se relever, ses yeux s’écarquillant de stupeur devant le panneau de bord. Ils étaient en train de perdre toute l'altitude durement gagnée jusque-là, et le dirigeable continue de prendre de la vitesse : direction droit au sol.

« On est baisés, » murmure-t-elle, rageant contre les nuances implorantes que sa voix prend à cet instant. Dans sa poitrine, son cœur s’affole et son sang tambourine contre ses tempes, chassant la moindre pensée, la moindre astuce, la moindre solution qui pourrait s’y loger. « On est tous baisés… » répète-t-elle dans un souffle qui lui arrache la poitrine. Tout autour d’eux, les nuages défilent à toute vitesse. Son regard, dégoulinant de mépris croise celui du blond, et à cet instant, une vague de frustration s'empare d’elle. Poppy lui accorde toutes les fautes du monde. « Regarde ce que t’as fait, » crache-t-elle avec toute la hargne dont elle est capable.
Jeu 31 Aoû - 18:49
Ambiance:

Horace laisse un grand sourire étirer ses traits alors que dans la timonerie, une certaine discorde semblait s’être installée a la vue du revolver appartenant la donzelle désormais pointé sur son camarade. Comme prévu, toutes les âmes présentes sur ce navire n’étaient pas disposer à prendre des décisions rationnelles, préférant se réfugier derrière une soit disant morale supérieure solide en toute circonstance. Dès lors que le bougre prit la direction de la porte, Béliard savait quel destin attendait les occupants de la cabine, et quel sort était réservée à l’otage qu’il plaquait encore contre le hublot. Un massacre. À moins d’une péripétie incongrue, ou imprévisible, un carnage était au programme. Le trio qui accompagnait le pirate n’était pas réputé pour la douceur de leurs massages, cédant bien plus promptement à la violence gratuite et aux zèles. Ed’ particulièrement, était vu comme un barbare par l’équipage de la Rapière, un équipage remplit de pirate, ce qui en disait long sur l’impression sanglante que pouvait laisser l’immondice inhumain qu’il était. Une trogne à faire passer le diable pour un enfant de chœur, il était l’un des rares marins qu’Horace pouvait regarder droit dans les yeux, la faute à une taille similaire. Par contre, Ed’ mettait bien une vingtaine de kilos dans la vue à l’épouvantail, toujours prompt à se resservir à la cantine.

À peine la porte déverrouillée, ils eurent un charabia diaboliquement long de la part de la jeune femme comme comité d’accueil. Un ramassis de mot technique et un discours précis proches du totalement incompréhensible pour les non-initiées. Horace, comme les autres assaillants, totalement néophytes dans le domaine laissèrent échapper par des échanges de regard une pleine incompréhension. Heureusement, et comme si Poppy pouvait lire à l’intérieur de leur caboche, elle simplifia grandement son laïus, révélant alors une situation peu enviable. Le dernier Dolls marqua une hésitation. Et si ce n’était pas un bluff pitoyable pour sauver sa misérable existence de timonière ? Et si elle disait vrai ?

Hélas, si Horace était capable de réflexion, ce n’était pas le cas de ses camarades. Tandis que l’un des gus rossait à coup de crosse l’ancien qui leur avait ouvert, Ed’ se ruait, fou de rage sur madame Cox, lui offrant un très court baptême de l’air en la balançant comme un poids mort, sur son épaule. Les membres de la Rapière connaissaient parfaitement le triste sort que réservait Ed’ à cette créature. Rien d’enviable, rien qu’un horrible constat sur la nature humaine, plus précisément sur celle de l’homme affranchis de toute bien séance, se vautrant dans la malveillance en s’abaissant à ses plus bas instincts, et besoins.

Signe de la providence pour Poppy, les cieux courroucés en avaient décidé autrement. Un bruit sourd résonna, surpassant largement le vacarme de tous les canons réunis. Le temps d’un instant, une puissante lumière éclaira l’entièreté de la pièce, comme tous les combattants luttant encore sur le pont. L’entièreté de la pièce, et ces occupants, comme le vaisseau volant, furent secoués, projetés sur le sol. Des hurlements de marin passant par-dessus bord furent audible par tous, même pour les lascars dans la cale. Horace n’échappa pas à la règle, ayant oublié son passe-droit catastrophe dans la poche de son autre pantalon. La rencontre avec le sol fut rude, son dos heurtant l’acier avec tant de force qu’il manqua une respiration. Sa vue se troubla une fraction de seconde tandis que des jurons s’échappaient de ses lèvres. Bien que peu chanceux, il était en veine comparé à Simon, l’un des membres du quatuor renégat avait expirer son dernier souffle l’instant plutôt. Durant la secousse, une rencontre imprévue entre son crâne et l’un des nombreux leviers d’un des panneaux de contrôle eut lieu. Avec un crack effroyable à se faire dresser les poils sur le dos, sa caboche se fractura, avant de gerber doucement ce que sa tête contenait. Pas grand chose.

Le silence résultant de la foudre laissa rapidement place à des hurlements de panique. Le vaisseau de transport piquait vers l’avant. Les membres de la rapière avaient coupé les harnais pour ne pas être entraîné dans cette chute vertigineuse sans issue, abandonnant à leur sort tous ceux encore présent dans le navire gargantuesque. Des vrai Félons obéissant aux lois de la loge Félonne.

Ed’ restait couché sur le sol, la peur le paralysant autant qu’elle lui remuait les entrailles. La hantise de tout marin arpentant la mer de nuage. Les lumières sur les tableaux de bord s’affolaient, des sons inquiétants retentissait, en plus de cette idiote de timonière qui répétait à quel point ils l’avaient dans le fion. Pas vraiment en ces termes mais l’idée était là. Les éclairs continuaient, par intermittence rapprochée, d’éclairer la pièce. Le tableau de bord s’affolait, des boutons rougeoyaient, un véritable scénario catastrophe.

Horace dut s’aider en posant une main sur une armoire vissée au sol, pour s’assurer une prise suffisante et ainsi de redresser, non sans peine. Une douleur à l’épaule le lançait, et l’adrénaline qui parcourait ses veines lui hurlait de partir en courant et… et quoi ? Le pirate connaissait le protocole, le pirate avait conscience des manœuvres certainement effectuées par la Rapière pour garantir sa survie égoïstement. « Qui n’est pas à sa place, reste sur place. » etait l’un des nombreux adages inscrit dans le sang de la loge Félonne. Béliard sentait son cœur marteler sa poitrine, un mélange de peur, peur de mourir comme ça, à cause d’une vulgaire blondasse qui n’avait pas voulu ouvrir une fichue porte, mais aussi une sorte de haine révoltée, refusant d’accepter passivement ce destin. Au rythme des hurlements effrayées en plus des impacts de lames contre d’autres provenant de l’extérieur, la cervelle du pirate s’ébouillantait pour tenter de trouver une solution. Face à l’urgence et la perspective d’une mort collective certaine, toute appartenance à un camp avait disparu. Survivre, à tout prix. Le vaisseau ogre piquait du nez.

Le front trempé de sueur, la frimousse du blondinet pivota en direction de la seule fautive de cette situation.

« Y’a pas moyen de redresser l’altitude ? P’tain… Ed’… t’casses les couilles toi aussi.. T’pouvais pas rester lucide. Débile. »

Par pure frustration, Horace piocha à sa ceinture son revolver. Celui-ci était décoré de dorure réussie, certainement réalisé par un type talentueux des bas-fond, un artiste n'ayant pas eu la chance de rejoindre les beaux quartiers, bradant donc son talent pour de vulgaires acheteurs d’armes en quête de tape à l’œil. Le dernier Dolls braqua son revolver en direction d’Ed’, plus précisément sa caboche. Cette fois, pareille à un éclair réservée à la cabine, le coup de feu illumina le temps d’une fraction de seconde la pièce. Ce fut sans douleur qu’Ed’ quitta ce monde, le trou dans son crâne et les murs redécorer de sa cervelle ne laissait que peu de doute sur sa capacité à encaisser le pruneau balancé par l’épouvantail. Nulle loyauté ou amitié entre les membres de la loge Félonne, seul l’argent les liaient. Horace reporta son attention sur Poppy, tout en rengainant son fournisseur à la faucheuse.

« Vous avez pas une corvette sur l’navire ? J’suis capable de nous frayer un ch’min jusqu’à la bas, et d’le conduire s’il faut. Si tu nous y amènes, sans rancunes on s’tire d’ici. »

Que valait la parole d’un charognard ? Pas grand chose, mais à situation critique, solution audacieuse. Si jamais le titan des cieux ne possédait pas de navette de secours, les chances de survie flirtaient avec le zéro. Dans ce genre d’événement, même les vertueux se découvraient une parte égoïste en eux, la proximité avec la faucheuse révélant les âmes. Chacun pour sa peau, et si corvette il y avait… pour que que d’autres avaient eu l’idée. Béliard claqua des doigts en direction de madame Cox, un brin paternaliste.

« Hey, y’a une corvette ou pas ?! C’est pas l’moment d’s’apitoyer sur son sort, j’ai rendez vous ce soir dans un bar dansant, et j’déteste être en r’tard. Tu m’y amènes où t’crèves ici ? Mon blase c'est Béliard, c'quoi l'tiens ? »

Établir un contact avec celle qui possédait les dernières clés d'une survie de justesse, établir un lien de confiance... Ou bien lui foutre une balle dans la trogne et tenter sa chance seul... Horace avait fait son choix, avisant les tableaux de bord affolés.
Lun 4 Sep - 13:25

Une mer sans rivage

ft Horace


MUSIQUE :

Le coup de revolver avait résonné dans chacun de ses os, et Poppy sentit un mélange de frustration et de terreur s’emparer d’elle. Elle resta interdite un instant devant la scène. Il l’avait tué sans y réfléchir à deux fois. Son regard se posa sur le sang qui tachait ses vêtements, puis se darda sur le blond. Il avait la mort au bout des doigts. Quelques instants plus tôt, elle avait menacé de faire de même au timonier, mais tout à coup, la voilà qui se demandait si elle avait pu réellement appuyer sur la gâchette ? L’aurait-elle fait comme lui l’avait fait ? Il lui semblait avoir sauté dans le grand bain de la vie, sans être tout à fait sûre de savoir nager. La voix du blond vint la sortir de sa torpeur. Elle opina doucement du chef.

« Il devrait y en avoir une… Peut-être deux. Près de la salle des machines. J’suis pas certaine qu’elle soit en état de démarrer cependant. » Mais ce n’était plus le moment de se poser des questions. Tant pis si elle ne pouvait pas lui faire confiance – un gars qui abat ses camarades sans ciller, comment pourrait-on ? – tout ce qui importait c’était d’abandonner ce navire. Un ultime coup d'œil au tableau de bord lui avait suffi pour comprendre que c'en était terminé pour l’équipage du Capitaine Steel. Elle finit par se relever. « Nous verrons bien une fois là-bas. Poppy, » annonce-t-elle dans un raclement de gorge.

Son épaule la lance quand elle ramasse son propre revolver, par terre, et qu’elle le glisse à sa ceinture, entre les tournevis et clés à molette. « Histoire de te faire passer l’idée de m’abandonner sur le pont. Juste au cas où, » précise-t-elle en pointant du menton le cadavre de leur ancien camarade. « Dans tous les cas, j’déconseille vivement. À moins qu’tu te sentes aussi capable d’assurer la mise en route et le fonctionnement d’un engin aussi vieux qu’toi et moi rassemblés, qui n’a probablement jamais vu la couleur d’une huile moteur. »

Ils ne laissent rien derrière, sinon une flaque de sang qui s’étend encore toujours et le parfum poisseux de la trahison.

Autour d’eux, sur le navire, l’émeute des combats continue de tourbillonner, dans l’inconscience générale de la situation. Parce qu’on n'a pas le temps de se montrer inquiet pour ce qui se déroule tout autour, dans un sabre manque de nous trancher la gorge, et que les balles filent à toute vitesse, de tous les côtés. Poppy regarde tout autour d’elle, et on la voit retrouver ses habitudes de souris : il fallait se déplacer vite, sans attirer l’attention sur soi. Pour n’importe qui, cet enfer ne présentait nulle sortie, nul endroit où fuir. « Suis-moi et ne t’arrête pas. » Et elle accélère le pas, sans jamais ralentir où se retourner, les yeux rivés sur sa direction. On la voit bifurquer au dernier instant, jouer des coudes, puis disparaître entre deux silhouettes.

Pour réapparaître, une seconde après, juste à côté. La mécanicienne finit par attraper le bras de Béliard, et le tirer avec elle. Ils dévalent les escaliers qui mènent jusqu’à la salle des machines. Poppy tape négligemment un code sur le petit tableau à côté de la porte, et ouvre la porte d’un coup de hanches, les yeux rivés vers le haut des escaliers, une main sur la crosse de son revolver. Une odeur rance d’huile et de gasoil s’échappe de l’ouverture, ainsi que le bruit infernal des moteurs en marche. « Après toi, princesse, » déclare-t-elle en poussant le blondinet à l’intérieur et refermer juste après son passage.

Il n’y avait plus personne, ici-bas. Un étrange pressentiment s’empare de la blonde, qu’elle ignore, essorée par l’urgence qui lui bouffe le creux du ventre. « Par là, » indique-t-elle, alors qu’ils s’enfoncent plus loin, délaissant la lumière de l’extérieur pour celle artificielle et tamisée des cales. Ce n’est que lorsqu’elle entend une voix s’élever derrière elle, un espèce de petit gémissement incrédule, comme celui d’un animal blessé que Poppy s’interrompt.

« Poppy ? » La blonde jure entre ses dents quand elle comprend de qui il vient. Elle se retourne. « Qu’est-ce que tu… » Le garçon la considère, elle et le type à ses côtés avec une expression déroutée, comme s’il venait enfin de trouver la dernière pièce du puzzle. « C’était toi ? » murmure-t-il, portant sur elle un regard chargé du besoin de comprendre. « Pourquoi ? »

« Je… » Bordel. La voilà qui se retrouve à devoir se justifier d’un crime qu’elle n’avait pas commis, ni voulu. Et que pouvait-elle bien dire ? Ce n’était pas elle qui avait balancé les coordonnés du zeppelin aux pirates, mais c’était bien elle qui s'apprêtait à fuir avec l’un deux, en laissant tous ses camarades derrière, les condamnant à une mort certaine. Alors, elle reste muette.

Dans ses mains, il tient quelque chose qu’elle reconnaît : les clés de la corvette. Et quand elle pose son regard dessus, il comprend. Et elle comprend. Que la même idée les a traversés, et que le reste de l’équipe de mécaniciens a eu la même idée. Ils s’observent un long moment, sans compter les secondes, et soudain, le garçon déguerpit, prend ses jambes à son cou, les bousculant sur son passage.

« Merde ! » grogne la blonde quand elle s’écrase l’épaule contre le mur, avant de lancer à Béliard : « Il a les clés de la corvette ! » L’écho de sa voix retentit dans le couloir, comme une chauve-souris affolée. Des pas précipités s’éloignent d’eux, et Poppy s’élance alors à sa poursuite. « Faut l’rattraper ou on est morts. »

On la voit disparaître dans l’ombre, puis, quelques instants plus tard, le fracas de deux corps qui tombent sur le sol résonne. « Arrête ça Joseph ! Je ne veux pas t'faire de mal ! » Elle lui attrape un poignet alors qu’il tente de lui griffer le visage. « Calme-toi bordel ! J’ai besoin de ces clés ! » Et Joseph s’apprête à hurler, quand elle écrase sa main contre sa bouche. Il lui lance un regard si implorant que Poppy sent sa volonté se découdre l’espace d’un instant. « La corvette fait quatre places, nous pouvons monter tous les trois. D’accord ? » Joseph a vingt ans. Les joues encore rondes, les yeux avides de l’envie et du besoin de vivre. Il n’est pas l’un de ses patients, à qui la vie a arraché tout espoir. Poppy pose sur lui un regard furtif, coupable, quand elle entend les pas de Béliard qui se rapproche dans leur dos.

Tout cela n’était censé n’être qu’un voyage, un aller-retour rapide, qu’elle aurait oublié aussitôt rentré à la maison, un chapitre éphémère dans sa vie. Pas un véritable cauchemar. Elle sent son estomac se retourner, quand le garçon lâche finalement les clés pour les lui laisser. Dans ses yeux, un étrange mélange de confiance et de désespoir. Ils criaient la misère et la faiblesse, tout ce qu’elle détestait chez les autres. Et pourtant… Quand la blonde se relève, les clés en main, elle fait volte-face devant le blond : « Ne le tue pas. C’est qu’un gamin, il mérite pas ça. De toute façon, tu ne pourras la démarrer sans moi. » tente-t-elle de négocier. Il y avait-il donc un cœur sous les coups de marteau et les prunelles négligentes de la mécanicienne ? « La corvette est suffisamment large pour nous trois. » Et du coin de l'œil, elle voit Joseph secouer la tête de gauche à droite. Tout à coup, elle comprend alors qu’ils ne seront pas trois. « Joseph ? Où sont les autres ? »

Le garçon ne répond pas.
« Joseph ? » insiste-t-elle, avant de lancer un regard vers le fond du couloir, déglutissant péniblement. « Ils ont dû nous entendre… » Il lui faut un quart de seconde alors pour réaliser. « Ils vont essayer de démarrer la corvette sans les clés… » Elle sent ses propres paumes transpirer. Ses jambes réagissent avant qu’elle ne le réalise, et elle abandonne Joseph et Béliard derrière elle. Ils la suivront, probablement. Pour le moment seul compte d’intercepter la corvette avant qu’il ne soit trop tard.

Quand elle arrive finalement devant l’engin, Poppy s’interrompt immédiatement. La bouche d’un flingue s’enfonce impitoyablement dans la base de son coup, et une onde d'abattement se diffuse alors dans son corps. Très doucement, elle lève les mains de chaque côté de son visage. « Pas un pas d’plus, ma grande. Où est l'gamin ? » C’est la voix du chef d’équipe, qui se tient alors dans son dos, alors qu'il en profite pour récupérer les précieuses clés.
Mar 5 Sep - 17:36
Le dernier Dolls, en plus de lutter pour conserver son équilibre, laissa un sourire amusé apparaître lorsque la dénommée Poppy, comme elle s'était présentée, ramassa son arme non sans ommetre de mettre en garde le pirate, lui dévoilant les conséquences de toute traîtrise. Elle en avait dans le ventre, ou du moins elle avait de la gueule, et a défaut de mordre, pour l'instant la timonière aboyait convenablement bien. Son interlocutrice souligna ensuite l'importance résidant dans sa survie, se proclamant seule capable de démarré l'épave qui devait les sauver d'un crash à en faire trembler les cieux et la terre. Horace se contenta d'opiner, se gardant de contredire actuellement la seule personne à bord capable de le mener vers une porte de sortie salvatrice.

Il n'eut pas non plus besoin de se faire prier pour suivre la mécanicienne qui s'activait, en plus de prodiguer de superbes conseils très utiles comme « t’arrêtes pas ». Très perspicaces, peut-être allait-elle enchaîner en révélant des secrets bien gardés de ce monde comme « L'eau mouille. » « Tomber peut faire mal. ». Les femmes, songea simplement le blondinet. Toutefois, il ne dérogea en rien aux consignes soumises par Cox, épousant la route de la demoiselle comme s'il en était l'ombre, s'assurant de n’être en rien suivis. Le duo paraissait hors du temps, perdu dans un chaos frénétique illustrer par les combats se déroulant avec une sauvagerie rarement égalée, alors que tous se tenaient sur un cercueil volant. M'enfin, quitte à mourir, autant se sentir vivant juste avant en ôtant une vie. Drôle de morale, mais compréhensible par les chevaucheurs de nuage.

Tiré par le bras, le marin se laissait diriger sans rouspéter, bien conscient que son destin tenait entre les mains frêles de Poppy. En vérité, l'explosage de crâne de l'autre brute pouvait avoir semblé gratuit, mais Béliard avait mûrement réfléchis ce geste en l'espace d'une seconde. Paradoxale. Jamais l'autre débile aurait accepté d’être dirigé par l'ennemi, et encore moins une créature dénuée de queue. Certainement qu'il aurait compliqué la course contre la montre. Finalement, face contre l'acier, la cervelle entrain de prendre l'air, ce n'était pas si mal pour ce cabot qui méritait pire.

Le navire bringuebalait au grès du vents, des derniers coups de canon rageurs distribué par la Rapière, et les explosions internes. La créature volante grognait, les moteurs toussaient, le déclin n'était plus une ombre menaçante. La princesse fut pressée par Cox de franchir le premier la lourde porte déverrouillée quelques instants plus tôt. L'épouvantail fila, non sans relever une robe imaginaire en franchissant l’encablure. L'odeur d'huile était omniprésente, supplantait presque celle du cuivre propre au sang, et de l'urine des couards. Une voix timide raisonna sur les parois métalliques durant leur progression à travers les entrailles labyrinthique de la bête vrombissant et immédiatement, une main sur la crosse de son revolver, le blondinet pivota en direction du bruit pour y découvrir ce qui semblait être l'amant aux joues rondelettes de la timonière tant une certaine tension sexuelle existait entre les deux. Durant l'espace d'un instant, Horace se pensa au beau milieu d'une scène mélodramatique d'un chef d’œuvre de théâtre, l'un des protagonistes réalisant que l'amour de sa vie l'avait trahi. Terriblement émouvant. La suite fut digne d'une partie de chat dans une cour d'école, la course-poursuite s'engageant sans que le pirate ne puisse piper mot.

Béliard sentait l'impatience montée en son âme, voulant larguer l'énorme ancre qu'était Cox, mais sa fonction cruciale la rendait indissociable de sa survie. Alors sans vraiment d'entrain, il poursuivit le binôme de tourtereau. La petite foulée exigea plus d'équilibre que d'endurance, si bien qu'il rattrapa les amoureux plongée dans une lutte érotique. À peine débarqué, les sourcils haussés, Béliard observa la scène avec un écœurement certain. Cox une main plaquée sur les lèvres affamée de Joseph entrain de certainement lichetrogner l'index de la belle. Erk... Visiblement, la proximité avec la mort décuplait la libido de ces deux-là. Remplis d’approximation et de fausse idée, le pirate leva les mains comme s'il était mis en joug tandis que la timonière lui sommait d'épargner son amant.

« Du calme, j'tue pas pour l'plaisir, et j't'ai sauvé la vie. J'vais pas tirer sur ton chéri. Tant qu'il m'reste une place sur la corvette, j'suis doux comme un agneau. Vous inquietez pas, vous allez la vivre vot' p't'ain d'histoire. »

Se défendit le gaillard comme il le put . Déconnecté de la réalité depuis des années, Horace s’indignait d’être ne serait ce que suspecter d'avoir la gâchette facile et aveugle. Le bougre se voyait encore comme un homme disposant d'une morale grise, faisant ce qui s'imposait à lui, constamment de manière réfléchie. La future mariée disparut à nouveau, s’engouffrant dans un couloir. Joseph ne se fit pas prier pour rejoindre l'amour de sa vie, tandis que Béliard, poings calés sur les hanches balança sa tête en arrière, râlant en direction du ciel alors simplement une plaque d'acier.

« P't'ain, fallait qu'j'tombe sur les pingouins qui glissent pas les plus loin. Morbleu... »

Jura le philosophe avant d’emboîter le pas...

Ambiance.:

Poppy, figée, la gueule chaleureuse et rassurante d'un canon plaqué sur sa nuque. L'arme tenue par une main en rien tremblante. Le vieux avait de la bouteille. Et désormais les clés. Joseph, complètement perdu entrain de chouiner ou de marmonner on ne savait quoi, certainement un "Mon amour, ne meurt pas, sans toi je ne serais rien. Mes parents m'ont donné un coeur mais c'est toi qui 'la fait battre". Niais à souhait. Et Horace... Oh, Horace avait déjà dégainé, mettant en joug le gus qui lui-même tenait en joug Cox, transformant presque cette fuite en impasse mexicaine. Tension à son paroxysme, le sang affluant dans les veines avec vigueur, à part pour le dernier Dolls à qui son cœur métallique évitait cet état. Deux autres loustics logés un peu plus loin, eux aussi leurs grosses pognes sur des armes de corps-à-corps improvisées. Une situation épineuse alors qu'une goutte de transpiration perlait sur le front du blondinet, les yeux plissés, à l'instar des autres cow-boys.

Durant un court instant, seul le bruit des explosions et des hurlement étouffé troubla le silence de plomb installé. La bête de transport était secouée, mais pas suffisamment pour renverser les six occupants se disputant désormais quatre places. Nul doute qu'une grâce serait offert à l'un des membres de l'autre camp aurait songé un imbécile crédule. Sous un air d'harmonica imaginaire, Horace, la prise ferme sur la crosse de son revolver, le doigt sur la détente et le chien relevée, fit entendre sa voix.

« Écoute, si tu lui fais sauter la caboche, la tienne ira s'mélanger avec. J'ai b'soin d'la future mariée pour mettre en route l'engin, et pas celui d'monsieur -pointant du pouce Joseph-. J'propose à tes copains et toi le luxe d'réfléchir à une issue pour s'tirer d'la alors qu'les deux amoureux et moi on prend gentiment la corvette. L'autre solution, j'aère vot' cage thoracique avec du plomb. »

Un pro de la négociation. Le chef d'équipe n'était pas homme à se faire impressionner. Dans un calme olympien à en faire douter de sa nature humaine au point de le suspecter d'être une statue, l’intéressée rétorqua.

« Je te propose d’emprunter une tout autre corvette, pirate. Toi, et avec les traîtres, tu as gagné le droit à un voyage à bord du damnation express, direction l'un des enfers spécialement réservé à ceux de ton espèce. C'est bon, tu visualises la chose ? Alors, Pirate, dans quel enfer vas tu sombrer ?
-Dans l'enfer-me ta gueule. »


Un tir retentit, ponctuant l’ultime insulte de ses négociations rondement mené par deux experts du compromis. Hélas, le tir manqua sa destination, ricochant sur l'un des nombreux tuyaux traversant le couloir du vaisseau. Horace, s'il survivait, avec déjà en sa possession toute une palette d'excuse : un tremblement du navire, Poppy qui ne faisait que de remuer, Joseph qui le dérangeait, la lumière d'une alarme dans ses yeux. Que des classiques. Toutefois, même si son tir manqua, il eut une tout autre conséquence. L'espace confiné décupla le bruit de détonation en point dans venir si assourdissant que le pirate dut plaquer ses mains sur ses tempes, rapidement imitées par tous les occupants. L'effet d'une grenade assourdissant se fit sentir, dérangeant suffisamment l'équilibre de la troupe pour les envoyer au sol sans douceur, comme quiconque défiant un expert en lutte. Horace, le plus proche en fut le plus altéré, le « Tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii » résonnant dans sa caboche comme témoin. Au sol, une envie de régurgiter sur le plancher, le dernier Dolls aperçut des silhouettes déjà debout entrain de se ruer dans la direction du trio. Loin d’être sous les meilleurs auspices, le combat pour la corvette débutait.