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La pierre céleste : Une épopée dans les dunes d'Aramila [PW Ryosuke]

La pierre céleste : Une épopée dans les dunes d'Aramila [PW Ryosuke] Brandw10
Mer 4 Oct - 21:39
Les flammes crépitaient, projetant des ombres dansantes sur les murs de pierre du temple. Atahara était assise en tailleur sur un coussin brodé, ses yeux clos, sa respiration régulière comme les vagues qui caressent la plage. Autour d’elle, l’encens emplissait l’air d’un parfum doux et envoûtant, tandis que les chuchotements des fidèles en prière se fondaient en une douce mélodie.

Dans cet état méditatif, Atahara atteignait la frontière entre le monde matériel et celui des esprits. La connexion avec Tohorâ était presque palpable, une énergie bienveillante qui enveloppait son être comme les eaux calmes d’une baie. Elle se sentait comme une goutte d’eau se mêlant à l’océan infini de la conscience divine.

Soudain, une lumière éclatante perça l’obscurité de son esprit. Les vagues de méditation qui la berçaient se brisèrent, laissant place à un éclat argenté qui grandissait en intensité. Les murmures des fidèles s’estompèrent, remplacés par un doux murmure aquatique.

Une silhouette éthérée émergea de la lueur, une figure mi-humaine, mi-baleine, d’une beauté presque insoutenable. Tohorâ se tenait devant elle, ses cheveux flottant comme des algues dans une brise marine invisible. Ses yeux d’un bleu profond comme les abysses, semblaient contenir la sagesse des âges.

- Atahara, ma fidèle messagère, écoute-moi attentivement. Le temps est venu pour toi d’accomplir une grande quête. Une ancienne prophétie annonce un bouleversement imminent dans le désert d’Aramila. Ces signaux que tu prends pour des phénomènes lunaires loin dans le ciel sont en réalité des pierres astrales. Une d’entre elles va bientôt quitter la voûte céleste et choir dans le sable du désert. Cette pierre sera porteuse de pouvoir et de changement. Tu devras la retrouver et la protéger en mon nom.

La voix de la déesse vibra dans l’esprit de la prêtresse, faisant écho avec les bruits océaniques. Les paroles de Tohorâ résonnèrent en Atahara, emplissant son âme d’une détermination tranquille et pacifique.

- Je vous servirai, ma déesse. Je ferai tout en mon pouvoir pour honorer cette mission.

La déesse plissa les yeux, ses lèvres formant un doux sourire qui éclaira l’espace autour d’elles.

- Va, ma chère Atahara. Sois mon bras dans le monde terrestre. Prends soin de toi et sache que je veille sur toi et sur tes ancêtres.

L’image de Tohorâ s’estompa lentement, laissant Atahara seule dans le temple, les yeux encore clos. Lorsqu’elle les ouvrit enfin, elle se sentit revigorée, pleine de détermination. Les fidèles étaient partis depuis sans doute bien longtemps, la prêtresse ignorait combien de temps avait pu durer cette transe de spiritisme. Néanmoins, elle savait ce qu’elle devait faire.

Se levant avec grâce, Atahara prit une profonde inspiration. Elle se tourna vers l’autel de Tohorâ et déposa un baiser sur la statue de la déesse baleine. Puis d’un pas assuré, elle quitta le temple, prête à entreprendre la quête de l’éclat astral.

Les étoiles scintillaient dans le ciel nocturne, éclairant son chemin. Le désert d’Aramila l’attendait, mystérieux et plein de promesses. Atahara savait que cette quête serait une épreuve, mais elle était prête à la relever. Elle devait se préparer pour cette aventure spirituelle qui la mènerait vers l’inconnu, portée par la confiance en sa déesse et en elle-même.
Sam 27 Jan - 19:48
Cela faisait trois mois qu’il refaisait régulièrement le même rêve. Sans jamais parvenir à se souvenir de grand-chose à son réveil, il en gardait toujours les mêmes bribes de détails et de sensations. Une chaleur agréable qui logeait dans le creux de sa paume, le souvenir d’un frottement contre une surface rugueuse au niveau de ses poignets, et… l’impression de se faire brutalement broyer la nuque et le torse par une force prodigieuse, dans un à-coup soudain, qui le réveillait systématiquement au milieu de la nuit.

Toujours un plaisir.

Ceci depuis trois mois et de plus en plus souvent, à une fréquence dérangeante au cours de ces dernières semaines. Bientôt un jour sur trois.

Tant et si bien qu’il avait fini par demander conseil. C’avait l’air idiot et le lui semblait encore plus, mais étant portebrume, il avait toujours la désagréable possibilité que son parasite essaie de se créer des ouvertures par n’importe quel biais, dans l’espoir de pouvoir se libérer. Par exemple, le rendre fou en hantant ses rêves, quitte à ce que ce soit maladroit et juste désagréable. Et même si ça n’était rien de ça, ça restait anormal, en plus de s’empirer.

Alors, il avait consulté.

-Ah gue kwa? Tu t’intéresses aux rêves maintenant? Ho hooo, oui, carrément!

Consulté une amie, une moniale orpheline présente depuis plus longtemps que lui dans le cloître. Même s’il préférait l’éviter depuis quelques temps, pour des raisons qui n’importaient pas ici. Elle avait toujours été très portée sur le volet des expériences mystiques, peu importe de quel bord. Vraiment pas le genre de chose qu’il prenait au sérieux, même s’il restait discret quand il s’agissait de partager son avis. Mais au point où il en était, autant creuser la piste avant d’aller inquiéter l’un des deux sous-prieurs du petit monastère.

-Bien sûr! Dis moi! C’est des signes? Des présages? Des séries de quelque chose?

Rien de tout ça. Dans ce rêve, il y avait tout simplement une femme. Toujours la même. Grande, géante même, avec des cheveux qui auréolaient son visage comme s’ils flottaient autour. Elle le surplombait totalement, lui tendait les bras et le ramenait toujours à elle en le prenant par la main, sans qu’il ne puisse résister. Sans qu’il ne cherche à résister, non plus. Elle donnait juste envie de la suivre, il lui faisait confiance. Peut-être aussi parce qu’il n’y avait rien autour, comme s’il était suspendu dans le noir, alors qu’elle dégageait de la lumière naturellement. De plusieurs manières, d’ailleurs. Elle était aussi resplendissante que suprêmement magnifique, au point de…

-Aaaaaah. Ce genre de rêve. Oh bah euh c’est pas exactement ce à quoi je m’attendais mais on peut en parler aussi si tu en as besoin, oui.

Non, pas ce genre de rêve.

-Ah.

Magnifique ou sublime comme pouvait l’être un lever de soleil au-dessus d’une oasis à l’orée du désert, expliqua-t-il en ses termes. Ne serait-ce que parce qu’il ne s’agissait pas vraiment d’une femme, plutôt d’une figure antropomorphe qu’il avait vraiment du mal à définir. Son visage n’était pas normal, sa peau n’y ressemblait pas. Elle avait des formes particulièrement arrondies qui…

-Pas compris, tu veux dire quoi avec ça? C’est un euphémisme pour gros seins venant du langage prude?
-Je laisse tomber, lâcha Ryo en faisant demi-tour.
-NAN!
-...
-Tu vas pas me dire que je t’ai vexé avec une question bête, quand même?
-Non.
-Alors tu veux que je t’aide, ou pas?

Il manqua de dire non, mais de plus en plus de détails lui revenaient pendant qu’il racontait son histoire. Et parfois, pour trouver la réponse, il suffisait de formuler le problème. Alors, se livrer au jeu des questions-réponses pourrait sûrement servir, oui.

Lentement, il rebroussa chemin et se cala près d’elle. Ils commencèrent à converser à voix basse tout en se dirigeant vers l’extérieur, dans les jardins du monastère, où ils erreraient en dissertant sans déranger personne. Comme le voulait l’usage.

-Ca n’est pas une humaine, continua-t-il. C’est probablement une tritonne. Plutôt épaisse, comme un… poisson-lune? Ou un lamantin.
-J’ai déjà dit ça à un de mes ex’, il m’a dit que les lamantins étaient des mammifères, pas des poissons. Donc qu’ils n’avaient rien à voir avec les tritons parce qu’ils n’avaient pas de branchies. Un peu comme des dauphins ou des baleines, quoi.
-...
-Il était du genre gros joufflu tout doudou, pour ça que je lui avais fait la remarque. C’était un triton, si tu n’as pas compris.
-...
-Et ça ne change rien à ce que tu m’as dit, oui pardon. Mais donc, tu te souviens d’autres choses?
-Ca m’est revenu en même temps que je t’ai expliqué. C’est une tritonne. Très épaisse, comme un lamantin. Ou une baleine, comme tu l’as dit.
-Ca peut pas être un lamantin ou une baleine, ce sont des mammifères!
-...
-Et ensuite?
-Je ne sais pas.
-Pas grave, il y a déjà plein de quoi faire. C’est marrant, on a la moitié des évêques qui s’attend à ce que les fidèles reçoivent des signes des Douze, en présages ou ailleurs, vu les temps qui courent, et toi tu reçois des rêves sur une figure tritonne. Quelqu’un s’est trompé de cible. Faudra que je te tire les cartes, pour voir.

Il ne réagit pas, même si “Certainement pas” fusa de suite dans son petit cerveau. Pas la peine de le dire.

-Juste au cas où, si tu fais autant de fois le même rêve. Est-ce que c’est lié aux expéditions dans la brume? Maintenant que tu en fais?
-C’était une autre question. Je n'en ai aucune idée.
-Euh... je sais pas. Comment tu sens ta brume?

Par précaution, il cessa de respirer, prenant quelques instants pour sonder ce qu’il avait identifié il y a bien longtemps comme étant le recoin de lui-même où nichait son passager clandestin, qui logeait dans son corps et dans ses pensées depuis qu’il était petit. Ca n’avait pas de localisation tangible, et c’était beaucoup trop diffus pour qu’il puisse mettre le moindre mot à ce sujet. Comme creuser dans sa mémoire à la recherche d’un souvenir, ou d’une information en particulier.

Il savait où chercher, depuis le temps. La chose ne se cachait plus. Elle se contentait de gîr là, dépouillée de toute énergie et de tout espoir, complètement prisonnière d’un hôte qui la cadenassait impitoyablement. Elle n’avait aucune chance, à moins qu’il ne perde les pédales sur un heureux hasard. Mais en l’état actuel, son bout de brume s’était résigné à attendre une vingtaine ou trentaine d’années, qu’il décède d’une manière ou d’une autre. Les humains partaient vite, heureusement.

-Comme d’habitude.
-Tu vérifies au réveil, quand tu fais ces rêves?
-... il faudra que je le fasse. Je n’y pense pas sur le coup.
-Boooon. On va dire que c’est pas ça. Donc dans ce cas, on peut envisager que…

*
*     *
*

Il n’avait rien appris.

A moins de considérer qu’une divinité lamentin-baleine-tritonne ne le hante, évidemment.

Ce qui était complètement débile.

C’est armé de cette seule piste qu’il était parti se renseigner au quartier asia aquatique d’Aramila, pour le peu qui lui était accessible. Les tritons avaient fait de leur mieux pour donner aux humains les moyens de pénétrer dans leur domaine, de sorte qu’il était assez facile d’évoluer dans les allées marines, situées de cinq à vingt mètres en dessous de la surface, pour quiconque le souhaitait.

Mais pour lui qui ne savait pas nager, ça n’était pas possible.

Heureusement, les deux peuples avaient fait en sorte de pouvoir partager depuis la lisière de leurs domaines respectifs, sans qu’il n’aie à se mouiller. Temples, comptoirs, casernes, commerces et bâtiments officiels y avaient été agencés de manière à pouvoir satisfaire aux besoins de tout le monde. Il avait passé une journée à évoluer entre divers lieux de cultes expressément tritons pour réveiller les bases de sa culture à leur sujet, et glaner des réponses sur les questions plus spécifiques qui l’avaient amené là. Tout en présentant discrètement ses respects à ceux qui l’accueillaient, quand c'était bienvenu.

Et c’est ainsi qu’il apprit l’existence du culte de Tohara, déesse-baleine, protectrice des voyageurs marins et gardienne de l’océan. Prononcé Toharâ dans la bouche des tritons, mais il n’arrivait pas à reproduire la dernière syllabe correctement. Et n’avait pas insisté bien longtemps. Pas plus que la narration.

Son culte était modeste, ses fidèles peu nombreux, bien que de races diverses mais elle avait tout de même un temple dans la cité, plus loin, situé bien en retrait du tumulte d’ici. Pour une somme dérisoire, il pu consulter quelques ouvrages qui la mentionnaient brièvement. Elle ainsi que… deux autres déesses-baleine présentées comme des soeurs rivales coopérant par la force des choses, au portfolio davantage axé sur la vie et la maternité que le mystique de Tohara. Et une déesse-lamantine, vectrice de paix, de prospérité, et régisseuse de banquets opulents où la danse et l'alcool enivraient ses fidèles jusqu'au milieu de la nuit.



Dans le doute, il commencerait par la première, oui. Demain, après ses corvées et l’office du matin.
Lun 5 Fév - 17:53

La pierre céleste

Avec Ryosuke

Le désert s'étendait devant Atahara comme une mer de sable infinie, mystérieuse et intimidante. Assise à la table de la bibliothèque d'Aramila, elle étudiait une carte détaillée, essayant de déchiffrer les subtilités des dunes et des oasis. Ses doigts effleuraient les lignes dessinées avec une préoccupation profonde, tandis que son esprit naviguait à travers les courbes du désert.

Les noms des caravansérails et des routes commerciales s'étalaient devant elle, mais l'immensité du désert lui donnait un sentiment de vertige. La quête de cette pierre céleste s'annonçait bien plus complexe qu'elle ne l'avait imaginé. Atahara se leva, roula la carte avec précaution, et quitta la bibliothèque, déterminée à trouver des informations plus concrètes.

Au temple de Tohorâ, elle entendit des voix qui murmuraient au-delà des colonnes de pierre et de coquillages mêlés. Une autre membre du culte, une femme zoanthrope à la carapace de tortue, accueillait un jeune homme aux yeux empreints d'une étrangeté mystique. Il évoquait des visions de créatures marines, des lamantins ou des baleines. Atahara se tint à l'écart, l'oreille attentive, saisissant les fragments de la conversation.

La femme tortue parlait avec douceur, guidant le jeune homme vers l'autel de Tohorâ. Atahara, saisissant cette opportunité, s'avança lentement, son regard fixé sur le visiteur énigmatique. Lorsque la femme tortue se retira, Atahara prit le relais.

"Bonjour, jeune homme. Je suis Atahara, prêtresse de Tohorâ. Je viens de vous entendre parler de vos visions marines. Pourriez-vous me faire part de ces images qui dansent dans votre esprit ?"

Le jeune homme hésita peut-être un instant, puis, sous le regard apaisant d'Atahara, il commença à décrire ses visions. Une divinité majestueuse émergeant des profondeurs, une forme de baleine, ou de lamantin ou d’une quelconque créature marine et massive, nageant avec grâce dans des eaux cristallines. Atahara écouta attentivement, une lueur de compréhension éclairant ses yeux.

"Vous êtes au bon endroit, jeune homme. Ces visions pourraient être des messages de Tohorâ. Cependant, pour en être certaine, nous devons nous connecter plus profondément. Acceptez-vous de participer à une séance de spiritisme ?"

Le jeune homme hocha peut-être la tête, un mélange de curiosité et d'appréhension dans son regard. Atahara l'invita à s'asseoir près de l'autel, alluma des bougies parfumées aux algues, créant une atmosphère empreinte de spiritualité.

"Respirez profondément, concentrez-vous sur vos visions. Imaginez-vous plongé dans les profondeurs de l'océan, où la sagesse de Tohorâ vous entoure."

Alors qu'Atahara entamait le rituel, l'énergie du temple sembla s'intensifier. Ses mains caressaient l'air, dessinant des symboles invisibles. Elle ferma les yeux, plongeant dans un état méditatif profond, et invoqua la présence de Tohorâ.

"Ô Tohorâ, guide-nous à travers les eaux de la compréhension. Montre-nous le chemin, révèle-nous la signification de ces visions."

Une brise mystique remua l'air, emplissant la pièce d'une énergie qui pulsait comme le rythme des vagues. Atahara rouvrit les yeux, les fixant sur le jeune homme dont l'expression passa de la curiosité à l'émerveillement.

"Vous êtes lié à Tohorâ, jeune homme. Ces visions sont un appel pour vous mener jusqu’ici. Je dois partir à la recherche d’une pierre céleste, porteuse des réponses que Tohorâ nous offre. Je crains que la Déesse ai posé ses yeux sur vous et vous invite à m’accompagner. Je vous conseille de vous préparer, car l'aventure nous attend dans les sables du désert."

Les yeux du jeune homme brillèrent peut-être d'une détermination nouvelle, et Atahara sentit que cette rencontre avait scellé un destin commun. Les préparatifs pour la quête de cette mystérieuse pierre allaient débuter, et l'union entre la prêtresse de Tohorâ et le jeune homme aux visions marines promettait une aventure extraordinaire dans le désert d'Aramila.

Lun 12 Fév - 1:07
Et donc, la réponse à ses interrogations était tout simplement qu’une déesse-baleine lui parlait dans ses rêves, pour le charger de seconder sa prêtresse dans une quête nébuleuse visant à récupérer une pierre tombée du ciel.

Ou qui tomberait du ciel, ça n'était pas très clair.

A un moment.

Dans le désert.

Sans plus de précision.

C’était complètement con, évidemment.

Mais Ryo accepta la chose sans vraiment sourciller, ne prenant qu’un minimum de temps pour digérer cet état des faits. Il n’était pas du genre à nier une évidence qui s’étalait devant lui. A moins d’un traquenard improbablement compliqué impliquant un portebrume ou un cristal aux pouvoirs vraiment très spécifiques qui aurait tourmenté son sommeil pendant trois mois avant de compter sur un coup de chance pour qu’il arrive ici…

Ca ne pouvait être que ça.

Donc c’était ça, tout simplement.

Ca n’était pas comme si le divin n’avait pas sa place à Aramila. Ni que la magie et le surnaturel lui étaient étrangers. Il était tombé portebrume avant de savoir lire et avait déjà effectué quelques expéditions en dehors des frontières habitables. “Normal”, ça ne voulait plus rien dire.

Ni pour lui, ni pour ses pairs : il n’eut pas de mal à obtenir une dérogation de l’abbesse dont dépendait son monastère, pour se soustraire aux charges de sa communauté le temps qu’il vienne à bout de cette histoire. Au contraire, elle voyait là une manière particulièrement efficace d’étendre les horizons du petit moine, qu’elle sermonait régulièrement pour son attitude désespérément pragmatique et cartésienne dans son approche de la foi.

Tout le contraire de la prêtresse Atahara, qui transpirait d’un enthousiasme et d’un cérémonial particulièrement prononcés en faveur de sa déesse. Ce qui n’empêchait pas les deux de cohabiter : Ryo se pliait naturellement aux usages en vigueur, avec suffisamment d’application pour que le fait d’être dépourvu de la moindre once de ferveur ne pose aucun problème - parfois, il faisait même illusion, ce qui le dépitait tant ça lui semblait improbable. Les Douze étaient les Douze, et il suivait leurs rites en plus de les étudier depuis qu’il était petit. Mais il faisait partie de ceux qui n’éprouvaient pas d’affection particulière à leur égard. Ce qui ne les empêchait aucunement de trouver leur compte et leur place dans la théologie panthéiste. Ils étaient juste mesurés.

Alors, il en irait de même pour Tohara tant qu’il serait ici.

Même si, et c’était la quarante-douzième fois qu’il se le passait en tête, c’était complètement con. Autant la situation que le problème qui se posait à eux.

Passe encore le pourquoi. Ils n’avaient pas besoin de le savoir, ça, le pourquoi. Ou pas nécessairement.

Le point qui l’embêtait le plus était le même qui poussait Atahara à se réfugier dans des bibliothèques à la recherche de réponses et d'outils pour s'aiguiller : c’était comment est-ce qu’ils allaient faire ça. Le désert était un environnement abominable, et tout simplement colossal : avec plus de trois cent cinquante mille kilomètres carrés de surface à parcourir en estimation prudente, ils n’avaient aucune chance d’arriver à quoi que ce soit en y allant au hasard.

Enfin, si, ils pouvaient y aller au hasard. C'était ça, avoir la foi, quand on avait plus rien à quoi se raccrocher. Mais pas en premier recours. Une leçon qu'on lui avait apprise il n'y a pas longtemps.

Alors, ils avaient réfléchi. Et sur un coup d’inspiration obtenu au terme d’un ping-pong d’interrogations échangées avec le petit moine et quelques-uns de ses pieux, Atahara avait décidé qu'ils tenteraient leur chance auprès d’un autre corps d’institutions. Ceux qui regardaient le ciel, les astres et les étoiles. Ceux qui le faisaient tout le temps. Il y en avait des tas. Les astronomes de la ville, déjà, qui oeuvraient à leur compte, dans les universités de la ville, ou à titre de loisir pour quelques passionnés des classes aisées.

Les équipages de caravaniers du désert, également, ainsi que les marins qui mouillaient régulièrement au port d’Aramila, sur le fleuve Adriane. Eux aussi avaient toujours les yeux rivés au ciel pour s’orienter de nuit.

Peut-être que quelqu’un parmi tous ceux-là aurait vu ou saurait quelque chose?

Sinon, restait le dernier groupe de personnes susceptible de s’intéresser aux astres et aux pierres qui pourraient en tomber. Un groupe aussi hétéroclite que les précédents : parmi la foultitude de cultes anecdotiques qui fleurissaient dans la cité, il y en avait un certain nombre qui s’intéressaient spécifiquement au ciel. Sans compter tous ceux qui y cherchaient des signes sans que cela ne soit lié à une doctrine particulière de leurs croyances.

Ils partiraient à leur recherche aujourd’hui, après un premier repas en début de matinée.

Mais Ryosuke, réglé comme une horloge pour se réveiller avant le soleil et participer aux cérémonies qui précédaient l’aurore, était pour l’instant seul. De sorte que, après un premier temps de lecture et de prière personnelle, il décida de réessayer ce qu’Atahara et lui-même avaient déjà tenté à quelques reprises. Demander à Tohara si elle n’aurait pas une petite information utile à leur glisser en plus, des fois que.

Ca n’avait jamais marché jusque-là, mais il y a peu, une épistopolitaine s’était moquée de lui, en lui narguant qu’il était idiot de réessayer quelque chose à l’identique en s’attendant à avoir un résultat différent.

Sauf qu’il ne voyait pas le problème, lui. Alors il répéta les principales étapes du rituel qui avait souvent lieu ici. Pas forcément dans le bon ordre, mais pour ce qu’il avait remarqué, ça marchait bien pour lui. Faire offrande d’un coquillage acheté pour quelques modiques astras la veille, se positionner pour méditer sur une vannerie de ce qui devait être une sorte de chanvre marin, se laisser s’enfouir en lui-même comme il le faisait au quotidien, se remémorer les chants du culte et celui des vagues de l’océan auxquels ils renvoyaient, eeeet…

Il y était.

L’avantage d’être confronté à Tohara ici plutôt que dans son sommeil, c’était que tout était clair, et qu’il se souvenait parfaitement de ce qu’il se passait dans le rêve. Certainement parce que tout dans le temple était dédié à faciliter ces entrevues. Et grâce à ça, il avait facilement pu comprendre pourquoi il avait toujours l’impression d’être réduit en charpie juste avant de se réveiller.

La mère baleine l’accueillait dans un rêve marin, un grand néant de bleu sans frontières apparentes, ou presque : même en flottant dans le vide, il pouvait toujours ressentir le haut du bas, d’autant plus facilement qu’il discernait nettement une lumière épatée qui filtrait depuis la surface. Depuis beaucoup trop haut pour qu’il puisse la rejoindre - quelques centaines de mètres, certainement. Il n’essaierait jamais. En contrebas, il surplombait actuellement, et c’était souvent le cas, un banc de sable plus ou moins distant et parsemé de rocailles. Une fois, par contre, il s’était retrouvé au-dessus d’une étendue de ténèbres infinies, insondables et vertigineuses pour qui y plongeait le regard. Et franchement pas rassurantes. Il ne pouvait pas savoir si c’était les abysses, ou juste la façon dont lui l’imaginait… mais ça ne changeait rien.

Et tout autour de lui, ce qui ne changeait jamais, c’était qu’il y avait de la vie, des poissons, des mammifères, parfois de grandes lianes de végétation qui partaient d’une paroi rocheuse pour darder paresseusement vers la surface, parfois de petites algues, ou des genres de fleurs marines qui se laissaient porter…

Il y avait eu un requin, une fois. Mais Tohara lui avait assuré qu’il ne risquait rien, et l’animal les avait effectivement ignorés pendant toute leur discussion. Ca n’avait pas empêché Ryo de le surveiller autant que possible, et de se sentir très mal à l’aise quand il ne parvenait pas à se retourner pour le garder dans son champ de vision.

Parce qu’il ne savait pas nager, et que le fait d’être dans un rêve n’y changeait rien du tout. Ballotté par les flots, il dépendait entièrement de la déesse, qui acceptait de le maintenir près d’elle en lui tenant la main pour qu’il ne se retrouve pas porté loin d’elle par le moindre courant…

Eh bien, c’était assez inconfortable. Absolument horrible, selon.

Il y avait aussi le fait que, vraiment vraiment pas à l’aise dans cet environnement, il finissait toujours par mourir noyé au bout de quelques minutes, quand bien même leur audience était toujours en cours.

Absolument horrible, oui.

Mais il ne grimaçait déjà plus quand il se réveillait, se contentant de bloquer son souffle le temps de refaire surface.

De ce qu’il avait pu échanger avec Atahara, ce qu’il expérimentait n’arrivait que très rarement parmi les fidèles de Tohara, en bonne partie parce que la majorité pouvaient tout simplement se reposer sur leur foi pour se sentir à l’aise dans le royaume de leur divinité. Ou qu’ils savaient nager, ce qui faisait déjà beaucoup pour les mettre en confiance. Mais lui se contentait de cocher toutes les mauvaises cases avec assiduité.

Ca ne l’empêchait pas de revenir la voir pour poser ses questions, autant de fois qu’il le fallait si nécessaire. Le fait de savoir que tout était fictif, et probablement moins douloureux que la réalité, y était sûrement pour quelque chose. Et puis, maintenant, il avait presque l’habitude, et pouvait se préparer quand tout se mettait à déraper. Un peu.

La divinité l'accueillit avec le même sourire que d’habitude. La même radiance que d’habitude, aussi. C’était très agréable, de l’avoir face à soi. Comme un rayon de soleil de bon matin, quand il faisait encore frais.

Mais il n’avait pas le temps, et formula rapidement sa requête. Atahara était déjà venue la veille pour informer sa déesse de leurs projets. Restait à savoir si Tohara avait eu du neuf pour les aider.

Et…
Mer 21 Fév - 12:26

La pierre céleste

Avec Ryosuke


Les jours s'écoulaient paisiblement au temple de Tohorâ, remplis de méditations silencieuses et de discussions profondes. Ryosuke, le jeune homme aux visions marines, s'immergeait chaque jour davantage dans les enseignements d'Atahara, absorbant chaque parcelle de sagesse avec une détermination admirable. Pour Atahara, voir ses progrès était une source de réconfort et d'espoir.

Assis en tailleur dans la salle de méditation, Atahara observait Ryosuke avec un mélange de fierté et d'émerveillement. Il se concentrait profondément, son esprit s'élevant au-dessus des limites du monde matériel pour se connecter à la présence apaisante de Tohorâ. À travers les séances de spiritisme partagées, ils avaient réussi à tisser un lien plus fort avec leur déesse, partageant des visions et des messages divins.

Lors d'une de ces séances, alors que leurs esprits flottaient dans les profondeurs de la conscience divine, Tohorâ leur avait révélé des détails cruciaux sur la pierre astrale qu'ils cherchaient. Atahara se souvenait des paroles de la déesse, résonnant comme le chant des baleines dans les abysses.

"La pierre tombera du ciel dans les dunes de Saleek", avait déclaré Tohorâ d'une voix douce, mais ferme. "D'autres cultes ressentiront également les variations cosmiques et enverront leurs propres adeptes dans les dunes. Mais vous devez être les premiers. Je vous guiderai avec ma sagesse, mais méfiez-vous des autres forces en jeu."

Atahara avait écouté attentivement, absorbant chaque mot avec une dévotion fervente. Elle sentait le poids de la responsabilité qui pesait sur ses épaules, mais aussi la confiance que Tohorâ avait placée en elle.

Après la séance de spiritisme, alors que Ryosuke s'attardait encore dans la salle, Atahara se leva avec détermination. Elle savait ce qu'elle devait faire. Elle devait se préparer pour le voyage dans le désert, pour atteindre les dunes de Saleek avant les autres.

Dans sa chambre au temple, Atahara rassembla ses affaires avec un calme déterminé. Elle revêtit sa tenue de voyage, ajusta sa ceinture ornée de talismans et de totems d'invocation, et attacha ses cheveux en une natte serrée qu’elle protégeait d’un voile bleu au tissu léger. Ses branchies de tritonne palpitaient légèrement sur ses tempes, lui rappelant sa connexion profonde avec les eaux primordiales de Tohorâ.

"Je suis prête", murmura-t-elle à elle-même, sentant la présence bienveillante de sa déesse à ses côtés. "Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour honorer ta confiance, Tohorâ. Avec paix et sagesse, nous trouverons la pierre."

Elle quitta sa chambre, empreinte d'une détermination tranquille. Les dunes de Saleek l'attendaient, mystérieuses et inhospitalières, mais elle n'avait pas peur. Elle était prête à affronter les défis qui se dressaient sur son chemin, guidée par la lumière de sa déesse et la force de sa propre volonté.

Atahara se tourna vers Ryosuke, cherchant dans son regard la détermination et la préparation nécessaires pour affronter les défis à venir. Elle observa attentivement ses mouvements, évaluant silencieusement sa détermination. Satisfait de ce qu'elle vit, elle lui adressa un léger sourire, lui assurant tacitement qu'ils étaient prêts à affronter ensemble les mystères des dunes de Saleek.