Light
Dark
Bas/Haut

Première Brume, dernier voyage (ft Violette)

Première Brume, dernier voyage (ft Violette) Brandw10
Dim 27 Aoû - 0:55

Première brume, dernier voyage

ft Violette


« — FLASHBACK : Expédition à provenance d'Epistopoli. »MUSIQUE :


J’ai besoin de partir. C’est la seule manière pour moi de survivre et d'espérer, que même aujourd’hui, même de là où tu es, tu serais fier de ma détermination. De ma volonté de persister.
Je sais que tu aurais voulu que je poursuive ce que tu as commencé. Que j'honore ton héritage.
Mais je ne suis pas toi, et je ne le serais jamais.

Fier. Même aujourd’hui, je tiens à ce que tu sois fier. Et ça me rend malade de constater que je suis encore capable de penser à toi avec tendresse, même après toutes ces promesses brisées. Tu nous avais promis un avenir meilleur. Et tu m’as abandonné. Dans cette même crasse, dans cette même misère ; tu es mort dans le même lit que ma mère.

Qu’importe. Ça n’a plus d’importance désormais. Plus rien n’en a. Pas ton héritage, pas même le travail que nous avons accompli. Tout ça sera oublié, en même temps que ton nom. Tu seras oublié, puisque tu n’étais rien de plus qu'un début bruyant et une fin brutale.

Tu m’as toujours dit de ne jamais me sentir coupable devant la mort. Que parfois, le monde demandait un deuil, un sacrifice, quelque chose pour pleurer et pour se rappeler de l'importance de la vie. Alors, je trinquerai à la tienne, de mort. À ce que tu m’as laissé. Pas grand chose, franchement, avouons-le. Ton amour, peut-être. Je ne céderai pas au désespoir, même si l’avenir qui s’étend devant moi s’élève affamé et inconnu.

Et, comme je l’ai toujours fait durant nos expériences, je garderai une trace de tout cela. Pas pour toi. Pas pour une quelconque audience. Mais pour faire taire mon âme.

Dans mon souvenir, je ferai de toi rien de plus qu'un homme, visionnaire - certes -, talentueux - sûrement -, misérable - certainement.

— Lettre de Poppy à son feu père.


Cela faisait plusieurs jours, semaines peut-être que le navire d’expédition avait quitté le port pour se rendre jusqu’à la Mer de Brume. C’était le genre de mission suicide, dans lequel on s’engageait quand on n'avait plus rien à perdre. Plus personne à perdre. Quand on courait après la mort. Songeait-elle à mourir ? Non. C’était autre chose. Peut-être le simple besoin de se sentir vivre – et il n’y avait pas plus poignant que de se confronter à la mort pour apprécier la vie.

Les voiles gonflées de vent, le vaisseau avançait à toute allure à travers les flots. La mer était calme. Paisible, à cet instant. Et Poppy profitait d’un moment sur le pont, seule. Bien qu’on était jamais vraiment seul au milieu d’un équipage. Elle n’avait pas encore retenu tous les noms, n’avait d’ailleurs pas essayé, mais reconnaissait tous les visages qui l’entouraient depuis maintenant deux semaines. La mécanicienne se concentrait à la tâche, jour et nuit, trimait sans relâche, comme pour oublier. Oublier tout ce qui l’entourait et tout ce qu’elle était. Elle avait toujours été dure au mal. Et semblait aimer s’en infliger car ses doigts brûlent de cloques immenses, et ses membres - douloureux des positions qu’elle adopte des heures durant - craquent de partout, éreintés par l’enchaînement des heures supplémentaires.

Mais ce soir-là, Poppy s’accorde une pause. Elle laisse ses pensées l’envahir et la posséder.
Ce n’est seulement que lorsqu'une sonnerie stridente retentit, qu’elle semble voir ce qui se tient devant elle, plus près que jamais. Elle n’aurait pas dû être surprise, après tout, c’était ce qu’ils étaient venus chercher ?

Et pourtant, la blonde reste interdite devant l’immense mur de brume qui s’élève juste devant eux, plus proche que jamais. On l’annonce, très vite. Puisque dans quelques minutes, le vaisseau le pénétrerait. Et qu’à ce moment-là, tout le monde devrait se tenir prêt. Autour d’elle, on s’agite de partout sur le pont. Ceux qui l’ont déjà visité semblent plus détendus. Après tout, ils peuvent l’être, ils en sont déjà revenus ?

Poppy, elle, retient sa respiration.
Elle avait entendu de nombreuses histoires sur ces expéditions ; on disait que certains se jetaient à la mer volontairement plutôt que d’affronter la brume, laissant dans leur sillage une étrange traînée de fumée et de cendres…

« Approche imminente… Préparez-vous. » Une voix retentit.

Une seconde avant que le navire ne s’enfonce véritablement dans la brume épaisse, Poppy dénoue son bandeau de ses cheveux, pour le renouer autour de son visage, couvrant sa bouche et son nez. Par précaution. Sur le pont, on allume quelques lampes à huile, comme si, la lueur qu’elles dispersaient pouvait se frayer un chemin à travers le brouillard. La blonde suppose qu’elles sont là pour réchauffer les cœurs, plus que pour réellement illuminer le pont.

Et tout à coup, le silence. Lourd. Pesant. Alors que la Brume se répand comme une fièvre vicieuse.

« Nous ne devrions plus être très loin des terres. »
Mar 29 Aoû - 6:45

Préparation

Ft. Poppy


Face à la brume, chacun avait sa petite réaction. Le fatalisme face à une punition divine, la peur et l’effroi ou encore le désir et l’ambition.

Espitopoli était de ces Etats qui voyaient en la brume non pas une menace insoluble mais bien au contraire une fantastique opportunité. N’attachant de toute manière que peu de valeur aux innombrables vies sacrifiées pour obtenir les ressources que ce brouillard si mystérieux pouvait offrir.

Ces vies étaient celles des mercenaires, peu cher à former contrairement aux soldats de métier et aux agents d’élite. Leur perte ne pouvait même pas être qualifiée de véritable préjudice puisqu’ils n’étaient pas en tant que tel des agents et des membres de l’Etat.

Cette vie de sacrifice potentielle, était celle de Violette. Il fallait dire que comme bien des mercenaires, elle n’avait pas eu vraiment le choix vis à vis de sa carrière. Enfant des bidonvilles Xandrien pour lesquels l’avenir à cause du népotisme était encore plus sombre que celui des pouilleux de la cité du savoir. Il n’existait pas vraiment d’autre moyen pour eu d’obtenir suffisamment d’argent pour financer et nourrir leurs familles si ce n’était en sombrant dans ce monde tout aussi dangereux mais en plus malfaisant qu’était celui du crime.

Elle avait besoin d’argent. Beaucoup d’argent. Les primes des Mercenaires plus encore quand il s’agissait de mission dans la brume lui permettait de l’obtenir. Ainsi par devoir plus que par volonté et passion, depuis ses 12 ans elle avait pris l’épée pour sa famille en lieu et place de feu son père mort lui-même lors d’une expédition de la brume commandité par le Roi de Xandrie.

Avec le temps, l’enfant était devenu adulte. Il s'était endurci. Par fatalisme plus qu’autre chose il avait accepté sa propre situation et son existence précaire menacée perpétuellement par la lame de Damoclès. C’était sa vie. Elle était triste. Mais c’était comme ça, elle n’y pouvait rien.

De ses 12 ans d’expérience en tant que mercenaire, 8 ans en ce qui concernait les expéditions dans la brume, au-delà de ses connaissances au combat et de la brume où elle fut formée à la dure par ses camarades et les patrouilleurs de la guilde des aventuriers, elle tissa des liens. Le monde des mercenaires était un petit monde où l’on se connaissait si l’on survivait aux premières missions. Encore plus quand on parlait des mercenaires capables de survivre à plusieurs expéditions dans la brume.

Ce n’était ainsi pas étonnant de savoir qu’elle fut elle-même contactée par les autorités d’Epistopoli en charge des expéditions pour participer à une mission de reconnaissance pour préparer le terrain pour la véritable expédition.

Connaissant la majorité des visages du téméraire équipage, elle fut accueillie sur le navire pour des retrouvailles plus que pour découvrir de nouveaux individus. Il y avait bien quelques têtes qu’elle ne connaissait pas, trois ou quatre tout au plus, mais c’était tout. Elle leur portait toutefois une attention renforcée. Dans une expédition dans la brume, le manque d’expérience pouvait être mortel, aussi puissant qu’ils étaient, découvrir la brume la première fois restait toujours une expérience difficile et mémorable si on parvenait à revenir. Car il y aurait des morts, c’était évident. Avant même de quitter le port, Violette avait déjà fait une croix que la vie de nombre de ses camarades. Mieux valait l’accepter maintenant que d’être surpris sur le coup dans quelques jours.

Lors de la première partie du voyage où le navire se contentait de longer les côtes d’Aramila et d’Opale, chacun s’occupait à sa manière. Certains s’isolaient pour se concentrer ou canaliser leurs peurs en silence. D'autres, comme Violette, semblaient plus calmes et sereins, tout du moins en surface car personne et encore moins ceux qui avaient survécu à la brume ne prenaient à la légère le péril imminent et inéluctable qui allait les frapper.

Parfois le rire et la discussion étaient de meilleurs médicaments que le pessimisme et l’appréhension.

Finalement après quelques jours, le mur de brume faisait face à l’équipage, chacun y réagissant à sa manière. Alors que finalement un des mercenaires annonçait l’approche, passant un instant sa main sur la garde de sa rapière et de ses deux dagues, Violette avança sur le pont avant de frapper dans ses mains pour attirer l’attention de toutes les personnes présentes.

Elle n’était pas à proprement parler la cheffe de l’expédition, bien au contraire. Mais en l’absence de patrouilleur de la guilde dont l’autorité était absolue en matière de brume, ses 8 ans d’expérience dans la brume en faisaient un des vétérans les plus accomplis. Pour cause, on y vivait pas très vieux, surtout lorsque l’on était un simple humain, alors 8 ans de brume sans pouvoir ou artifice c’était sa manière signe de beaucoup de chance et d’un certain talent. Suffisamment pour être de fait un cadre du groupe qui avait son mot à dire. Surtout que si lors de sa prime jeunesse, la demoiselle avait eu un comportement assez effacé et docile, elle s’était affirmée avec le temps face à la rudesse de sa vie pour avoir un tempérament de chef plus que de subordonné aujourd’hui.

J’rappelle pour ceux qui auraient oublié l’objectif de la mission. On doit cartographier une zone et étudier la faisabilité de la prochaine grande expédition massive des radins d’Epis’. Comme dab, on aura aucune aide de la part de ses enculés et ce sera uniquement au talent avec l’huile de coude qu’on va survivre.

La mission se divise en trois temps. Déjà, on va remonter avec le navire le fleuve du Lavill, ensuite on doit constater l’état du lac de Dain et de ses côtes. Si possible bien que ce soit facultatif si trop suicidaire, on va devoir poser pied à terre dans l’ancienne cité d’Anderbelt pour savoir ce qu’il en est.

Vous ressentez la température, plus on va monter plus il va faire froid. Si vous tombez dans l’eau, vous êtes morts et même à terre notre temps de survie en dehors de refuge comme la navire ou des habitations abandonnées reste limité. Attention également aux farces de la brume comme les distorsions spatiales et temporelles.

Niveau ennemi, on peut tomber sur tout et n’importe quoi. Prudence exigée en permanence. Éviter de mettre longtemps la tête au-dessus de l’eau au cas où un truc décide de sauter. Il y a toutefois deux dangers dont il faut faire très gaffe. Le fleuve passe par la forêt de Dainsbourg, problème une saloperie de Warg rode dedans. Il est trop fort pour nous, s’il nous trouve on est mort. Donc faut être discret. En plus de cela, il y a la menace des gobelins qui vont probablement à un moment ou un autre venir nous casser les couilles. Sont agressifs ces petites merdes.

J’rappelle donc les consignes de sécurité. Quand on pose le pied-à-terre, interdiction pour toute raison de séparer. De même et y compris sur le navire, tout le monde fonctionne en binôme. Vous devez être 24h sur 24 à moins de trois mètres de votre partenaire.


Alors que tout le monde commençait à se mettre par deux, Violette resta un instant silencieuse avant de voir qu’une de ses nouvelles têtes restait dans son coin. La future protebrume se dirigea alors vers Poppy.

T’as l’air toute seule. On va se mettre ensemble si ça te dérange pas.

Mieux valait aider les nouveaux. c’était grâce à ça qu’elle-même était encore en vie. Elle devait beaucoup à Ryker sur ce sujet. Alors autant rendre la pareille à son tour comme elle l'avait reçu.

Scrutant un instant Poppy dont le visage était alors en partie cachée derrière un bandeau, la future portebrume s’y arrêta quelques secondes, essayant de comprendre.

T’sais. La brume peut transformer un humain en araignée d’un claquement de doigts. C’est pas du tissu qui va l'empêcher de te baiser si elle en a envie. À part te faire chier pour respirer, ça t’apportera rien.

Mer 30 Aoû - 13:43

Première brume, dernier voyage

ft Violette


Poppy était attentive. On la croyait toujours attentive, parce qu’elle était silencieuse et qu’elle avait l'œil vif, mais cette fois plus que les autres, elle écoutait : vraiment. Dans la basse-ville d’Epistolopi, on risquait sa peau à peu près tous les mardis, mais ici, c’était autre chose encore. Et bien qu’elle prenait soin de toujours afficher cette fichue torpeur inexpressive, nonchalante, ça aurait été mentir de dire qu’elle n’avait pas peur de la mort. C’était un masque qui était redoutablement profitable pour tenir les troufions des bas-fonds éloignés, mais la Brume, elle – ou même les Worgs dont la demoiselle parlait – c’était aussi efficace que de pisser dans un violon.

Elle avait opiné légèrement du menton une première fois, à la fin des instructions, puis, une seconde fois, lorsque la jeune femme s’était approché pour faire équipe. Une vague de gratitude l’avait traversé, avant d’être aussitôt remplacée par un sentiment un peu désagréable : celui de se sentir plus idiote que les autres. Sans un mot, elle avait dénoué son bandana pour le ranger dans la poche de son pantalon.

« C’est pas ta première fois, alors, si je comprends bien. » Sa voix semblait s'étouffer dans l’air, si bien qu’elle se demanda si sa nouvelle partenaire l’avait entendue. Elle coule un regard à la fille, qui doit avoir à peu près le même âge qu’elle, voire quelques années en moins. Il fallait l’admettre, elle était un peu impressionnée devant tant d’assurance, d’autant plus qu’il semblait que la demoiselle n’avait aucune espèce de complaisance envers elle-même. « Tu t’es pas encore fait choper par la Brume toi ? » questionne-t-elle, et quelque part, cette idée la rassure. Poppy sait les risques qu’elle prend, et doit probablement être l’une des rares volontaires de cette expédition.

Le navire s’était approché au plus de la côte, et on avait jeté des barques à l’eau, et Violette et Poppy avait embarqué sur la première. On avançait dans un silence de mort, et la brise épaisse se posait sur les vêtements comme une morsure pleine de promesses. La blonde garde la mâchoire serrée et appréhende, se mordant la lèvre presque jusqu’au sang.

Sur le navire, elle est mécanicienne, et sait toujours quoi faire, pourquoi le faire. Elle comprend les mécanismes et les rouages emportent avec eux sa tension. Mais désormais, alors qu’ils posent un pied-à-terre – sur cette terre qu’elle n’a jamais rencontrée – elle n’est plus personne. De la simple chair à canon et ça lui fait froid dans le dos. C’était une angoisse inconnue qui lui compressait l’estomac, et si on savait probablement le lire sur le froncement de ses sourcils, la blonde n’en pipait pas mot.

Dans son sac à dos se trouvait papier, règles, compas et couleurs : le parfait matériel du petit cartographe. Chaque groupe en avait un, et il semblait que dans leur groupe, les rôles étaient déjà défini : Violette ouvrait la marche, guidait, et Poppy elle, notait les chemins qu’elles empruntaient, L’odeur de pétrichor et de l’humidité monte à la tête. Il reste, sous leur pas, le souvenir des chemins autrefois utilisés, mais la nature a repris le dessus depuis bien longtemps, si bien qu’il leur faut dégager la végétation épaisse et touffue de la jungle à grands coups de machette. Et quand on se retourne, l’instant suivant, il semble que le chemin se referme de lui-même, comme pour leur rappeler qu’elles sont ici des étrangères, et que c’est la nature qui impose sa volonté en ces lieux.

La blonde talonne Violette, sans trop oser parler. Lorsqu’elle le fait, c’est dans un murmure, inquiète de déranger ce qui rôdent, peut-être, autour d’elles.

« Le lac devrait se trouver à 4 lieues de là où nous nous trouvons, si on en croit les informations que l’on nous a donner. J’ai bien peur que nous ne parvenions pas à l’atteindre avant le coucher du soleil. » Le navire d’expédition avait remonté le fleuve autant qu’il le pouvait, mais il fallait continuer à pied. Et la progression ne s’annonçait pas réellement comme une partie de plaisir ; le sol commençait à revenir marécageux, et Poppy devait tirer sur ses bottes qui s’enfonçaient désormais dans la terre. « Nous devrions nous éloigner du bord du fleuve, » suggère-t-elle, « à ce rythme-là, nous allons finir par nous épuiser. Il nous faut trouver un endroit suffisamment au sec, où nous pourrons planter les tentes pour la nuit. » Et tout en le disant, on la voit, rédiger des petites notes sur son carnet, qu’elle retranscrirai très bientôt sur les cartes.

C’était ainsi qu’avait commencé l’histoire, et qu’une espèce d’entente singulière s’était installée : titubante, un peu, car elles n’avaient pas d’autres choix que de se faire confiance, bien qu’elles ne connaissaient rien, ni de l’une, ni de l’autre. Poppy n’était pas du genre à faire la conversation, à essayer d’apprendre à connaître les autres, ni à tenter de se faire des amis. Mais il y avait quelque chose d’un peu magique qui accompagnait les épreuves difficiles : on n’avait pas vraiment d’autres choix que d’abandonner la carapace blindée que le monde s'efforçait de nous faire porter. Bref, c’était le genre de chose qui vous obligeait à vous dérider. « J’m’appelle Poppy Cox au fait. Et toi ? Histoire que je sache à qui je devrais offrir mes condoléances, si quelque chose devait arriver. » Ce n’était pas vraiment une blague, ni du chi-chi. Plutôt une constatation très sérieuse, bien qu’elle avait l’arrogance de croire qu’elle reviendrait peut-être de cette expédition si quelque chose devait mal se passer. « De la famille ? Un mari peut-être ? »

Elle avançait, et pendant qu’elle parlait, Poppy continuait d’observer les alentours. Ce n’est que lorsque la boue passa le haut de sa botte pour venir lui mordre le genou, qu’elle s’interrompit. « Merde… » murmure-t-elle en tirant sur sa jambe une première fois, sans succès. Elle tire une seconde fois, et il lui semble que la terre se resserre sur elle, l’emprisonnant fermement, pour devenir presque aussi dure que du béton. « Et merde ! » répète-t-elle, et la situation qui lui avait simplement apparu comme agaçante une seconde plus tôt, se transforme en quelque chose de très sérieux. On la voit retirer son sac à dos, et le jeter aux pieds de Violette, qui se tient quelques mètres plus loin. Poppy pose ses mains à plat sur le sable, et remue sa jambe, avec autant de vigueur qu’elle le peut.

« Des sables mouvants. T’approches pas. » Elle en avait déjà entendu parler dans des livres, lu sur comment s’en extirper, si vous aviez le malheur de vous retrouver piégé. Mais entre la théorie et la pratique, il y a un monde. Et plus elle tire, plus il lui semble qu’elle s’enfonce. « Fais chier… » et une salive chargée de sang lui humecte les lèvres comme une espèce d’invasion, de trahison nauséeuse de son propre corps. Une boule de peur se forme dans le creux de son estomac. Il fallait qu’elle se calme, autrement, les sables l’emporteraient.
Jeu 31 Aoû - 15:19

Un perfide péril

Ft. Poppy


S’approchant d’un air faussement détendu en s’étirant doucement les épaules, la mercenaire souriait légèrement aux premières questions de la mécanicienne.

Effectivement, c’est pas la première fois. J’ai l’habitude faut dire. J’fais partie des survivants chanceux on va dire.

Sous les ordres de Xandrie ou de ceux qui payaient bien, elle en avait connu des galères surtout dans la brume. Entre les trahisons, les désertions, les conflits, les monstres, le terrain,... Le nombre de dangers auxquels on pouvait être confronté dans la brume était considérable au point qu’il soit impossible de pouvoir en faire une véritable liste.

J’me suis pas encore fait choper ouais. Mais bon, quand on fait ce genre de métier c’est qu’une question de temps. Ca arrivera un jour ou l’autre. C’est soit ça, soit on fait pas vieux os de toute manière. Autant l’accepter qu’en avoir peur, trembler à cette idée, ça va juste te faire crever plus rapidement, car tu vas douter et hésiter dans les moments stratégiques.

Pouvait-elle démissionner ? Non à cause de sa situation personnelle. Alors à quoi perdre son temps et son énergie à trembler par peur d’être frappé par quelque chose d’inéluctable ? D’autant que même si elle faisait ce métier à cause de ses besoins d’argent, elle était ici en connaissance de cause, on ne vivait pas très vieux en tant que mercenaire de la brume. Le fait qu’elle puisse être considérée comme vétéran pour seulement 8 ans de carrière à moins de 30 ans n’était pas quelque chose d’anodin. La plupart des gens ne survivaient pas autant d'années.

Alors que le navire s’approchait de la rive pour permettre au groupe de poser pied à terre, la xandrienne en profitait pour effectuer ses derniers préparatifs, sac de survie, vêtement chaud. Le chemin serait rude tout autant à cause de la forêt que du climat froid. Il fallait avoir de quoi tenir.

La première partie de la marche se passait relativement bien, Violette en éclaireuse ne relevant que peu de danger. Il y avait bien des traces de passage de monstruosités en tout genre, que ce soit de la part de mort-vivant ayant le pas lourd ou encore de meute de cerf broyeur et de warg, mais de toute évidence, le passage n’était pas récent. Tant mieux, tomber sur une meute en l’état actuel des choses était catastrophique. Les monstres étaient plus forts, plus nombreux et plus rapidement que les humains. Sans armes avec une capacité de zone, les chances de survie étaient proche de 0.

Durant cette partie du voyage, à la manière de Poppy Violette n’était pas particulièrement loquace bien que ce ne soit pas pour les mêmes raisons. A l’inverse de la mécanicienne qui était une personne de toute évidence assez solitaire et peu intéressé aux activités de sociabilité, ce qui c’était déja vu sur le navire, la xandrienne de son côté était une personne sociable et ouverte sur les autres. Parlant et se connectant assez facilement avec autrui pour peu que l’on accepte sa manière directe de s’exprimer. Néanmoins ce genre d’expédition n’était pas fait pour apprendre à se connaître. Trop parler c’était détourner son attention de l’environnement. Trop parler, encore plus dans la brume, c’était presque le risque de s’attacher à des gens qui allaient probablement mourir sous peu. Il était préférable pour tout le monde de rester dans une relation pragmatique et purement professionnelle.

Finalement, ce ne fut que lorsque Poppy évoqua la distance qu’il restait à parcourir et la nécessité de trouver un lieu pour pouvoir dormir et se reposer que Violette reprit la parole.

Ouais. De mémoire, normalement sur les anciennes cartes de l’époque, il doit y avoir pas loin d’ici une notation sur une ancienne place où vivaient les bûcherons pendant la saison chaude. Dit moi où faut aller. On mettra les tentes dans les ruines de ce qu’il reste. On peut pas dormir dehors, à cause du froid faudrait allumer un feu. Et ça va attirer ces fils de pute de gobelin ou des meutes de saloperies.

Une petite discussion qui en amena une autre quand l’epistote décida de se présenter avant de poser quelques questions de commodité à la xandrienne.

Tout en continuant d’avancer, celle ci répondait aux questions.

Tu peux m’appeler Violette. J’suis Xandrienne difficile de pas avoir de famille, j’dois avoir au moins une cinquantaine de cousins.

Epistopoli et Xandrie étaient des cités à l’organisation sociale opposée. Là où la cité du savoir était un pays acquis au libéralisme et à sa perception individualiste de la société favorisant l’émergence d'individus seuls, sans famille, sans groupe. Xandrie de son côté était tout l’inverse. Le pays de la société à l’ancienne, le pays du corporatisme et des clans. Même les pauvres étaient rarement des marginaux liés à personne. La plupart des gens étaient dans une grande famille élargie, un clan ou une guilde au minimum.

M’enfin. Nan, pas d’homme pas d’gosse. Mon père est mort en faisant ce métier. J’m’en voudrais de faire subir sciemment à celui que j’aime ce que j’ai moi même vécu y a des années.

Triste histoire, le début de bien des galères autant sur le plan émotionnel que financier. Le ton sur ces dernières phrases avait d’ailleurs été un peu plus lourd, signe que cela la touchait encore aujourd’hui. Presque 12 ans après.

Elle n’eut pas vraiment le temps de rajouter quoi que ce soit que soudainement Poppy s'arrêta dans sa course, piégé dans des sables mouvants. Typique. C’était justement pour pas tomber dans des pièges comme ça qu’il fallait éviter de trop parler.

Stoppant immédiatement sa course par réflexe tout en ordonnant d’un geste du bras à tout les mercenaires d’en faire de même, Violette se tourna vers Poppy qui lui indiquait sa situation.

Des sables, j’vois ça ouais.

Laissant une seconde de silence, la mercenaire réfléchissait à comment tirer la demoiselle de là. Elle ne paraissait pas totalement prise de dépourvu. Pour cause, Xandrie était bien plus marécageuse, humide et sujet à ce genre de problème que Dainsbourg. Nous n’étions pas face à un problème qu’elle ne connaissait pas.

Calme toi. Respire lentement. Évite de bouger et de remuer. T’inquiètes pas tout ira bien. Plus tu bouges pour rien, plus tu vas t’enfoncer.

Arrachant une branche à la lame sur un arbre environnant, Violette avançait vers un tronc qui semblait solide tout en se servant du bâton pour tester le niveau de liquéfaction des sols devant elle. Une fois arrivée à niveau, elle sortait une corde de son sac avant de l’enrouler autour du tronc et de l’attaquer solidement à l’arbre. Jetant l’autre bout de la corde à Poppy, elle donnait ensuite ses instructions.

Attrape la corde et enroule-la solidement autour de ton poignet puis agrippe toi bien avec tes deux mains. Une fois que c’est fait, allonge toi doucement à plat ventre sur le sable pour étaler ton poids. On va tirer.

Dans le même temps, un autre des mercenaires s'approchait avant de s’agenouiller pour prendre du doigt un fragment de ce sol piégeux.

C’est pas naturel ça. Le changement d’état du sol entre la forêt et ça est trop net.

C’est volontaire ?

Et récent. Modifier les propriétés géologiques d’un sol ne peut être que temporaire. Quelque chose a foutu ça sur notre route volontairement. Subtil, discret, capacité complexe, piège qui demande une certaine intelligence. J’vois qu’une seule chose qui peut faire ça.

Un Errant.

Un ancien portebrume dévoré de l’intérieur par sa nébula au point de devenir l’instrument de destruction de la brume.

Violette fronçait les sourcils. Si effectivement un Errant jouait avec eux, ça compliquait les choses. Au moins l’avantage des monstres classiques c’est qu’ils étaient directs et spontanés. Un Errant pouvait te pister pendant des jours juste pour frapper au moment où tu t’y attendrais le moins. De plus, celui-ci de toute évidence avait des pouvoirs vicieux qui le rendait encore plus dangereux.

Il va falloir rapidement rejoindre la zone des bûcherons pour établir une contre stratégie. Mais déja, sortir l’autre de ses sables.

T’es prête ? On va tirer.

[/quote]
Sam 2 Sep - 14:55

Première brume, dernier voyage

ft Violette



Calme-toi. Respire lentement. Évite de bouger… Et pourtant, à cet instant, tout en elle hurle de faire exactement l’opposé. Au prix d’un effort considérable sur sa propre volonté, elle finit par répondre aux recommandations de Violette. « Quel enfer... » jure-t-elle, en se tenant parfaitement immobile. Quand la corde parvient jusqu’à elle, elle s’exécute, sans attendre. Poppy enroule la corde autour de son poignet, et elle s’y accroche. L’urgence palpite dans ses muscles, quand elle sent la prise des sables se refermer davantage sur elle.

Pourtant, elle ne se plaignait pas. Violette semblait très sûre d’elle, et, en un rien de temps, elle se retrouva, tractée par le reste de l’équipe en dehors des sables. « Merci… » murmura-t-elle, massant doucement la trace rouge laissée par la corde sur ses poignets. On la vit tendre l’oreille, quand l’un de leurs équipiers évoqua la possible présence d’un Errant. Le genre d’abomination qu’elle n’avait encore jamais rencontré : puisque de sa vie, elle avait probablement plus fréquenté de machines qu’autre chose.

« Un Errant ? Vous en avez déjà rencontré ? » La vigilance de la mécanicienne s’accentua, bien que quelque chose lui disait que la menace était plus subtile que cela. Qu’il ne suffisait pas de plisser des yeux et de tendre l’oreille pour le découvrir, caché derrière un talus. Elle finit par se relever, un peu difficilement, ses vêtements mouillés et enduits de boue, qu’elle fait mine d’ignorer.

« Dans ce cas, ne nous attardons pas. » Elle leva la tête vers le ciel, puis, retrouve son sac et sa carte. « Le campement devrait se trouver dans cette direction, » annonce-t-elle en pointant du doigt vers l’ouest. « Et nous devrions nous trouver présentement… » son doigt glisse lentement sur les reliefs de la carte, « ici. Il nous faudra marcher une petite heure. »

Devant eux se dresse encore le souvenir d’un chemin forestier. L’un des éclaireurs qui s’était déjà avancé se retourna vers le groupe : « La voix est libre. Nous pouvons avancer. » Et le groupe reprit sa course, s’éloignant du fleuve pour remonter la forêt. Ils traversaient à l’ombre des sapins touffus et immenses, qui laissaient tomber des aiguilles dans leurs bottes. Plusieurs fois, des membres de l’équipe s'arrêtèrent pour vider leurs chaussures. La mécanicienne se courbait pour éviter les branches, suivant avec attention leur progression sur la carte. Pas un mot ne fut prononcé. La discrétion et la concentration ne permettaient aucun écart, et il lui avait fallu tomber dans ses foutus sables pour le comprendre. Un désagréable instinct angoissant la fit frissonner : le danger n’était probablement pas loin et contre toute logique, elle s’imaginait épiée en permanence.

Quand ils arrivèrent finalement à l’ancien campement, la sueur perlait sur les fronts : on était aussi nerveux qu’épuisés. Le soleil annonçait la fin de la journée, et la température se rafraîchissait plus rapidement qu’espéré.

Plus tard dans la soirée, alors que les tentes avaient été montées, Poppy s’était dirigée jusqu’au petit ruisseau pour se laver, et en profiter pour changer ses vêtements. Au centre du camp, le murmure des discussions autour du feu s’élevait doucement, on parlait aussi bas que possible. L’ambiance était feutrée, méfiante : puisqu’on savait que ce moment de paix retrouvée pouvait changer d’un moment à l’autre. Ses vêtements séchent sur une branche haute, et la blonde avait revêtu son change pour la soirée, jetant une laine par-dessus ses épaules. Elle les observait de loin, sans vraiment se trouver l’envie de les rejoindre. Peut-être aurait-elle dû. Peut-être aurait-elle dû profiter de ce moment pour profiter des histoires et de l’enseignement de chacun. Mais on ne chassait pas aussi facilement les habitudes et la sienne était de se tenir aussi loin que possible des effervescences sociales.

Le nez plongé sur les notes qu’elle avait pu récolter durant la journée, elle reproduisait chacun des chemins parcourus sur la carte, corrigeait les erreurs et ajoutait chacune de ses découvertes. Il avait fallu qu’un craquement, dans son dos, la sorte de sa concentration. Elle s’était retournée, curieuse :

« Il y a quelqu’un ? »
Mer 6 Sep - 21:41

Un perfide péril

Ft. Poppy


Alors que l’epistote disait merci, Violette répondait rapidement tandis que son regard partait tout de suite ailleurs pour surveiller l’environnement.

T’inquiètes. C’est naturel.

C’était chiant ce genre de chose. Mais bon, c’était la vie. Ce genre d’embrouille classique sur le plan naturel était une des choses les plus appréciables qui pouvaient t’arriver dans ce monde de brume. Il y avait dans ce genre d’endroit des dangers que même les patrouilleurs les plus expérimentés ne pouvaient pas, ne serait-ce qu'imaginer.

Si elle commençait à s’énerver juste pour ça, le groupe n’était pas sorti de l’auberge.

Une fois libre, Poppy évoquait rapidement l’Errant, si quelque l’avait déja affronté.

Nan, jamais. Un mec normal ne peut pas vraiment survivre face à ça sauf chance. On se base surtout sur les dires des patrouilleurs. Ils ont tous des pouvoirs en général, donc ils peuvent se défendre.

Affronter un monstre fait de griffes et de crocs d’accord. C’était difficile mais théoriquement faisable. Affronter à la seule force de sa lame et de ses muscles, une entité capable de créer des déluges de feu ou de glace, c’était une tout autre histoire. Pour peu que l’Errant dispose de capacités offensives, c’était terminé pour tout le monde. Heureusement, cela ne semblait pas le cas. Sinon l’ennemi aurait opté pour une stratégie plus agressive. L’utilisation subtile et la complexité du piège au niveau pratique soulignait qu’il s’agissait d’un pouvoir complexe et donc difficile à manœuvrer. Mais la difficulté d’utilisation d’un pouvoir était souvent compensée par l’étendue de ses applications potentielles.

Le groupe continuait ensuite son avancée avec plus de prudence et d’attention qu’auparavant sous la menace d’une force invisible qui pouvait surgir à tout moment. Heureusement finalement, tout le monde était arrivé jusqu’au camp des bûcherons et chacun pouvait désormais se reposer. Alors que tout le monde mangeait, Violette avait remarqué que Poppy s’était isolée, allant la rejoindre alors que cette dernière étudiait ses cartes.

Repérée par le bruit, elle levait les mains en l’air.

C’est moi c’est moi.

S’approchant.

T’es pas trop du genre sociable nan ? C’est pas une critique hein ? C’est juste un tempérament. Faut juste gaffe à pas trop t’isoler. J’sais pas si t’es trop allé dans la nature. Mais quand des loups chassent un troupeau, ils visent toujours trois types de personnes, les malades, les gosses et ceux tout seul. Surtout qu’on est tous les deux du mauvais sexe pour avoir développé des gros biscoto sur des bras plein de testo’.

Violette s'arrêta.

Dans tous les cas respect. T’es plutôt calme pour une première visite dans la brume. La première fois j’me suis chié dessus perso. Littéralement.

Son regard restait toujours vigilant. Ici, on était plus au moins camouflé. Mais dans les zones anciennement habitées, il y avait un autre risque que les simples monstres, celui que les cadavres des gens qui y vivaient se lèvent.

Mer 15 Nov - 15:58

Première brume, dernier voyage

ft Violette


Elle ne l’aurait pas admis, mais une vague de reconnaissance la traversa lorsque Violette la rejoignit. Poppy aimait être seule, lorsqu’elle se trouvait dans le confort de son petit appartement, loin de toute distraction. Ici, au beau milieu de la jungle et de ses dangers, la compagnie de la mercenaire était - contre toute attente - la bienvenue. Elle releva le regard vers la jeune femme et ne put que constater sa propre imprudence. Violette était aux aguets.

« Hey Blondie, 'faut pas rester dans ton coin ! »

Des rires gras s'élevèrent du campement, tandis qu’un rictus hilare déformait d’un de leur compagnon de voyage. Le type avait une voix de camionneur, et l’élégance d’une tractopelle. Il vida sa bière d’une traite avant de tenter de se relever.

« À peine installés et déjà rond comme une bille, » nota Poppy à l’intention de sa comparse. Elle le regardait s’approcher, contemplant l’éventualité de le voir s’emmêler les talons et finir le nez dans la merde à patauger son décuvage. Il n’en fit rien, si bien que la petite blonde se trouva obligée de le gratifier d’une moue approbatrice, le genre qui voulait dire : impressionnant, je n'y aurais pas cru. Il passa un bras sur l’épaule de Violette, se reposant davantage sur elle que l’inverse. Le gars colla une bouteille de bière dans les mains de la mercenaire, avant d’en tendre une à la petite blonde.

« Vous inquiétez pas les filles, il y a des gars qui ont pris l’premier tour de garde ! Ça vous f’ra pas d’mal !
Il ne me semble pas avoir lu “pack de bières” sur la liste de l’équipement de survie, à l’embarquement, » déclara-t-elle d’une voix dans laquelle il aurait été vain de chercher la moindre émotion. Elle accepta néanmoins. « Merci. »

Ah, elle était belle la vie de chasseurs de brume. Et à la fois, elle ne parvenait pas à leur en tenir réellement rigueur : il fallait dire que quand on se savait envoyé à l'échafaud, il fallait trouver des moyens pour tenir le coup moralement, et si ça passait par quelques plaisirs personnels, qui était-elle pour se permettre d'émettre le moindre jugement ? Le type ne s’attarda pas vraiment, et après avoir gratifié Violette d’une tape amicale - bien que superflue et fort probablement non désirée - dans le dos, il s’éclipsa pour retrouver ses compagnons de beuverie.

« Violette alors ? C’est ça ? Tes parents ne t'ont pas fait une fleur. C’est dur d’avoir l’air crédible avec un nom comme ça. Enfin, j’suis pas bien placée pour parler quand j’porte le blase qu’aurait pu choisir une actrice porno. » Elle lui adressa un sourire ironique, dans lequel on pouvait déceler une espèce de complicité farouche. « Aux noms de merde, » déclara-t-elle solennellement, en levant son verre en honneur à leur rencontre.

La blonde avala une gorgée sans s’émouvoir du goût âpre de sa boisson. On ne pouvait pas dire qu’elle avait été habituée à mieux dans la basse-ville d’Epistopoli. Elle fit signe à Violette de s’installer à côté d’elle.

« Je suis ni malade, ni une gosse, et je te l’accorde, je ne ressemble pas vraiment à une montagne de testostérones. » Elle le disait avec détachement, le déclarait avec évidence, aussi bien qu'un plus un font deux. Le calcul était facile. « Mais je crois qu’on peut dire que je ne suis plus seule, n'est-ce pas ? » Elle coula un regard éloquent sur la silhouette de Violette.

« J’avais pas très envie d’écouter les Beach Boys raconter leurs conquêtes et les bobards à la gloire de chacune de leurs cicatrices. » explique-t-elle en les pointant du bout du menton. « Quant au reste, j’imagine que je dois bien jouer mon jeu, j’ai bien cru que j’allais y laisser une jambe, tout à l’heure. C’est pas glorieux pour un premier jour. J’dois l’avouer, ça me fait réévaluer ma décision. Mais c’est un peu trop tard pour faire demi-tour, pas vrai ? » Elle arborait à présent un air plus détendu, et referma son carnet sur ses genoux.

« Et toi alors ? C’est quoi l’histoire ? On t’a envoyé en expédition pour te faire les pieds, puis tu t’es dit que ce serait une bonne idée de recommencer ? On ne peut pas vraiment dire que ça paie bien cette affaire. J’pensais qu’on envoyait que les criminels condamnées, les suicidaires et ceux qu'y ont pas vraiment d'avenir chez les civilisés. » Poppy considère un instant sa camarade avec cette expression contemplative, très sérieuse, qui lui colle si bien à la tronche ; elle a un peu des airs de Mister Holmes comme ça, alors qu’elle penche légèrement la tête sur le côté. C’est mignon, mais un peu ridicule. « T’appartiens auquel de ces groupes ? Est-ce que je devrais me méfier, ou avoir de la peine pour toi ? » C'était une taquinerie, mais elle ne cherchait pas masquer sa curiosité. La blondinette la dévisageait, l'air de dire : qu'est-ce que tu fous là Violette ? Avec ta belle gueule et des cheveux soyeux, tu pourrais faire mieux.
Jeu 23 Nov - 12:32

Un perfide péril

Ft. Poppy


Mieux valait éviter d’être seul dans la brume, question de prudence et de sécurité. On ne savait jamais quand le danger pouvait frapper et quelle forme il pouvait prendre. C’était toute la dangerosité de ces lieux, l’infinité des possibilités au point même que ces dernières pouvaient défier toute logique et toute raison.

En dix ans, la xandrienne avait eu le temps d’en apercevoir des absurdités et elle savait tout de même qu’à chaque fois qu’elle mettrait les pieds ici, elle serait surprise.

Un autre des mercenaires l’avait par ailleurs suivi avant de lui poser une main sur l’épaule et de lui tendre de l’alcool. Violette regarda un instant le verre avant de le prendre et de froncer les sourcils tandis que l’homme rigolait de bonne humeur avec une arrogance qui en ces lieux suintaient l’arrogance.

Fait ce que tu veux, mais t’avises pas de te murger maintenant si tu veux pas crever. T’es grand, ta vie te concerne, t’assumeras.

Ce genre de comportement était typique des novices, de ceux qui n’avaient jamais confronté sérieusement les dangers et les monstres de la brume. En dix ans, Violette en avait vu des gens arrogants, elle en avait vu autant mourir ici dans d’atroces souffrances. La plupart des gens ici ne reviendraient pas, c’était déjà une certitude à ses yeux. C’était malheureux pour eux, mais elle se devait d’utiliser leurs vies. En ce qui concerne leurs survies, elles étaient plus entre leurs mains qu’entre les siennes. Chacun à ses affaires et les cochons seront bien gardés.

L’observant repartir en rigolant, visiblement peu soucieux de ce qu’elle venait de dire, la maraudeuse se retourna vers Poppy lorsque celle-ci commença à se moquer de son nom.

La regardant un instant, elle finit par hausser les épaules, un léger sourire sur le coin des lèvres.

J’pense pas qu’ils imaginaient quand je jouais à la poupée qui je finirais dans la brume. Enfin, pas de chance pour toi donc force.

Violette la laissa continuer dans sa dissertation. Elle avait besoin de parler visiblement sans doute pour évacuer ses émotions ou alors c’était tout simplement que de base elle aimait beaucoup trop parler sans être concise. La future portebrume restait alors silencieuse, se contentant d’un simple hochement de tête de confirmer qu’il était désormais impossible pour l’épistote de faire marche arrière, il fallait y réfléchir avant.

Elle pouvait toujours tenter de revenir seule par elle même, mais cela s’apparentait plus à un suicide qu’autre chose, encore plus pour une personne dont c’était la première expérience de la brume. Même Violette ne s’y tenterait pas volontairement. Il n’y avait bien que les patrouilleurs de la guilde des aventuriers et les gobelins pour en être capable.

Par la suite, Poppy avait l’air de vouloir savoir à qui elle avait affaire. Une criminelle ? Suicidaire ? Qu’est ce que la xandrienne pouvait bien faire dans ce genre de mission dangereuse ?

Bonne question.

Aucun. Mais méfie toi quand même. C’est pas bon de faire trop confiance aux autres en matière de survie. D’autant que je suis une maraudeuse.

Autrement dit, elle faisait partie de la guilde des maraudeurs, c'est-à-dire la plus grande des organisations de mercenaire du continent. Réputée pour sa compétence, mais également pour ses dérives, tout le monde savait que cette guilde était douteuse, profondément chaotique et proche du monde criminel. Les sales histoires liées aux maraudeurs étaient aussi nombreuses que leurs exploits.

Cela voulait aussi dire que la spécialité de Violette n’était pas l’exploration de la brume, mais le meurtre d’êtres humains ou des monstres menaçant Uhr. Il était très probable qu’elle ait du sang sur les mains.

Violette continua en haussa une nouvelle fois les épaules nonchalamment.

J’viens des bidonvilles de Xandrien. J’ai une famille à nourrir, j’ai besoin d’argent. C’est les missions qui rapportent le plus. Ça s'arrête là.

En vérité, l’histoire était plus compliquée que ça mais Violette n’avait pas envie de s’attarder sur ce genre de détail de nature à bien plus justifier ses actes que ses réponses lacunaires. Il n’y avait rien de plus insupportable pour toute personne ayant un égo que de ressentir de la pitié chez autrui. C’était si dérangeant qu’elle préférait encore passer pour un démon sans cœur plutôt que pour une personne digne d’empathie et de sympathie.

Elle posa ensuite sa bière sans la consommer avant de revenir sur Poppy.

Et toi ? J’avoue qu’il est difficile de croire qu’une personne désire se pointer dans la brume juste pour la curiosité de la chose. Mais t’as pas l’air d’être suffisamment dans la merde pour que la vie t’es forcé la main.
Mar 5 Déc - 18:58

Première brume, dernier voyage

ft Violette


Poppy la regarde avec un œil un peu moqueur — et il n'y avait là rien de mauvais. Elle opina en guise de réponse avant de prendre une nouvelle gorgée, s'amusant de cette espèce d'arrogance nonchalante que la jeune femme dégageait tandis que cette dernière lui expliquait qu'elles ne seraient pas copines.

« Noté, la maraudeuse. J'garderais mes distances. »

Se montrer méfiante, ce n'était jamais plus que son quotidien et celui des tous les gamins qui grandissaient dans la base-ville d'Epistopoli. Mais quand on se trouvait perdu au beau milieu de nulle part, entouré des créatures les plus dangereuses qu'il existait, on avait envie de faire confiance à ceux qui nous ressemblaient. Il est bientôt minuit. Ses bottes sont enfoncées dans l'herbe humide. Elle boit de la bière goût choucroute. Derrière elles, ça se piffre sans modération, sans aucune considération pour la situation dans laquelle ils se trouvent. Et malgré les mises en garde de Violette, Poppy se découvre l'envie de lui faire confiance. Elle chasse cette pensée d'une nouvelle gorgée.

« Pareil, » mentit-elle « l'argent. » La blonde se fait taiseuse, désormais. Elle non plus n'a pas envie de pitié. Encore moins lorsqu'il s'agissait de son père — ce vieux con. Et puis, qu'aurait-elle pu lui dire, franchement ? Que personne ne l'attendait chez elle ? Que personne ne s'inquiétait suffisamment de son sort pour l'empêcher de partir en mission suicidaire ? Que c'était un moyen de se distraire de sa petite vie solitaire et pathétique ? Non, elle était trop familière avec les affres de la solitude pour s'en plaindre. Son orgueil ne lui permettait pas.

« J'ai des projets, » explique-t-elle sur le même ton que Violette disait « j'ai une famille », sans vraiment s'y attarder plus longuement. Quelque chose lui dit que la maraudeuse ne posera pas plus de questions et qu'elle ne s'offusquera pas de son humeur taciturne. Ce n'était pas désagréable, d'avoir le sentiment de pouvoir faire la gueule sans qu'on ne se trouve l'envie de vous faire rayonner contre votre volonté. Elle se demande à quoi ressemble sa famille. Combien de sœurs et de frères a-t-elle, et s'ils s'entendent bien. Si ses sœurs lui volent parfois ses jolies affaires et que ça la fait enrager. Si ses frères se montrent très protecteurs quand des trous du cul la matent. Si ses parents lui ont souvent dressé l’alphabet de toutes les choses à ne pas dépasser.

« Tu fais jeune, » se contente-t-elle de remarquer. Et derrière ça, il y a l'idée qu'elle est jeune pour avoir autant de responsabilités envers les autres. C'était l'avantage d'être seule : vous ne deviez rien à personne. « Et pourtant t'as l'air sacrément vieille quand tu causes. » Conclut-elle et il fallait comprendre qu’à ses yeux, elle avait perdu cette espèce d'étincelle, ce petit truc qui fait qu'on est encore jeune. L’ombre d’un sourire étire ses lèvres. Elle se moque un peu, encore, mais très gentiment. Quelque chose lui disait que Violette avait plus l’habitude de recevoir des coups que des flatteries — alors elle lui pardonnerait probablement ses petites mesquineries.

« Mais bon, t’as l’air de pas mal t’en sortir non plus. C'est que c'que tu fais, ça doit marcher quelque part. »

La blonde la fixe, un instant. Elle pourrait l’envier, si elle n’était pas aussi terre-à-terre. Elle cale sa bière entre deux cailloux, avant de s’étirer, les bras au-dessus de la tête. Un léger courant d’air vient chatouiller son ventre découvert et Poppy frissonne. « Il commence à faire frais. J’pense que c’est le moment pour moi de… » elle lança un regard vers le campement, « trouver ma tente et dormir un peu. » Elle esquisse une petite moue de dégoût à l’idée de partager sa tente avec les gros nigauds qui composent leur groupe d’expédition. Tu ne vas pas faire ta précieuse, quand même.

La mécano se relève et tend la main à la maraudeuse, bien qu’elle n’en ait probablement pas besoin. Poppy se plaît à croire que Violette ne voit pas en elle l’un de ces mufles bêtes à manger du foin, et qu’elle n’a pas besoin de lui montrer qu’elle est forte et indépendante. Un grommellement vient l'interrompre. Il s’échappe de son ventre et elle tord ses lèvres d’embarras. « J’crève de faim, » commente-t-elle en battant légèrement des paupières. Ses yeux brillent un peu et plus elle les frotte, plus ils deviennent charbonneux. Elle n’est pas ivre, mais la faim plus l’alcool, c’était fatal. « Pas toi ? »
Mer 6 Déc - 19:27

Poti blagueur

Ft. Poppy


La xandrienne se contentait de sourire légèrement du coin des lèvres lorsque l’épistote disait qu’elle ne lui ferait pas confiance. C’était dans son intérêt après tout, un maraudeur restait un maraudeur, quand bien même il pouvait encore avoir un semblant d’éthique et des scrupules à faire ce qu’il faisait. Violette n’avait pas en soit l’intention de tuer ou de sacrifier quoi que ce soit, mais il était absolument certain que cela changerait si la question concernait sa survie. Au moins maintenant Poppy était elle au courant et ne pourrait pas la blâmer de ne pas l’avoir prévenu si les choses tournaient mal.

Par la suite, comme Poppy pouvait s’y attendre, Violette n’insistait pas sur ses convictions profondes. Elle n’était pas là pour faire un examen ou un bilan de conscience de toute manière. Et elle n’avait aucune envie de le faire. Elle passait déjà suffisamment de temps encerclée de déprimés et de gens en galère pour ne pas avoir à les attirer volontairement vers elle.

Au final, elle-même n’avait pas vraiment envie de dévoiler grand-chose de ses propres malheurs. Se contentant pour sa part d’une simple phrase pour conclure lorsque la cartographe parlait de son âge.

Ouais sans doute.

Finis la discussion, il était l’heure de se préparer pour demain et de se reposer. Il y avait encore du chemin à faire, des périls à éviter… Et un repas à aller chercher, l’epistote ayant visiblement faim. L’observant un instant, Violette finissait par sourire très légèrement du coin des lèvres.

Ca va ça va de mon côté. Je ne mange qu’une fois par jour, deux à la rigueur en cas de crise, donc mon rythme alimentaire est différent du commun des mortels.

Une habitude qui lui venait initialement du besoin d’économiser les rations lors des expéditions ou de ses moments de difficulté financière. A force, c’était devenu chez elle si naturelle qu’elle le faisait sans aucune contrainte.

Par contre, je te préviens, contrairement à ce qu’il avait dans le navire, c’est que des rations. Tu n’auras pas le ventre rempli, tu n’auras pas de sentiment de satiété, juste la dose de nutriment.

Autant la prévenir avant qu’elle soit déçue vu que c’était sa première expédition. Avec la fatigue et la douleur, la faim et la soif étaient les premières causes d’effondrement psychologique des mercenaires.

Tandis qu’elle fit quelques pas pour retourner au campement près des autres mercenaires de cette petite aventure, Violette se figea d’un seul coup, intimant d’un geste du bras à Poppy de ne plus bouger et de rester silencieuse.

Durant ce temps, la maraudeuse reniflait les alentours.

Attends cette odeur…

du gaz ?


Violette tenta alors de reculer en criant à tous les mercenaires encore présents la bas de décamper mais c’était déjà trop tard.

Le nuage de gaz venait d’atteindre le feu de camp.

Boom.

Une boule de feu recouvrait le camp dans une explosion pyrotechnique montant en boule vers le ciel brumeux. Autant dire que tous ceux qui n’étaient pas à l’écart pour diverses raisons étaient en train de mourir brûlés dans d’atroces souffrances, si bien qu’on entendait à travers le feu et la fumée leurs cris de douleur et d’agonie.

Il était alors difficile de dire combien de personnes avaient survécu d’ici.

Violette qui avait eu le temps de se jeter au sol pour éviter de finir comme ses camarades un peu trop fêtard, levait la tête le visage fermé.

Entre les râles funèbres, il était possible d’entendre quelqu’un rire en s’éloignant de la scène.

C’était le même procédé que pour tout à l’heure avec les sables-mouvants. Une modification atomique des éléments, cette fois-ci pour devenir des propriétés explosives à l’air ambiant. Encore lui, l’Errant.

Naturellement les problèmes ne s’arrêtaient pas là. Le bruit et le feu attiraient les monstres et on pouvait entendre au loin des meutes nocturnes hurler. Le portebrume déchu avait bien choisi son coup en agissant en fin de soirée quand les mercenaires seraient fatigués et affamés.

La xandrienne toujours au sol, maugréait dans sa barbe en rageant sur place les poings serrés.

Il joue avec nous ce fils de pute…

Bon, visiblement l’errant était passé au niveau supérieur, il fallait trouver une solution…
Jeu 7 Déc - 17:48

Première brume, dernier voyage

ft Violette


Poppy ne put s'empêcher de tirer une moue insatisfaite à ce que lui confia Violette. On pouvait au moins dire qu’elle avait eu la chance de toujours pouvoir manger à sa faim, et ne s’en était jamais privée. Mais ce n’était pas le moment de faire la précieuse, n’est-ce pas ? « Je m’en contenterais, » annonça-t-elle tranquillement en emboîtant le pas de la maraudeuse comme un mouton docile. Elle l’avait bien compris, si ici, quelqu’un savait ce qu’il faisait, c’était bien Violette, et la mécanicienne avait la ferme intention de quitter cette île en un seul morceau.

Alors naturellement, quand la jeune femme s’interrompit, l’air très grave désormais, Poppy ne broncha pas. Son regard suivait celui de Violette, tandis qu’elle tentait de faire sens de la situation. Une odeur de gaz, quoi qu’il arrive, ce n’était jamais bon.

« Je ne comprends pas, » commença-t-elle, alors qu’à son habitude, son cerveau se mettait en action, « nous n’avons pas l’utilité de bonbonnes de gaz ici, pourquoi aurions-nous… ». Mille questions se faufilent dans son esprit : il ne s’agissait pas d’hydrogène, l’hydrogène était inodore. Son regard se posa un instant sur le feu de camp qui flambait encore. Le risque était donc moindre, mais localiser la source était essentiel pour limiter les potentiels dégâts. Dans le cas d’un objet inflammable, le feu se propagerait à vitesse de un à dix mètres par seconde selon la réactivité du combustible et…

Boom.

Poppy faisait la désagréable expérience que lorsqu’il s’agissait de la Brume, la science, elle, n’avait plus aucune substance. Tout ce qu’elle savait ne lui servait à rien ici, loin des engins mécaniques et des réacteurs thermiques.

L’explosion l’avait jeté au sol et Poppy, pleine de précautions, s’était recouvert la tête de ses mains pour se protéger d’éventuels débris. La chaleur autour d’elle était étouffante. Une étincelle se déposa sur son pantalon, qui prit feu aussitôt, et elle se redressa, surprise, pour venir éteindre en tapant dessus comme une dérangée. « Bordel de cul, » jura-t-elle entre ses dents.

Autour d’elle, c’était la cohue. Les survivants se bousculaient, cherchaient à fuir le campement, à se tirer de là au plus vite. On ne jetait pas un regard en arrière pour les camarades qu’on abandonnait, et du petit groupe d’expédition, il ne devait rester que quelques chanceux qui s’empressaient de se ruer vers la forêt. Les flammes s’étaient saisies des tentes, et gagnaient encore en intensité. Les flammes grondaient dans les airs et les étincelles se mélangeaient au nuage de fumée qui obstruait la lune et les étoiles, les plongeant dans une nuit noire.

À quelques mètres, la voix de Violette lui parvient. C’est alors qu’il apparut devant elle.
La petite blonde se figea.
Il la regardait et Poppy se sentit blêmir.

Il se dressait, à l’orée du camp, fier. Un sourire mauvais sur la gueule.

« Violette, » Le temps se suspendit. « Violette, » répéta-t-elle plus fort, et bizarrement, dire son nom de petite pucelle bien sage, aussi absurde soit-il dans la situation actuelle, la rassurait. Elle pointa l’Errant du bout du menton. « Là-bas. » Et la silhouette disparut au même instant. Elle sentit sa gorge se serrer. « Qu’est-ce qu’on est supposés faire contre un putain d’Errant ? » Ce n'était pas le genre de problème qu’elle pouvait réparer d’un coup de clé à molette.

Ses yeux balayèrent les restes du campement, qui continuait de brûler doucement, tandis qu’elle réalisait. « Faut qu’on s’barre d’ici. Il n'y a plus rien, si on continue, on va juste crever. » Et elle ne disait pas ça pour être pessimiste. Il devait rester une poignée de survivants, la moitié qui s’était déjà tirée, et la grande partie de leurs ressources avaient fini en cendres. « Faut qu’on retrouve les derniers survivants et qu’on retourne au navire, Violette. » Tant pis pour la mission, tant pis pour l’argent.

Tant pis pour son foutu ventre qui continuait de gargouiller.
Tant pis pour ce qu'on en dirait. Parfois, la suite était la seule solution plausible.

La blonde avait fini par se relever. La peur faisait vibrer ses os, et bien qu'elle aurait pu courir en sens inverse comme tous les autres l'avait fait, au détour d'une volonté qu'elle ne se reconnaissait pas, elle marcha en direction de la maraudeuse pour l'aider à se relever.

Il avait fallu que l'Errant réapparaisse à ce moment précis, ombre noire, promesse de mort, juste dans son dos.
Lun 11 Déc - 0:03

Poti blagueur

Ft. Poppy


Dans un monde brumeux désormais décorés de flamme pourpre, la maraudeuse désormais allongée au sol maugréait dans sa barbe. Merde, c’était une belle situation de merde. Avec un groupe aussi diminué et face à un adversaire aussi efficace, les choses allaient devenir de plus en plus compliquées. Sans doute avait-elle sous-estimé la puissance et les pouvoirs dont pouvait disposer un errant. C’était différent d’un simple monstre, plus discret… plus stratégique… bien plus dangereux. Une énième démonstration que peu importe les pouvoirs, la ressource la plus importante pour un combattant restait toujours son cerveau.

Quelque peu étourdie par la situation, Violette cherchait pourtant une solution rapide pour se tirer de là. Face à ce genre de monstre et dans le contexte actuel, la retraite était nécessaire. Ce n’était pas fondamentalement quelque chose de grave, l'échec étant plus courant que la réussite dès lors que l’on parlait de la brume. La survie restait plus importante que la sauvegarde d’un soi-disant honneur qui n’existait aucunement dans ce milieu.

Ainsi à la proposition de Poppy, la xandrienne hochait rapidement la tête en signe d’acceptation. Il fallait regrouper les survivants dans l’urgence et évacuer le plus vite possible.

Enfin, ça c’était le plan A si jamais la situation ne s’empirait, ce qui n’arrivait jamais dans la brume. En effet, alors que l’épistote s’approchait d’elle pour lui donner un coup de main, la maraudeuse aperçut fondre derrière l’ingénieur l’Errant qui avait décidé de ne pas s’arrêter en si bon chemin.

Derrière !

Pas le temps de faire une phrase complète, tout en disant ce simple mot parfaitement évocateur du danger que courait Poppy, Violette dégaina un pistolet. Elle ne voulait pas faire ça, pas user de technologie par ici, mais parfois il n’y avait pas le choix, quitte à risquer la fureur de la brume.

Elle tira une balle qui fusa proche de l’épaule de sa camarade, obligeant l’Errant à esquiver et à détourner son attention vers elle. Elle savait parfaitement qu’avec cette attaque, elle serait sa cible principale car elle-même en ferait tout autant. Dans un groupe, les gens à tuer en priorité sont les tireurs et les supports. Elle-même en ferait autant dans sa situation.

Et en effet, l’ennemi tournait les talents, sortant une lame avant de fondre sur elle, l’obligeait à se relever en vitesse et à dégainer les siennes pour un échange rapide de coup entre rapières.

Si Violette tentait le coup bien que forcé à reculer lors du duel de lame, l’Errant avait l’avantage de ses pouvoirs. Sa capacité à transmuter la matière environnante étant au-delà de ce que pouvait alors gérer Violette. L’Errant utilisant efficacement son alchimie pour altérer en permanence la composition du sol afin d’en faire varier la solidité et la densité, empêchant de ce fait la maraudeuse de pouvoir garder son équilibre.

Le point final de ce rapide combat étant lorsque le portebrume déchu parvint à toucher la rapière de Violette pour la transformer en verre afin de la briser, elle se retrouvait ainsi sans défense, à la portée de son adversaire qui en profitant sans aucune hésitation, lui tranchant la gorge d’un coup de lame.

Violette tombant à genoux, alors que le sang coulait abondamment de sa gorge, tentant vainement avec ses mains de bloquer la plaie tandis qu’elle se noyait dans son propre sang en finissant par tomber au sol en agonisant.

Ravis de sa victoire, l’Errant se tournait alors de nouveau vers Poppy, Violette n’en ayant plus pour longtemps…

Mourir pour si peu…

Ou peut être pas…

La brume avait cette particularité de pouvoir faire ce qu’elle désirait, tromper le temps, tromper l’espace, redéfinir totalement l’existence d’un être… Alors que l’errant s’avançait vers l’epistote, il perdit un instant son équilibre. Sans doute une simple malchance.
Mer 13 Déc - 17:39

Première brume, dernier voyage

ft Violette


La balle avait fusé, lui caressant l’épaule, histoire de lui laisser une jolie trace rouge sur sa peau blanche. Poppy tressailli. Elle s’était figée, les yeux écarquillés de stupeur, tandis qu’elle comprenait peu à peu ce qui était en train de se passer, et le danger dans lequel la maraudeuse venait de se foutre.

Aussitôt, l’Errant se détourna d’elle. La petite blonde ne l’intéressait plus désormais. Et fondit comme une ombre sur sa nouvelle cible et le duel qui les opposa ne dura que quelques secondes. La mécanicienne ne put retenir un cri de terreur lorsque le sang gicla comme une cascade de la gorge de Violette, tachant ses doigts, coulant sur ses vêtements en grande quantité.

Et déjà.
Déjà.

L’Errant ne perdit pas une seconde de plus avant d’en revenir à elle. Poppy recula de plusieurs pas dans la boue, tituba, avant de se reprendre. Si elle devait crever, il était hors de question de tourner le dos à son assassin. Quelle mort à la con, jura-t-elle en son for intérieur, tandis qu’elle se redressait pour faire face à la créature. Elle ne remarqua qu’à se moment toutes ses défaillances, ses bras trop longs, qui coulaient le long de ses flancs, et sa mâchoire, trop large, qui ne tenait pas en place. Elle eut pour lui une grimace de dégoût. Elle déglutit.

Poppy n’avait jamais été chanceuse. Non.
Sa vie entière n’avait été que fatalité. Elle ne s’en était jamais plainte ; avait appris à se contenter de ce qu’elle avait.

Alors, lorsque l’Errant trébucha dans la boue, pour s’y enfoncer lamentablement le nez, elle resta interdite quelques secondes. Le silence enveloppa le camp quelques instants. Il chercha à se relever et la mécanicienne se fit la réflexion qu’il ressemblait davantage à un zombie estropié que la créature terrifiante qui l’acculait quelques secondes plutôt. Il balbutia quelque chose d’incompréhensible, la gueule enfoncée dans la fange. Son corps semblait désormais mal articulé, comme un jouet cassé qu’on aurait préféré abandonner plutôt que de réparer.

Maintenant, idiote !

Une petite voix dans sa tête la pressa, lui intimant d’ignorer toutes les questions qui traversèrent son esprit au même instant. « Oh mon Dieu, oh mon Dieu, oh mon dieu, » murmura-t-elle, comme si elle ne parvenait pas réellement à croire ce qui était en train de se dérouler. Ne le laisse pas se relever ! La blonde se précipita sur la lame qu’il tenait pour s’en emparer.

Une main griffue tenta de l’attraper au même instant où la blonde se releva, la poigne bien ferme sur l’arme qu’elle tenait devant elle. L’Errant, pris d’une rage soudaine, s’empêtra avec maladresse dans la boue avant de parvenir à se redresser et à se précipiter à une vitesse fulgurante sur sa proie.

Un hurlement déchira la nuit.

La créature de Brume chancela, un grognement lugubre s’échappant de sa gueule, tandis qu’elle s’étala de tout son poids sur la mécanicienne. Les deux silhouettes tombèrent à la renverse pour s’écraser dans la boue, la lame transperçant de part en part l’Errant qui avait fait l’erreur de s’enfoncer dessus. Poppy tremblait. Il lui fallut quelques instants avant de revenir à elle-même, et ses pensées s’envolèrent presque immédiatement vers Violette. Elle se tortilla, pour tenter de se faufiler sous la carcasse étalée.

« Violette… Violette, » appela-t-elle sur un ton désespéré, tandis qu’elle se penchait sur le corps de la maraudeuse. Elle posa ses mains sur ses vêtements, sa gorge, tandis que sur elle, le sang noir, et rouge, se mélangeait à la boue. Poppy arracha un pan de sa chemise pour venir appuyer sur la plaie de la maraudeuse. « Ça va aller, ça va aller, » répéta-t-elle, sans grande conviction. Ses sourcils se joignaient sur son front tandis qu’elle évaluait la situation. Elle avait bien un kit de premier secours dans l’une des tentes, avant que l’Errant se décide à faire exploser le campement. Les larmes commençaient à lui monter aux yeux tandis qu’elle réalisait qu’elle se retrouvait parfaitement impuissante. « C’est juste une égratignure, on va trouver une solution, » elle mentait. Elle avait sauvé des dizaines de vies, annoncées des centaines de fois à des hommes et des femmes la fatalité qui les attendait, mais se retrouvait incapable de le faire ici. Elle mentait. Parce que c’était plus facile, parce qu’elle n’était même pas sûre d’être entendue. Parce qu’elle n’avait aucune envie de se retrouver seule, ici. Et elle pleurait.

C’était horrible. Elle pleurait. Franchement, c’était beaucoup trop d’émotions et elle détestait ça.
Ça lui déchirait le cœur, et elle avait honte, terriblement honte de ne rien trouver à faire.
Et Violette qui ne répondait pas.

Son corps bascula sur celui de la maraudeuse, ignorant le sang et les larmes, et Poppy plongea son visage dans sa poitrine, s’épanchant de tous les reproches qu’elle pouvait se faire. Elle avait été inutile. Ça aurait dû être elle, et non Violette. Elle était désolée.
La blonde resta comme ça, longtemps.

Suffisamment longtemps pour entendre les battements timides d’un cœur contre son oreille...
Mer 20 Déc - 11:53

Renaissance

Ft. Poppy


Qu’est-ce que l’Homme ?
Qu’est-ce que la Brume ?

Ce fléau mystérieux, est-il l'incarnation d’une volonté divine en quête de punition des êtres ? L’expression d’un monde en colère face à la déchéance accompagnant toute forme de progrès ? Le prolongement même d’une humanité qui se méconnaît ?

De grandes questions dont les réponses ne se trouveront pas ici.

Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Qu’il est difficile de se poser des questions qui ne feront que générer la frustration vis-à-vis de sa propre ignorance.

Pourquoi tandis que les autres meurent je suis encore en vie ?
Pourquoi une brume à la nature si omnipotente a décidé de m’épargner jusqu’ici.
Entre toutes les piles de cadavres, sur un chemin teinté de sang, je suis la seule à être encore en vie. Tant d’âme perdues, tant de souffrance générée pour qu’au final, il ne reste que moi. Seule face au monde entier.

Des pensées, des doutes et des complexes qui traversent tous ceux qui survivaient aux expéditions de la brume. Le syndrome du survivant en d’autres termes.

Mais aujourd’hui, en ce jour funèbre où la gorge de la maraudeuse venait d’être tranchée, comme les autres, sa fin était désormais imminente. Ou pas. La brume avait en effet la priorité de faire ce qu’elle voulait des gens qui la pénétraient. Changer leur âge, changer leur race, redéfinir la nature même de leur existence. En cet endroit, il y avait un dieu, et il avait décidé d’agir. Aujourd’hui ayant perdue sa vie en tant qu’humaine, c’était un nouveau portebrume qui venait de naître.

Si l’origine des portebrumes ne faisait aujourd’hui pas vraiment débat, la nature des pouvoirs de leurs nébula personnelles étant elle sujette à bien plus de question si bien que certains avançaient que le pouvoir d’un portebrume pouvait être potentiellement liés aux désirs et aux manques dans la vie du portebrume en question.

Sous l’égide de cette théorie, que pouvait donc être la fortune, si ce n’était l’incarnation du désir de contrôler toute chose et notamment sa propre vie. En effet, depuis sa naissance, Violette n’avait fait que subir.

Elle avait subi la misère des bidonvilles xandriens durement cadrés par les troupes du Guet.
Elle avait subi la mort d’un père dont elle n’avait jamais fait le deuil.
Elle avait subi la faim
Elle avait subi pour le bien des siens, la souffrance, la douleur et la malfaisance du monde des mercenaires devenant ainsi une lame servile au service de ceux possédant les richesses.

Avait-elle un jour choisi par elle-même de faire quoi que ce soit dans son existence ? Peut-être, mais dans ce cas elle n’en avait pas l’impression. Toute son existence se définissait par la notion de contrainte que ce soit par les règles du monde ou par des concepts aussi vains que le devoir et l’honneur.

Et tout ça pour quoi ?

Certes, elle était en vie jusqu’ici mais à quel prix si ce n’était pour une vie de malheur, de sang et de souffrance.

Au fond d’elle sans doute, rêvait-elle de cette liberté. De ce contrôle que jusqu’ici elle n’avait jamais eu dans sa propre vie.

Les yeux clos, plongés dans le noir de l’agonie, elle avait l’impression de flotter dans le vide, comme si quelque chose d’immense était en train de l’envelopper. C’était une sensation étrange, très étrange. À mesure que le temps avançait, elle avait l’impression de ne plus être seule dans son âme mais pour autant il n’y avait personne d’autre. Sa nébula ne devenait pas une seconde personnalité ou tout simplement des voix dans sa tête. Elle ne s'exprimait pas des concepts et des idées diffusés instantanément dans l’esprit de son hôte en tant qu’évidence.

Soudain, réveil. Ouvrant rapidement les yeux l’air surpris, Violette revenait au réel, comme si toute cette fâcheuse histoire n’était jamais arrivée. Bien qu’encore quelque peu dans les vapes, le regard encore vacillant de la xandrienne avait légèrement changé, bien que cela était encore nuancé, il était devenu quelque peu plus sombre et incisif.

Elle se releva alors brusquement pour se mettre en position assise, passant alors sa main sur sa gorge pour constater sa blessure où il ne restait rien d’autre qu’une cicatrice. Impossible, c’était impossible. Une blessure de ce genre ne pouvait pas guérir, pas aussi facilement.

Le visage fatigué, plein de sueur, elle fut soudainement prise de nausée se retournant pour se mettre à quatre pattes avant de vomir tout le sang coagulé qui lui restait dans la gorge. Une fois cela fait, tout en s’essuyant la bouche du versant de la main, elle remarqua alors Poppy.

Qu… que ? Il est où ?...