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Lan-Lan Fà

Lan-Lan Fà Brandw10
Mar 24 Oct - 20:23

Lan-Lan Fà

xandrie / noblesse

27 ans / 11 du mois d’Uhr
Humain / Femme
Xandrie
Bisexuelle / Elle
Ambassadrice de la guilde des monétariste / Héritière de la famille Fà
Feat MengPo by Tea Me

Description


Jasmin. Lilas. Lavande.

Ces sont les fragrances de fleurs qui l’annoncent. Bien avant le tintement des pierres, les murmures du tissu. Un entêtant parfum qui embaume, et enivre, comme la pluie sur la poussière. Des notes fraîches, presque sucrées, qui trompent les sens, un voile de printemps dans un champ d’hiver.
Puis ce seront des chocs. De petits bruits, cristallins comme des clochettes, parfois métalliques, parfois claires comme deux perles frappées entre elles.
Le son du tissu, plus subtile, viendra alors chatouiller vos oreilles. C’est difficile à entendre, mais perceptible, derrière le tintement des pierres. Comme les bruissements des ailes des oiseaux.
Finalement, elle prendra corps dans sa voix… Un petit air chantonné du bout des lèvres. Une comptine peut-être, cha-lan, un chant ancien, cha-lan, une berceuse, cha-lan, cha-lan

L’annonce du désastre. Les cavaliers de l’apocalypse. Le début de la fin.

Au bout de la musique, de jeunes lèvres pleines, rouges, sur un visage qu’on s’arracherait presque pour le mettre dans les cours. C’est qu’elle est l’héritière d’une longue famille de femmes, Lan-Lan. Le visage du choix, de la dynastie. De l’envie. Le visage que sa famille a voulu qu’elle ait. Et qu’elle porte avec un plaisir qu’elle peine à dissimuler.

Oh, ça ne sera pas flagrant. Elle est tout de la noblesse, après tout, et malgré une figure charmante, elle dégage une certaine pudeur. Une figure sage, candide, qui évolue avec grâce et discrétion quelque soit les cercles. On lui prêterait presque toutes les vertus - esprit, tempérance, patience, intelligence… La poupée de la noblesse xandrienne, l’enfant prodige des Fà.
Cette aura de timidité est presque désavouée par son apparence remarquable. Le fuchsia peut-il encore rougir dans sa parure d’hiver?

Il faut dire que la jeune notable attire le regard, ne serait-ce que par sa chevelure à la couleur singulière - un rouge vif aux reflets roses, qui deviennent tantôt sang, tantôt fuchsia selon la lumière. Cela passerait encore, mais ces yeux améthystes ne font que renforcer cette allure atypique. Son visage harmonieux et doux ne viennent aucunement adoucir son halo, rehaussé par un bijou sur son front qui semble curieusement accroché. Un signe avant coureur d’un aposématisme génétique, ou un cadeau de la nature? Elle aurait hérité des cheveux de sa grand-mère et des yeux de sa mère. Un cadeau du ciel.

Mais elle ne s’arrête pas là, elle se recouvre de pierres, de bijoux, des bagues et des broches jusque dans les trois tresses qu’elle noue avec sa crinière flamboyante. Anneaux de jade, parure d’émeraude, bracelets de perles… Remarquable. Remarquée. Que ce soit en habit traditionnel où en étoffe étrangère, elle se veut à la pointe du raffinement, devançant chaque mode pour ne jamais manquer de goût. On prête ce zèle à son statut - en réalité, elle aime paraître, rien de plus, rien de moins.

Elle n’a pas une stature imposante, la dame de couleurs. Elle est assez grande, certes, à un mètre soixante-dix à quelques millimètres près. Mais elle ne présente pas un physique des plus musclés, bien qu’elle semble agile et athlétique. La légèreté qu’elle dégage ne laisse pas pressentir qu’elle soit une grande combattante - et vous aurez raison. Mais elle est tout en mot, en esprit, en discussion. Et en d’autres arcanes qu’elle ne révèle qu’aux intéressés.

Une vraie fleur sauvage, Lan-Lan. Au fond, elle est tout ce que vous voulez qu’elle soit. Mais… Qui est elle?


Où s’arrête le miroir, où commence le mercure?

Sous le masque, c’est un orage, une tempête. Des années à jouer à la fille modèle l’ont abîmée, cassée comme les jolies porcelaines. Et comme elles, elle a peint les fissures avec de l’or.
Tordue, Lan-Lan. Elle aime casser les choses. Elle aime voir le feu brûler.  Elle aime répandre l’acide sur le contour de tout ce qu’elle touche, faire de petits trous dans les choses et les regarder grossir. Comme une poupée, dans une poupée, dans une poupée, il faut creuser profondément pour la trouver sous toutes ces couches de poudre, de parfum, de pierre, de tissu. Elle cache ses coudes couverts de bleu, son cœur couvert de blessure, son esprit couvert de bris.

Lan-Lan est une créature impulsive, un rien sadique, qui n’apprécie que quand ça ne se passe pas comme prévu. Elle aime la spontanéité que le chaos apporte, et au-delà de sa position, elle voudrait voir le pays changer.

Une révolutionnaire? Peut-être. Une amie du désordre? Certainement. Petit produit de sa famille, elle est sortie de sa chrysalide comme un cauchemar. La jeune fille sage cache une tempête, un lion sauvage sous son visage de chat.
Des années de conditionnement l’ont entraîné dans une pente malheureuse, amie du poison, des substances, de toute cette chimie qu’elle craint et admire depuis sa plus tendre enfance. Elle voue pour ces poisons une fascination malsaine.

C’est également une fine manipulatrice - habituée à cacher ses émotions depuis petite, elle aime choisir ses mots, ses gestes, tout pour un marché juteux, un accord historique, une vente, un malentendu, un quiproquo, une guerre. Mettre le feu au poudre est un passe-temps amusant, parfois. Tant qu’on avance quelque part.

Tout n’est pas à jeter, pourtant. Elle n’est pas que tordue, elle a quelques valeurs. C’est une femme brave, déterminée. Comme sa chevelure, elle sait se montrer têtue pour les causes qu’elle défend, et si ses intentions croisent celles d'autrui, elle est même digne de confiance. Et puis, il faut dire qu’elle prend ses responsabilités à cœur - après tout, elle est l’héritière des Fà, et doit agir en tant que tel. Aussi, elle compte défendre bec et ongle sa guilde, et sa prospérité.

Puzzle complexe, Lan-Lan. Mosaïque abîmée. Mélodie tempétueuse. Cha-lan, cha-lan, cha-lan…

Habiletés et pouvoirs

C’est le joyau de la famille Fà, ce qui fera de toi la prochaine passeuse, la prochaine tête de la famille.
La pierre n’était ni belle ni attrayante, et elle ne payait pas de mine pour elle qui aimait les bijoux. Mais elle avait bien sous les yeux un authentique cristal. La toxicomancie est un pouvoir obscur, que certains jugeraient disgracieux. C’est bien lui pourtant qui a apporté à la famille Fà, roturiers parmi la plèbe, son chemin pavé d’or et de fortune. Ce pouvoir sert à l’héritière de la famille à empoisonner, brûler, droguer, transporter toute sorte de substance. La pierre est incrustée à même le porteur via un bijou sur son front, et est transmise à la vingt-cinquième année du nouvel héritier. Pierre banale, vraiment, cachée sous un disque de bronze… Le cœur sous sa carapace; bien que sa présence là ne relève que de la rumeur, les Fà n’en font pas une affaire publique.

Il flotte, il flotte… Huang-Long est plusieurs fois centenaires, maintenant. Une salamandre irisée d’une large taille, pour son espèce; cadeau d’un notable xandrien offert à la tête des Fà peu de temps après leur accession à la noblesse. La créature, symbole de la noblesse, a accompagné les Fà depuis et fut témoin de leur ascension, leur prospérité, leur digression. Leurs pêchés, aussi. Et a orné le cou de tous ses dirigeants.
Huang-Long a un sale caractère. Loin des créatures amusantes et extraverties, il a pour lui la sagesse des anciens et la discrétion des dragons. Il ne bouge que peu, mais se montre remarquablement docile et fidèle, et ne s’approchera pas de quiconque est un danger ou un ennemi de la famille.

L’armada des Fà. Le cabinet de curiosité. La cave maudite. Le reliquaire. Cette pièce est entouré d’un voile de mystère, et n’est accessible qu’aux seuls membres de la famille, et quelques rares élus qui ont souvent avancer les astras pour pouvoir y poser un pied. Véritable temple des substances, la bibliothèque aux toxines s’impose comme une vaste antichambre dont tous les murs sont couverts d’étagères où s’alignent des boîtes, fioles et objets en tout genre. Chacune remplie de potions, poisons, drogues, acides, colles… Une véritable armada pour les empoisonneurs, fruit d’année de recherche, de collection, de transactions sous le manteau. Le trésor des Fà, sans doute, juste après son précieux cristal qui repose aujourd’hui sur le front de sa fille aînée.
L’essentiel du reliquaire reste dormant à la demeure Fà, mais pour les voyages, Lan-Lan s’équipe d’un phylactère, une petite boîte de transport qui prend la forme d’une petite table une fois tout à fait dépliée. Elle lui permet de transporter discrètement cinq substances, et contient également un kit d’injection pour transporter discrètement l’essentiel.

Finalement, Lan-Lan a été éduquée au combat - si besoin. Même si elle n’excelle pas dans l’art, elle peut tout de même se battre, et utilisera alors sa masse, un demi sceptre de combat fait de bois blanc, orné d'une lame courbe tranchante comme un rasoir, en or pur. L'arme est d'apparence rudimentaire, et malgré la maestria de son exécution, fait plutôt peine à voir. Nul doute qu'elle n'entraînera pas la mort de beaucoup de choses - mais elle doit faire au moins assez mal. Et qu'importe: ce n'est pas elle qui sème la mort, au moins elle peut couper son adversaire... Ou son porteur.

Biographie



Il la tenait dans ses bras, petite créature pâle, grelottante, à peine née. Elle n’avait pas deux heures. Ses yeux étaient encore avalés par des paupières grotesquement boursouflées, lourdes et encore un peu rougies, mais leur couleur chatoyante - étrange? Nébuleuse? - apparaissaient de temps en temps dans un élan de conscience. Elle avait quelques minutes, Lan-Lan. Dorlotée par son père qui la berçait hors de son couffin, non loin de sa mère qui se reposait d’avoir donné la vie. Hong-Lan était comblé. Le notable xandrien, habituellement froid et distant, arborait même un sourire tranquille, un point orgueilleux, un rien conquérant. Il avait réussi sa lourde tâche, son unique tâche: choisi à la naissance pour être le mari de la belle Nue, première fille des Fà. La famille Fà, il en avait tout appris, avalant son histoire comme n’importe quelle autre matière qu’on enseignait à l’école. Tout, jusque dans ses secrets - il en serait un jour un membre éminent, autant tout savoir avant le grand jour. Non?
Et pourquoi? Pour être père. Pour être décisionnaire. Pour être négociant de ses talents et ses arts les plus sombres. Pour être le mécène, l’amant, l’agent de celle qui serait son épouse, et aujourd’hui, la mère de son premier enfant. Hong-Lan Fà avait tout réussi… Fortune, famille, réputation.

Elle a tes yeux, mais pas tes cheveux…” Murmura-t-il en passant son doigt sur le front du poupon, dodue et pâle, mais d’où se dessinaient déjà des mèches… Rose, rouge? “Fuschia… Comme ta mère.

Nue étouffa un rire. "Elle est une parfaite Fà, dans ce cas.

Lan-Lan avait déjà tout réussi aux yeux de ses parents: elle était née fille, et avait héritée des attributs de la lignée. Un jour, elle pourrait à son tour tenir la maison, faire fleurir les affaires, donner à son tour une héritière qui elle aussi aurait les yeux de sa mère, rapporter les astras et faire couler les poisons. C’était un jour bénis, un jour beau pour Hong-Lan et Nue Fà, car aujourd’hui, le nouveau jalon de la dynastie était là.

***

Ses petits pas écrasaient la neige qui craquait lourdement sur le sol. L’hiver avait été rude pour tout le monde, cette année là, et les rues de Xandrie étaient recouvertes d’un épais manteau blanc. Elle avait la vie douce, Lan-Lan. Jusqu’ici, tout était radieux. Enfant chérie, gâtée par tout le monde, à l’aube de ses cinq ans, elle n’avait connu que joie et bonheur. Mais ce matin, elle avait été levée aux aurores par les domestiques de la maison, préparée en grande pompe, habillée chaudement, et avait retrouvé sa mère alors que le soleil n’éclairait pas encore les rues. Nue n’avait presque pas changée - même après trois enfants, elle restait une femme à la beauté enchanteresse qui envoûtait quiconque passait trop près d’elle, tel la vipère qui danse dans son panier. Une obligation pour celles qui maniaient le cristal: si elles voulaient conclure un marché juteux ou accomplir une mission délicate… Un beau visage faisait déjà la moitié du travail.

Mais ce matin-là, elle semblait songeuse - les petits yeux pétillants de l’enfant la contemplaient comme toujours, baignés de curiosité. Où allaient-elles, maman? Voir ta grand-mère. Mais grand-mère est partie? Nous allons la voir quand même. C’est loin? Non, remonte donc ton écharpe. Et elles partirent ainsi, égayant les premières lueurs du jour de leur conversation enfantine. Et pas à pas, petit à petit, c’est au cimetière qu’elles se rendaient, dans le caveau familial, là où s’alignaient les pierres ornées du nom des Fà. Rapidement, Lan-Lan se tu, humble, discrète, impressionnée. Nue ne parlait plus non plus. Comme si les deux femmes, captivées et secrètes, se savaient observées par des générations d’autres femmes qui, comme elles, avaient accompli le même rituel, échangé les mêmes mots. Elles marchèrent de longues minutes avant d’enfin arriver sur la dernière pierre, marquée du nom “Xiuzo”. La mère de Nue. La grand-mère de Lan-Lan. Dans un silence religieux, Nue s’agenouilla la première en intimant à sa descendance de faire de même, joignant les mains devant la tombe de sa mère pour réciter des mantras secrets qui n’appartenaient qu’à elles. Et au bout de longues minutes, elle brisa le silence.

zk6q.jpgAutour de toi se trouvent tous tes ancêtres, Lan-Lan. Toutes les femmes et les hommes qui ont bâtis la famille Fà depuis des générations. Toutes celles qui ont manié le cristal, porté les substance, jusqu’à ce que nous soyons là où nous sommes aujourd’hui. Aujourd’hui, c’est à moi qui revient cette tâche. Et demain… Ce sera toi. Tu prendras un jour ma place en tant que gardienne du cristal, des poisons, cheffe de la famille. Ce sera à toi d’être mère à ton tour d’une fille qui pourra prendre ta place. C’est capitale, Lan-Lan, tu comprends? Et pour y arriver, il faudra faire des sacrifices. Car la famille passe avant nous. Tu comprends, Lan-Lan? Tu dois comprendre. Comme j’ai compris, comme ma mère a compris. Tu devras être notre cheffe.

Lan-Lan n’avait pas cinq ans, mais elle avait compris. Et joignant ses mains, à son tour, elle pria.


Xiulan dormait encore - Shizo n’était pas encore capable de marcher. Mais Lan-Lan était déjà debout, devant un large livre couvert de symboles compliqués, de dessins élaborés de plantes en tout genre, de gravures anatomiques montrant quelques unes des plantes les plus venimeuses d’Urh. Un almanach des poisons - ses tresses encadraient son visage d’enfant, de huit ans révolues, future cheffe en culotte courte, une petite qui se voulait déjà grande. Petit produit des Fà. Les images de son cinquième anniversaire lui trottaient toujours dans la tête, depuis trois ans déjà. Son dernier jour d’enfance avant de plonger dans le grand bain. Sa mère n’avait pas menti - elle avait dû faire des sacrifices. Son enfance heureuse, la joie, les caprices. Tout cela lui semblait futile à présent, sous les ordres strictes de son père Hong-Lan qui veillait à ce que son éducation soit parfaite, et sa mère… Plus encore. Mais différemment, pour elle.

Elle avait huit ans, soeur aînée de Xiulan, deuxième née, et de Shizo, troisième née de la famille Fà. Trois soeurs, trois esprits différents mais chacune, à sa façon, descendance des Fà, filles des poisons, dames des toxines. Elle aimait ses sœurs, de tout son cœur. Et pour elle, pour qu’elle n’ait pas à le faire, elle s’appliquait sans relâche à suivre le chemin qu’on avait tracé pour elle, une voie tracée à l’encre pourpre. Le jour, elle étudiait - avec acharnement, dévouement, fièvre même, pour avaler toutes les connaissances qu’on lui lançait, pour être à la cours un parfait enfant de la noblesse, esprit lisse et immaculé, engeance admirable, princesse éduquée. Et comme si chaque poncif était un éclat de porcelaine, elle se construisait un masque. Le masque de la parfaite fille.
Et quand le soir venait - ce qu’elle redoutait le soir - Nue venait la trouver. Et sans rien dire, elle l’amenait avec elle dans le cabinet noir. Une salle petite, cachée dans le coeur du domaine Fà. Une pièce où seule pouvaient entrer Nue, et quiconque elle voudrait amener avec elle. Lan-Lan serrait les mâchoires. Toujours.

Elle priait tous les jours pour que ça s’arrête. Les aiguilles. Que ça prenne fin. Les injections. Qu’un jour elle n’aurait plus à subir les prises de sang et les intoxications. Mais ça ne s’arrêtaient pas, jamais. Nue, comme sa mère l’avait fait avant elle, administrait tous les soirs à sa fille une nouvelle substance. Poison. Drogue. Toxine. Parfois, elle n’arrivait plus à se réveiller pendant plusieurs heures. D’autres jours, elle n’arrivait plus à bouger. Ses coudes étaient devenus bleus, violacés, porteurs des stigmates de l’apprentissage.

Tu dois tolérer ça, Lan-Lan. Faire corps avec la douleur, l’explorer. Connaître chaque substance si tu veux un jour en faire commerce.” La voix de sa mère était ronde, douce - elle aurait presque pu chanter tant chaque mot sentait le miel. Comme une douce ballade qu’elle murmurait à sa fille tous les soirs. Elle n’avait pas le choix, elle appliquait simplement les traditions de sa famille. Et elle savait qu’elle faisait souffrir son engeance - mais pourquoi lutter? Elle essayait de l’apaiser comme elle le pouvait, parfois en chantant, parfois en lui récitant par coeur le contenu de ce qu’elle versait dans ses veines piqûre après piqûre.

Elle encaissait, Lan-Lan.

A chaque fois. Pour toujours.

***

Elle revenait du cimetière seule, ce jour-là. La veille de ses dix-huit ans… Un jour sacré. Elle avait rendu visite à Xiuzo une nouvelle fois - la veille de son dix-huitième anniversaire. Le jour qui marquerait son accession à la position de cheffe de famille, le jour où elle héritera du cristal. Où elle prendrait la place de sa mère à la tête des Fà. Où elle pourrait, comme un serpent, parcourir la cours avec sa propre force, ses propres mots, enrouler ses anneaux comme la vipère qu’elle était pour mieux planter ses crochets sur des nuques vierges.
Après tout, il lui fallait honorer son nom. La famille Fà n'était pas des plus brillantes à la cours. Eminente famille, proche du pouvoir, elle était auréolée d'une obscure aura. Mais elle n'était pas connu pour sa pratique des toxines, non. On la disait riche d'esthètes, d'artistes, d'intellectuels qui faisaient comme tout le monde le pays. Non, il fallait tendre l'oreille et écouter les bruits de couloirs pour connaître la vérité sur la famille Fà. Comme un secret de polichinelle, voulaient savoir qui voulaient, et qui avaient les moyens de se payer leur service.

Sa vie n’avait été qu’une vaste mascarade. Jour après jour, elle avait répété le même ballet. Debout - présentation. Manger. Apprendre. Injection. Dîners. Saluer le roi. Saluer les ministres. Saluer ses professeurs. Sourire - faux. Rire - faux. Dormir avec ses soeurs - sincères. Elle se demandait toujours où elle avait caché son sang-froid, sa force. Dans ses coudes à vifs, peut-être. Derrière chacun des sourires satisfaits de son père. Derrière chaque éclat de rire de ses petites soeurs. Derrière la pensée que peut-être, si elle était assez douée, assez performante, elle pourrait leur offrir une vie plus douce, plus loin des toxines.

En revenant, c’est sur une figure crainte et respecté qu’elle tomba: Hong-Lan. L’homme qui la berçait petite n’avait que guère changé - ci ce n’était pour ses cheveux striés de gris, sa barbe plus imposante, son ventre plus rond. Mais il gardait la même aura magnétique, la même prestance froide et sinistre. Le réputé Hong-Lan, le vénéré Hong-Lan, fin stratège, négoce hors pair, conseillers des plus grands. Second de la famille Fà, à jamais dans l’ombre de sa femme mais cette position lui allait bien. En voyant sa fille aînée, il lui fit signe de le suivre. La pervenche s’exécuta docilement, sans sourciller. La relation entre son père et elle était des plus cordial - certains la jugerait même complètement à la merci des caprices de ses parents, dévouée à sa famille.
Aussi elle le suivie, longtemps, longtemps dans les couloirs de la demeure, une enfilade de pièces qu’on n’aurait pu distinguer ni par les portes, ni par les tailles. Longtemps, jusqu’à une porte noire. Longtemps, jusqu’au coeur du manoir Fà.

Le reliquaire. Elle déglutit. C’était la première fois qu’elle approchait de cette pièce. Le temple des poisons de la demeure - là où se cachaient tous les trésors de sa famille, un temple pour un amateur de substances en tout genre. Son père poussa la porte. Et elle s’y engouffra derrière lui.

Il y faisait froid, bien trop froid pour une pièce normale. Et humide, également. Une odeur de moisissure et de poussière remplissait toute la pièce, on n’aurait su dire si cela provenait du sol, des murs, ou du bois des étagères qui s’alignaient comme des témoins, garnies de toutes sortes de fioles, de boîtes, de bouteilles. Des serpents dans des bocaux en verre, des grenouilles séchées, des poches à venins, des queues de scorpions, des feuilles, fleures.
Lan-Lan les dévorait toutes des yeux. Toutes ces substances qu’on lui avait inoculées depuis tant de temps, et plus encore - Nue lui avait épargné les plus létales, bien sûr. Drogues, anesthésiants, acides, poisons, colle…

Il s’arrêta devant une fiole noire, obscure comme elle n’en avait jamais connue, comme si la surface du verre attirait à elle seule toute la lumière aux alentours. Fascinant. Lan-Lan s’arrêta un instant face à ce curieux spectacle. Les doigts de Hong-Lan attrapèrent la fiole, la déposa doucement dans les mains de sa fille.  

Tu sais ce que c’est?” Elle secoua la tête, négativement. Un sourire éclaira le visage du magistrat. “C’est le chef d’oeuvre de ta grand-mère. Le poison même qui emporta le précédent roi de notre nation. Le poison que notre cher, actuel dirigeant nous a commandé pour emporter son propre père.” Son sourire s’étendit plus encore. “La preuve tangible que nous avons le pouvoir de faire tomber jusqu’aux couronnes, Lan-Lan. Et toi, quel sera ton chef d’oeuvre? Quelle couronne va-t-on déposer à tes pieds?

Le jour de ses dix-huit ans arriva le lendemain. Et ce jour-là, on creusa un trou dans son front pour y sertir le cristal de toxicomancie, héritage de sa famille. Ce jour-là, comme le voulait la tradition, elle prenait la tête des Fà. Nouvelle héritière prenant la suite de Nue. Nouveau visage de la famille dans les hautes sphères de la nation.

Et ce jour là, sa petite soeur, sa chaire, sa meilleure amie, disparue. Xiulan avait fui. Et Lan-Lan et Shizo étaient seules pour la première fois.


Comme une première fissure, son masque si lisse, si parfait, venait de se fendre, de s’éclater. Elle venait enfin de prendre la tête de la famille, de sauver ses soeurs de ce fardeau. Et Xiulan… Le tonnerre agitait toute la maison. L’orage grondait, tout n’était plus qu’éclairs et sol tremblant. Ses premiers jours et elle était amputée.
Et l’orage passa. Elle ne devait rien laisser paraître. Ni la houle, ni la tempête, ni la tristesse, ni la violence. Garder le masque. Garder la beauté. Garder la face. Il ne fallait pas qu’elle montre que c’était dur. Insupportable, même. Il fallait qu’elle reste digne.

Et tout le monde le resta - sauf Nue. La matriarche de la famille fut ébranlée, et ceci acheva de tout à fait détruire ce qui restait de sa psyché. Depuis ce jour, elle ne fut que l’ombre d’elle-même, tantôt sournoise, tantôt perdue, tantôt rayonnante, tantôt désespérée. Une tasse qui se casse peut-être un jour accueillir de nouveau du liquide? Dans le cas de Nue Fà, la réponse était non, et les tasses ne se rassemblaient pas toutes seules et ne pourraient pas revenir à l’état d’avant, sans fissures et sans bris.

Hong-Lan resserra la vis. Froid, il devint glacial. Intransigeant. Gérant les décisions avec une main de maître, imposant les contrats à sa fille qui les accomplissaient sans broncher. D’apprentie, elle passait maître, devant concocter les mixtures, les porter à même les veines, les livrer, quand elle n’exécutait pas elle-même la sentence en distribuant les substances. Elle apprenait la maîtrise de ce pouvoir qui lui montait de plus en plus à la tête. Petit à petit, la fissure se prolongeait, le poison atteignait son coeur pour y répandre des gouttes - de petites perles çà et là d’orgueil, d’égo. Elle excellait, oui. Mais avant toute chose, elle commençait à s’épanouir dans ce vis - le caractère de Xiulan lui revenait souvent en tête. Elle était libre, elle. Et maintenant, dans cette empreinte, elle apprenait à le devenir également.

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Son rempart était Shizo. Des trois filles, Shizo était peut-être la plus sage des trois. Jeune fille au tempérament calme et tranquille, son pragmatisme faisait toute sa personne. Elle rayonnait la discipline, et la force, comme une montagne qui ne pourrait jamais défaillir. Elle avait les cheveux pâles, si pâle… Mais elle aussi avait les yeux de sa mère, et quelque part une mèche seule qui la rattachait à sa grand-mère, Xiuzo. Et son tempérament. Sa résistance aux poison était extraordinaire, son aptitude au combat l’était peut-être plus encore.
Aussi, rapidement, on décida de la placer au Guet. Par voix d’influence, elle fut d’office au service des hauts gradés, suffisamment disciplinée pour être remarquée et formée par les meilleurs.

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Elle était leur montagne. A tous, le roc qui les gardait soudé.

***

Au milieu de l’hiver, leurs pas dans la neige marquait la mesure d’un chemin laborieux. Elles marchaient côte à côte aux abords de Xandrie, soeurs face à l’adversité, effaçant, pour une fois, les convenances que le monde leur imposait pour montrer leur vrai visage. Heureuses, ensembles. elles trouvaient rafraîchissants d’être ensembles et dans leur fonction.

Puis tout bascula.

Une attaque - des assassins d’une famille ennemie peut-être, ou mandatés par une ancienne victime. Trois hommes armés à l’abri de la neige qu’elle n’avait pas su trouver. Shizo fut la première à lever le poing, à dégainer son épée plus vite que Lan-Lan qui n’était armée que de sa masse - elle se servit de la lame pour entailler la paume de sa main et répandre sur la neige son sang brûlant.

Mais elle n’eut pas le temps de réfléchir longtemps.

Un homme tomba. Puis un deuxième. Shizo avait leur sang sur les mains, mais elle s’acharnait encore, protégeant sa soeur au péril de sa vie. “C’est mon devoir de Fà” murmurait-elle tout le temps, jour et nuit, depuis sa naissance. La lame qui s’enfonça entre ses côtes la fit éructer une gerbe rougeâtre, et elle manqua son coup.
Une nouvelle fissure. Destabilisée, Lan-Lan poussa un cri, comme si elle naissait une nouvelle fois, se ruant vers son assaillant comme un trige pour se jeter sur lui jambe la première, heurtant son torse, ses épaules, n’ayant que faire du poignard qu’il agitait devant lui et qu’elle repoussa d’une main ouverte - elle appliquait son sang partout. Sa paume saignait à profusion désormais, mais la douleur était une vieille amie avec qui elle avait appris à danser. Et elle barbouillait maintenant le visage de l’homme de rouge. Pourquoi?
Le secret des Fà.

Son secret.

La pierre dans son front ne lui servait pas seulement à manipuler les toxines. En réalité, elle la transformait en véritable valise ambulante, en poche à toxine sous les traits d’une femme. Pour chaque mission, pour chaque journée, elle remplissait ses veines de toutes les substances qu’elle pouvait.
Et aujourd’hui, ses veines étaient pleine d’acide.
Pendant de longues secondes, elle regarda le visage de son assaillant fondre sous ses doigts, devenir une bouillie rouge et informe, avant que son sang ne coagule de lui-même et qu’elle n’arrête de saigner. Il portrait un sceau - celui d’une autre famille. Saloperie de noblesse.

Elle retrouva Shizo - elle était gravement blessée. Mais elle ne mourut pas. On pu la soigner. Mais là, dans la neige, sous le froid, seules, elles n’étaient plus rien que deux sœurs, deux enfants, que le vent et la douleur malmène, plus de nom, plus de titre. Que deux petites filles.
Saloperie de noblesse.  

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On nomma Shizo capitaine - la plus jeune que le guet ait connu. Lan-Lan fut au premier rang le jour de la cérémonie, devant sa sœur aux côtes bandées qui l’avait protégé au péril de sa vie. Depuis ce jour-là, elle n’avait plus vraiment été la même. Porcelaine émaillée, cassée, elle cachait sous son cœur une tornade. Les Fà? Un mirage, un système cassé. La noblesse? Une illusion, une boîte qui fait plaisir aux plus nombreux. Mais pas à elle. Xiulan… Xiulan avait tout compris. Elle avait saisi l’opportunité de fuir. Elles n’étaient vouées qu’à être de la chair à canon, éventrée sur l’autel de la noblesse pour mettre bas et nourrir les besoins d’une dynastie déjà pourrie.

Mais elle ne le montrait pas, Lan-Lan. Elle entretenait des apparences, des jeux de dupes, continuant de répandre les poisons sur Uhr comme une fée des toxines.

Depuis quelques années, à l’aube de ses dix-neuf ans, elle avait rejoint les monétaristes, profitant de son nom pour y être accueillie à bras ouvert, comme bon nombre d’autres enfants nobles avant elle, flottant sagement sur la vague du népotisme. Ecoeurant.
Mais elle s’y accrocha, tout de même. Des années à apprendre les contrats, les investissements, la négociation, et elle pouvait enfin mettre ses connaissances en pratique. On la jugea apte à monter, à prendre en charge des contrats de plus en plus juteux qu’elle négociait avec brio, le sourire aux lèvres. Son joli minois malicieux ne pouvait être qu’une porte d’entrée vers les astras qu’elle ramenait à la guilde avec son parfum de fleur.

Les pièces pleuvaient maintenant. Comme des étoiles filantes sous ses doigts fins. La guilde lui apportait un réconfort, une place où elle pouvait grandir, se battre par elle-même. Où elle n’avait plus ni obligation pour la noblesse, pour sa famille, pour personne à part elle-même. Aussi elle faisait ce qu’on lui avait appris depuis longtemps: s’appliquer. Elle observait ses pairs, montait en grade, négociait… Tout en observant grandir les autres. Rapidement après son arrivée, une nouvelle dirigeante fut nommée à la tête de la guilde, et Lan-Lan s’en satisfaisait bien. Elle ne pouvait dire qu’elle n’enviait pas sa position, mais elle préférait l’ombre à la lumière. L’ombre, vraiment? Non, elle aimait briller. Mais elle avait ses propres affaires à mener, et son enquête à conduire - retrouver Xiulan, coûte que coûte.

Aussi, elle recherchait bien une autre position. Et quand on la lui offrit sur un plateau d’argent, vantant ses mérites et ses talents pour représenter la guilde à l’étranger, le sourire carnassier qui naissait sur ses lèvres rugit.

Ambassadrice, quelle position sucrée. Elle allait pouvoir la chercher… Et dans un bain d’astras, faire couler l’arsenic. Il y a--t-il meilleur vu pour voir le monde brûler?

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Lady of the meadow (2nde édition) Elle

C'est Lö qui se camoufle discrètement sous une nouvelle peau... Que j'espère un peu acide. A tantôt!



Dernière édition par Lan-Lan Fà le Sam 4 Nov - 21:04, édité 2 fois
Mar 24 Oct - 22:24
Re bienvenue Lö Lan-Lan Fà 1f60b
J'adore l'image que tu as choisit, et ton écriture est toujours aussi plaisante à lire. Un personnage qui promet d'être haut en couleurs, loin de la candeur de notre Lö quotidien (ha ha).
Bon tu connais le reste de la musique pas besoin de te faire le topo ^^

J'espère avoir l'honneur de valider ta présentation, dans tous les cas je ne manquerai pas de la lire ! Courage pour la biographie ^^
Mar 31 Oct - 14:24
Merci infiniment pour ta bienveillance! Lan-Lan Fà 1f33b Trop contente que jusqu'ici tout va bien!

J'aurai sûrement besoin d'un peu plus de temps pour écrire la bio, donc si possible, est-ce que je peux avoir un délais?

A bientôt!
Sam 4 Nov - 17:25
Non, délai supplémentaire refusé !
Ha ha je plaisante, bien sûr !
Courage 💪🏻
Dim 5 Nov - 21:47

La douleur est le poison de la beauté

Belle Lan-Lan, es-tu si insensible ?

Quel délice, mais quel délice de se délecter du poison de cette belle poupée qu'il ne vaudrait mieux pas confier à des enfants. Comme tu le sais, ta plume, j'en suis une adoratrice. Et cette histoire est une drogue à laquelle on devient addict sans modération. Nue va-t-elle retrouver raison ? Qu'est devenue Xiulan ? A quel moment la doucereuse Lan-Lan, à qui tout réussit (et à quel prix ?), va-t-elle tomber de son piédestal ?
Hâte de découvrir la suite de son histoire avec cette belle plume que je jalouse ;)

P.S.: j'ai aimé voir l'évolution en image de Lan-Lan, agrémentant ton texte avec harmonie

Rang : Noble
Pouvoir / Arme : Cristal toxicomancie / familier de la famille salamandre
Affinité : 5 PA
Astra : +200 Astras

La suite logique

Avant d'aller RP, assure toi de bien recenser ton avatar pour que personne ne te le prenne. Si tu ne sais pas avec qui commencer, tu peux toujours faire une recherche de partenaires ou répondre à celles en cours. Accessoirement, tu peux aussi poster ta fiche pour récapituler tes liens, ta chronologie, tes possessions... Enfin, si ton personnage fait partie d'une organisation, n'oublie pas de demander à la rejoindre ou à l'ajouter, si elle n'existe pas encore.