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[+18] Chemins apaisés (solo)

[+18] Chemins apaisés (solo) Brandw10
Ven 9 Sep - 12:26
(Mission : https://www.astrebrume.com/t97-mission-les-aventuriers-du-convoi-perdu)

« Ne t’inquiète… Je peux te tutoyer ? »

Son interlocutrice hocha de la tête. Le mouvement était minutieusement travaillé. Il était à peu près certain que la vitesse à laquelle se releva puis s’abaissa son menton était calqué sur le rythme impérieux du Chant des Trois Pèlerins de la Brume – un opéra très populaire en ce moment, que Tlaxlheel trouvait personnellement particulièrement médiocre – et qu’elle avait intégrée de manière intime nombre d’autres données. L’angle qu’il convenait d’adopter à l’apogée du mouvement pour paraître aussi distante que possible, et celui qu’il était bon de lui voir succéder pour avoir l’air généreuse en donnant son assentiment. Le mouvement presque imperceptible de son torse, alors qu’elle se rapprochait de lui. La femme culminait timidement à un mètre soixante de hauteur. Malgré cela, elle n’était pas intimidée par sa présence, ou tout du moins le cachait-elle bien. Les nobles et les dirigeants, d’Opale ou d’ailleurs, étaient, globalement, des porcs et des enfants de putes très attachés à protéger l’esprit de pute de leurs lignées de putes. Non pas que les masses braillardes et amorphes du reste des herbivores qui grouillaient sur ces terres ne se détachassent par une noblesse laborieuse et fraternelle, ou il-ne-savait-quel-autre vision fantasmée. Mais les nobles, qui par leurs natures étaient entreprenants et par leurs moyens étaient polluants, se démarquaient de la fange protéiforme. Cependant et très rarement, il arrivait qu’il émerge d’entre les volutes crasseuses du tas de fumier un produit moins répugnant.

Un herbivore, toujours. Une gueule plate de peau douce tendue sur des os de poulet. Mais ses yeux perdaient l’éclat tranquille des ruminants, et son parler l’infertilité tragique des puceaux fragiles qui vivaient loin de l’influence formatrice du monde.

De son monde.

Du vrai monde.

Du monde qui allait venir, et devenir, et s’imposer.

« Ne t’inquiète pas, donc. Je vais m’occuper de tout ça. Et je te le dis maintenant : ce ne sera pas qu’un service professionnel. J’y prendrai un plaisir particulier, et m’impliquerai très personnellement pour m’assurer que les choses soient bien faites. »

Il ne fallait pas s’attacher au bétail. Son destin était irrémédiablement lié à celui du tranchoir humide. Mais parfois, l’un d’entre eux, malgré ces belles résolutions et ces sages pensées, s’immisçait en lui. Il se releva, et quitta les lieux. Ils avaient un accord. Pas seulement professionnel, et certainement pas humain. Un accord de saraph à saraph, qu’elle signait sans doute sans réellement comprendre ce que cela voulait dire. Le reste n’était que trivialité.

Dès le lendemain, il avait quitté Opale, et son opulent manoir, sachant que le temps était précieux. Il avait, le soir d’avant, baisé et bu et mangé d’abondance, s’assurant en quelque sorte que le carburant qui l’alimentait brûle sans discontinuer. Il avait rassemblé ses affidés, qui savaient ce qui attendait le groupe : il était loin le temps de la raclure qu’il se coltinait à ses débuts. La plupart étaient morts, et les quelques survivants n’avaient rien à voir avec ce qu’ils avaient été. Ils avaient été remodelés par sa main, qui sculptait la chair et l’esprit aussi surement que la pierre, et été devenus des instruments de sa volonté. Fidèles, parce qu’ils étaient dépendants. Enthousiastes, parce qu’ils savaient qu’il ne fallait pas craindre ce qui allait venir. Zélés, parce que pour partager sa vision, Tlaxlheel n’avait pas besoin de pontifier. Cinq salopards pour deux véhicules, l’un plus grand que l’autre pour pouvoir accommoder son corps massif. Une destination : le nord, et les brumes affamées qui recouvraient les forêts dans lesquelles s’étaient égarés les précédents employés de sa nouvelle amie. Ces derniers avaient apparemment été mandatés pour mettre la main sur quelque chose d’important, et les renseignements qu’elle avait reçu à ce sujet n’étaient pas exclusifs : si elle avait réagi avec prestesse, il n’était pas impossible que des compétiteurs se soient emparés de son butin. Ou que ses hommes, bien qu’elle n’ait pas abordé de manière explicite le sujet, aient choisi de se libérer de leurs contraintes.

Peu importait, au final : son rôle était principalement de s’assurer que son avidité soit satisfaite. Se faire l’instrument de sa vengeance serait éventuellement un bonus plaisant pour tous, mais n’était pas spécialement requis de sa part. Le duo de véhicules, avalant autant le combustible que les kilomètres, eut tôt fait d’arriver à l’orée de la forêt. Devant eux, la brûme. Au moins le chef du groupe était-il toléré à l’intérieur de cette dernière, leur relation et leur entente s’étant solidifiées au fil des ans et des expéditions. Ils se comprenaient, l’un et l’autre, et partageaient des appétits similaires, sinon de par leurs tailles, au moins de par leurs natures.

Il arrêta le convoi, et désigna deux hommes qui devaient servir de gardes. Déployant les défenses statiques qui devaient les aider à protéger leurs précieux moyens de transport, si d’aventures ces contrées normalement désertes se révélaient plus agressives qu’à l’habitude, Tlaxlheel et ses deux gorilles restant se pénétrèrent ensuite les confins du grand bois. Seul un gadget réglé sur la fréquence des appareils de la famille de son employeuse pouvait ici leur servir de lien entre leur groupe et celui qu’ils cherchaient. Ca, et les éventuels talents de pisteurs de sa compagnie. Lui-même était dans ce domaine particulièrement incapable : il pouvait repérer des traces, mais les détails les plus discrets restaient à ses yeux trop insignifiants pour que son esprit n'y prêtre attention. Ses deux compagnons du jour, choisis pour ça, pourraient palier cette lacune. Lui se contentait de rester derrière eux, ne voulant troubler de possibles piste sur son passage : il était souvent obligé de faire sauter les branches basses des arbres.

Il espérait simplement ne pas à attendre trop longtemps. Le voyage avait été ennuyeux, et il avait envie de se détendre.


Dernière édition par Tlaxlheel Azcalxotil le Mer 19 Oct - 11:50, édité 2 fois
Sam 10 Sep - 5:01
Ils marchèrent. Les deux humains qui cheminaient à ses côtés étaient vigilants, et parfois se fendaient d’un commentaire. Ils parlaient de l’état d’une branche brisée, ou émettaient des remarques qu’ils voulaient savantes sur l’état de la piste. Pour peu, ils auraient gouté les déjections des quelques créatures qui infestaient les sous-bois, pour s’assurer de leur fraicheur. Mais outre le fait qu’ingérer sans précaution des déchets baignant dans la brume n’était pas la preuve d’un brio avantageux, les bêtes qu’ils traquaient étaient leurs congénères. Apparemment, cela voulait dire que cette méthode était moins efficace. Tlaxlheel n’était pas certain de la logique de cet argument, mais comme beaucoup de bizarreries des autochtones de l’endroit, il décida qu’elle ne valait pas spécialement la peine d’être étudié. Le bruit régulier de l’appareil qui devait les guider jusqu’à leurs cibles servant de métronome aux conversations, il s’autorisa à prendre la mesure de l’endroit.

Il aimait la Brume. Contrairement aux paons qui gonflaient leurs torses chétifs lors des soirées mondaines, il ne prétendait pas y être chez lui. Et c’était pour cela qu’il l’aimait. Il y avait, toujours, le statut d’intrus. Pas d’ennemi, pas comme nombre d’autres races semblaient l’être, mais d’intrus tout de même. Il devait y rester sur ses gardes, et garder son esprit vigilant. C’étaient ses moments qui justifiaient, au-delà de leur valeur intrinsèque, chaque minuscule seconde de la discipline martiale et physique à laquelle il soumettait quotidiennement son corps. C’était cet endroit qui l’attirait, sans qu’il ne puisse – ou en vérité ne veuille – s’en détacher. Il s’y plongeait, et pouvait oublier un temps les petites bassesses de ce qui passait ici pour une civilisation, et redevenir l’être qu’il était réellement. La Brume, en fait, parlait son langage. Elle se rapprochait pour lui plus d’un membre de sa famille que n’importe lequel de ses affidés, de ses contacts ou même des quelques personnes pour lesquelles il nourrissait une forme d’affection. Ses bras vaporeux l’enserraient presque tendrement, et lorsque leur étreinte parfois se faisait étranglement, il l’accueillait avec une joie féroce.

Il replaça son arme sur son épaule, le bois et le métal glissant sur son cuir, le jeu de ses muscles se déroulant légèrement, la pression exercée sur lui se relâchant momentanément. Son humeur allait en s’améliorant.

Ils finirent tout de même par arriver devant un groupe étranger. Il ne reconnaissait pas leur livrée, ce qui n’était guère étonnant : même les soldats mandatés par les différentes Cités-Etats n’arboraient pas toujours leurs couleurs. Cela offrait, en cas de problème diplomatique, une chance supplémentaire d’éviter certaines complications. Mais au-delà de ce détail, il n’avait pas l’impression qu’ils appartenaient aux forces officielles : leur équipement n’était aucunement standardisé, et ils n’avaient pas l’allure rigide de soldats d’élite envoyés dans des zones à risque. Ils s’entendirent bien avant qu’ils ne se virent, et le groupe étranger sans doute avant le sien. Les saraphs n’étaient pas particulièrement connus pour leur discrétion, et lui-même ne voyait pas l’utilité de déroger à la règle. Il laissait aux courts-sur-pattes le privilège de courber le dos et d’enlacer les ombres. Ce genre de chose, très peu pour lui. Il détailla finalement les personnes qui lui faisaient face, les comptant en les désignant successivement de l’index de sa main libre. Ses deux serviteurs se tendirent, et leurs contreparties, de l’autre côté, en firent autant. Six. Six personnes. Peut-être plus, planqués dans les buissons. Si c’était le cas, il n’en avait pas été informé par ses hommes. Il grogna, et chercha du regard celui qui dans le tas ressemblait le plus à un chef. Ce dernier eut le bon gout de se désigner de lui-même, et de s’avancer pour prendre la parole. Sa voix trahissait la tension qui le parcourait, mais il faisait de visibles efforts pour paraître à la fois maître de soi et de la situation :

« Halte ! commença-t-il. Identifiez-vous !

- Tu connais beaucoup de saraphs qui dirigent des mercenaires dans la brume ? Putain, faut réviser. Bon. On est là pour un truc. Qui appartenait à une expédition mandatée par mon employeur du moment. On va aller le récupérer. On va repartir. Deux options : soit vous l’avez, et il faut nous le remettre pour éviter de tragiques problèmes. Soit vous l’avez pas, et il faut libérer le passage. »

L’appareil pointait certes dans leur direction, mais ne semblait pas indiquer que le fragment était proche. De toute évidence, ce dernier se trouvait encore un peu plus loin. Tlaxlheel espérait simplement que ses interlocuteurs du moment choisiraient la troisième option. Il retint tout de même son impatience, l’empêchant de retrousser autour de ses défenses ses lèvres et de montrer des crocs affamés.

« Tout cet endroit est temporairement bouclé ! Faites demi-tour, et retourner d’où vous venez !

- Bonne réponse. »

Il aurait simplement pu ne pas attendre la répartie du type d’en face, et directement lui rentrer dedans. Mais il voulait donner une image mesurée, même à ses propres sbires, et devait en plus de cela avouer qu’il aimait souvent (presque tout le temps) se laisser aller à ses penchants théâtraux. L’art de la répartie et de la phrase assassine était une des rares particularités culturelles réellement amusantes de l’endroit. Peu de gens ici avaient l’esprit nécessaire pour bien la manier, mais cela n’empêchait pas la chose d’être appréciable. Il se rua dans la direction de ses nouvelles proies, réprimant le cri de joie qui menaçait d’éclater hors de lui, et balança son arme, la laissant décrire par-dessus sa tête un arc qui broya plus qu’il ne fendit l’air, emportant dans son passage plusieurs branches épaisses.
Lun 12 Sep - 11:45
Il avait parfois l’impression que la Brume était vivante. Vivante, pas comme elle l’était. Bien sûr, qu’elle était vivante : elle respirait. Elle demandait, et réclamait. Elle désirait, et dévorait, et enflait comme une grosse pustule enceinte. Et parfois, elle accouchait, et sa progéniture était horrible et magnifique. Mais pas vivante, comme quelqu’un de normal. Comme un esprit coincé dans de la viande et du cartilage et des tendons. Comme quelque chose de simple. C’était quand il frappait, qu’il avait cette impression. Quand son arme s’élevait et qu’il l’abaissait ensuite et que la masse titanesque de métal et de bois pulvérisait ce qui se trouvait sur son passage, et que dans son sillage les filaments de la brume s’agitaient et l’entouraient comme les doigts effilés d’une femme autour d’un sexe. L’image le fit presque rire. Ses lèvres s’entrouvrirent, et leur courbe se fit ligne : elles dévoilaient ses crocs, et se faisaient moins serrées autour de ses défenses. La personne en face de lui, s’imaginant sans doute qu’il ne serait pas capable d’une telle explosion de violence, ou en tout cas priant pour que ce ne soit pas le cas, n’eut pas le temps de réagir. Sa main mal assurée, déjà collée à la poignée de son arme, chercha à l’extraire de son fourreau. Ses doigts tremblants le trahirent. Quand bien même il y serait parvenu à temps, Tlaxlheel doutait que cela aurait fait une grande différence. Il convenait de ne pas parer ses assauts, mais de s’écarter de son passage. L’arbrisseau ne se dressait pas face à la tempête. La fourmi ne se redressait pas devant le chien. L’humain ne bombait pas le torse devant le saraph.

Le sang et la chair giclèrent, et il tourna rapidement son regard sur le reste de l’assemblée. Les petits bouts semblaient perturbés parce qu’ils voyaient. Même ici, où la brume n’était pas la plus épaisse, là où ses attentions cannibales ne faisaient encore qu’effleurer la terre, faire trop de bruit n’était pas une bonne chose. Ou en tout cas, pas quelque chose de très malin. On disait que des monstres hantaient les confins opaques des territoires perdus, et Tlaxlheel pouvait lui-même en témoigner : certains d’entre eux constituaient des défis honorables. Mais il était ici chez lui ; la Brume était une amie, sinon une amante. Extrayant son arme d’un bras tendu, ignorant la brûlure causée par l’effort, il la dégagea du sol enfoncé sous son poids. Le combat déjà s’organisait. Les pauvres cons qui se trouvaient devant eux n’étaient préparés à cela. Certes, il doutait qu’ils formassent une part amorphe et sans intérêt des rangs d’il ne savait quelle ville ou organisation, mais ils n’avaient rien des professionnels capables de réellement exploiter ces territoires. Quelques dizaines de violente secondes plus tard, et l’affaire prenait fin. Une méchante estafilade marrait le flanc d’un de ses acolytes, et son propre cuir était entaillé, malgré la cuirasse qui recouvrait son torse. Rien d’important. Ils bandèrent rapidement les blessures, et les désinfectèrent à l’alcool fort (autant en l’appliquant qu’en le buvant), avant de reprendre leur chemin.

Ils allaient dans la bonne direction. Cela n’était pas nouveau, leur appareil le leur indiquait. Mais plus important sans doute, la résistance qu’ils venaient de rencontrer, aussi symbolique soit-elle, indiquait clairement que son employeuse n’avait pas sous-estimé le danger : demander à Tlaxlheel Azcalxotil de s’occuper d’une mission de routine revenait à demander à un dragon d’allumer le feu du repas du soir. Ses prix reflétaient autant sa réputation que son efficacité, et s’il était d’un professionnalisme consommé, il savait prêter attention aux détails, et n’oubliait jamais rien. Le secret qu'il protégeait aujourd'hui rejoignait sa collection. Ils fouillèrent rapidement les dépouilles, identifiant rapidement leur provenance. Des mercenaires, sans grande surprise. Venus d’Epistopoli, au vu des pièces qui alourdissaient leurs bourses. Ce n’était pas spécialement important : aucun de ces cadavres n'irait jacasser ou se plaindre des mauvais traitements infligés. Mais tout de même, cela voulait dire que l'ordre du jour n'était pas la chasse ouverte, comme cela aurait le cas si ces bougres étaient venus d’Aramila. Il ne se sentait malgré cela que peu l'instinct diplomate, aujourd'hui ; il faudrait composer comme il le pourrait.

Ils s’enfoncèrent de nouveau dans les étendues épaisses de la Brume, la machine bipant de manière de plus en plus rapide. Bientôt, ils auraient toutes les réponses à leur question, et ils sauraient à quel point la mission du jour s’avérerait exigeante. Son sang, encore chaud dans ses veines, battait agréablement à ses tempes, parcourant les chemins épais que traçaient sur les os de son visage ces gros tuyaux caoutchouteux. Il devait avouer espérer que la réponse serait sans appel.
Ven 16 Sep - 8:06
Le reste du chemin fut relativement tranquille, comme il pouvait l’être dans ce genre d’endroit. Il était certes facile de percevoir au travers du voile pudique de la brume les formes éthérées de ses habitants. Eux n’étaient ici qu’invités, et devaient rester vigilants. Leurs lampes jetaient des rayons de lumière crue, qui tentaient maladroitement de trouer le linceul qui les entourait. Plus ils avançaient, plus ce dernier se faisait épais, et plus les monstres qui rodaient autour d’eux se faisaient nombreux, voire insistants. L’instinct mauvais – ou plutôt l’intelligence perverse – qui les animait était un sujet de débat passionné dans tous les cercles érudits. Il s’agissait de savoir s’ils étaient corrompus par leur habitat, ou bien une extension de ce dernier, de la même manière que les branches étaient l’extension du tronc. Le saraph, lui, avait son avis sur la question, mais comme beaucoup de sujets qui passionnaient les petits bouts, il n’était pas certain qu’il soit le plus pertinent.

Il n’était pas médecin.

Il ne venait pas sur ces terres pour faire reculer la brume, qu’il trouvait au demeurant fort sympathique. Il ne s’enorgueillissait pas de vouloir réaliser un grand destin national : les édifices des autochtones, de même qu’eux, étaient voués à la poussière. Il ne voulait pas la paix, ou l’entente, et se moquait de voir le commerce fleurir. Les frontières de son monde et de ce qui l’intéressait étaient parfaitement délimités, et épousaient sans le moindre accroc la forme de son corps. En dehors de lui existaient l’abstrait et le secondaire. Et les chiens. A quatre ou à deux pattes. Une sorte de grand complexe sembla enfin se dessiner devant le trio. Ils étaient proches des faubourgs de l’ancienne ville. Nombre de communautés fermières avaient laissé derrière elles les traces de leur passage, et au vu de la gueule des bâtiments qui perçaient timidement le sol, ils avaient en face d’eux quelques silos et le toit d’une grange. Tout ça dépassait du sol comme les doigts d’un macchabé qu’on aurait enterré vivant : émergeant à moitié du sol, et prenant des allures imploratrices. Il grogna. Il s’improvisait parfois poète, quand il se faisait chier. Ses pensées, toujours actives, dérivaient dans la mauvaise direction. Il n’aimait pas les poètes. Au moins avait-il trouvé de quoi conjurer l’ennui. Il grogna encore, et ses hommes reçurent le message : il convenait de faire preuve de prudence, parce que l’endroit n’était pas sûr. Les restes de civilisation attiraient les monstres de la brume comme une carcasse éventrée les mouches. Sans doute parce qu’ils attiraient aussi bien les aventuriers avides et les explorateurs téméraires.

L’appareil semblait les diriger vers le centre de l’endroit. Il n’était pas certain de ce qu’ils allaient pouvoir y trouver, et savait que les risques d’embuscades étaient élevés. Il doutait que des habitants des cité se soient donné cette peine. Il aurait été nécessaire, après avoir vaincu l’expédition, de trainer le corps et de patienter plusieurs jours, voire plusieurs semaines, le temps qu’un second groupe vienne secourir le premier. Si tant est que quelqu’un s’en donne la peine. Mais malgré ça, Tlaxlheel n’était pas rassuré. Nombre des ennemis qui hantaient l’endroit étaient capables de faire montre de suffisamment d’initiative pour mettre sur pied des plans vicieux. Et piéger le lieu où se trouvait les corps avec une mine de proximité ou un engin équivalent n’était pas particulièrement difficile.

Errant au travers des carcasses des bâtiments, ils progressèrent prudemment. Les mains du géant étaient serrées sur son arme, et comme ses deux sbires, il prêtait attention au moindre détail, guettait le moindre mouvement, la moindre odeur, le moindre son. Mis à part le craquement régulier des charpentes martyrisées et le sifflement du vent dans les anciens greniers éventrés, mis à part l’odeur de la rouille et l’atmosphère épaisse de la brume, rien d’autre que ne semblait avoir pris possession de l’endroit. Eux, et le bip infernal de l’engin qui les guidait. S’il n’avait pas été essentiel à leur mission, il aurait depuis longtemps pulvérisé le gadget maudit.

Et puis, il y eut un mouvement. Lourd et chargé de sens, Tlaxlheel n’eut que le temps de se retourner dans sa direction, mû plus par un instinct atavique que par une décision consciente. Trainant derrière elle des monceaux de brume qui la drapaient comme un lourd manteau les épaules d’un noble, la silhouette renversa un de ses hommes, avant d’effectuer un virage à angle droit, et de disparaitre de nouveau dans les ombres complices de l’endroit. Le mercenaire n’eut pas besoin de confirmer l’évidence. Le bruit sec d’une nuque qui se brise et le chuintement gras du sang qui gicle hors de la gorge lui étaient très familiers.

« Bouge, siffla-t-il entre ses dents, pour s’assurer que son homme soit en état de le suivre. »

Il n’avait, là non plus, pas plus de temps que cela à lui consacrer. S’il comprenait qu’il devait le suivre, ce serait une bonne chose. Le cas échéant, il servirait d’appât à leur nouvel ami, le temps que son chef rejoigne la couverture du bâtiment le plus proche. Ce dernier, au moins, semblait être celui qui contenait ce qu’il était venu chercher. Il se demanda un court instant si l’expédition perdue avait été abordée comme lui l’avait été, et si elle avait cherché refuge de la même manière que lui le faisait en ce moment. Si c’était le cas, ses chances de survie étaient a priori maigres. Merveilleux, se dit-il. Enfin un putain de défi qui en vaille la peine, après s’être fait chier à marcher pendant des heures.
Lun 19 Sep - 11:57
Il ouvrit la bouche, et la ferma. Son premier réflexe était de gueuler, encore une fois. Sur son sbire, contre la créature qui rodait juste derrière eux, ou peut-être dans les toits grinçants de l’endroit, où il ne savait pas où. Si ça se trouvait, elle se planquait dans la boue, dans la boue complice des terres embrumées, et attendait de bondir. Il ne savait pas. Il n’était pas un empaffé de zoologiste. Il chopa le type qui le suivait : ses petites jambes et son aptitude physique ne lui permettaient pas de suivre les enjambées souples du géant. Ils finirent par trouver à ce réfugier dans ce qui avait sans doute été un ancien silo, les pans éventrés s’ouvrant comme des corolles difforme. Il les écarta un peu plus, ses larges épaules et l’arme qui rebondissait sur elle se prenant dans le métal, avant qu’avec un juron à peine articulé il ne finisse par forcer le passage, et se réfugier dans les ténèbres complices. Derrière lui, il eut l’impression de sentir le mouvement aérien d’un corps rapide. Ce n’était pas passé loin. Il lécha l’arrière de ses dents, et se retourna, la bouche ouverte, un filet de bave finissant de s’épaissir autour de la pointe de sa défense droite. Son cœur épais battait dans son poitrail, et de l’organe fusait des vagues de plaisir difficilement retenu. Il était prêt, maintenant. Il avait repris ses esprits, et avait mis les pieds sur un terrain plus conciliant.

A ses côtés, son assistant reprenait son souffle. La débâcle biologique qu’il lui livrait le laissait circonspect : il était dépassé, le temps où il devait composer avec des amateurs. Avec des gens qui ne comprenaient pas ce qu’il attendait d’eux, et qui de toute façon étaient limités non pas par leur seul intellect, mais par la somme modeste de leurs moyens. Il prenait maintenant soin de s’entourer de professionnels. De gens compétents. De vraies crevures, qui suivaient sa piste parce qu’elle empestait le sang et la charogne. Mais à le voir ainsi, couvert de sueur, ses doigts tremblants peinant à serrer son arme, ses lèvres s’agitant, il n’était pas certain de ce qu’il pouvait en tirer. Il soupira. Sans doute allait-il devoir une fois de plus revoir ses standards à la hausse. Il était trop indulgent : il ne demandait à personne de comprendre que la violence se justifiait, que l’argent était le moyen d’y parvenir et le pouvoir de l’exercer librement. Il laissait aux autochtones leurs illusions. Il choppa le type en serrant sa main autour de son épaule, et serra, jusqu’à entendre le craquement familier des petits os qui rompaient sous ses doigts, et de la chair qui perdait sa forme.

Elle devenait malléable. Comme la pierre des statues.

Il ne lui laissa pas le temps de réagir. Le pauvre bougre était visiblement en état de choc, et risquait de se montrer peu coopératif. Il l’envoya contre les murs du silo, voulant autant briser son corps qu’alerter son ennemi. Les habitants de la brume étaient intelligents, et il comprendrait le message qui lui était adressé. Il s’avança vers sa victime du moment, et frappa du pied dans ses cotes, avant de le récupérer de nouveau, et de l’envoyer en-dehors de son abri. Puis, il attendit, les yeux rivés sur le corps encore tremblotants et les yeux effarés de poisson de l’homme. Illyan. C’était son prénom. Il n'avait pas de nom. Un vrai batard. Il retint un rire léger, et resta concentré. Et puis, il le vit.

Il ne savait pas quoi, mais savait que ce n’était pas important. Il s’éjecta hors de son havre. Il devrait y revenir, plus tard : il abritait toujours, dans son obscurité consommée, les restes des incapables dont il devait nettoyer la merde. Son arme se déploya, un mouvement de son épaule et de son bras la faisant décrire un arc lourd et cruel dans les airs, avant que la gravité ne se rappelle à son souvenir, et qu’elle n’aille s’écraser sur le dos de son adversaire du jour. Ce dernier, agile, sembla comme une espèce de bête ophidienne capable de se déboiter, et de s’aplatir sous le coup. Le sol trembla, et enfin Tlaxlheel put hurler ce qu’il retenait en lui, depuis tout ce temps. Un beuglement inarticulé, un mélange de colère et de joie et d’impatience et de frustration et d’extase et de plaisir et de révolte qui s’unit avec un délice maintes fois répété au fracas de son arme qui meurtrissait la terre. Il accompagna le mouvement de celle-ci, l’utilisant comme une perche, et alla se jucher dessus, l’arme prenant la forme d’un pilier dressé. Son pied, passé dans un des anneaux qui entourait sa base, tremblait d’impatience. Le monstre était encore vivant, et avait profité de la poussière soulevée par l’assaut initial pour se replier dans la brume. Mais il reviendrait. Il suffisait à Tlaxlheel de tendre l’oreille. De respirer. D’être présent, et de se laisser envahir par le magma bouillonnant du tourbillon hormonal qui pulsait depuis les glandes de son corps. Il était fait pour cela.

Il satisfaisait ses pulsions ataviques, et c’était la seule expérience religieuse qu’il voulait bien reconnaître : quinze milliers d’ancêtres, en ce moment, gueulaient en lui leur approbation. Il faisait ce qu’il était fait pour faire. Le reste n’était que fioriture.
Jeu 29 Sep - 12:42
Les monstres dans la brume avaient toujours des sales gueules. Des gueules de tueur, mais pas comme lui. Lui avait un masque, épais et solide et infranchissable, qui était posé sur l’architecture épaisse des os de son visage et qui gardait l’intérieur de son esprit. Ses yeux étaient pleins de lumières, et ses dents brillaient aux soleils, et il faisait régulièrement reluire ses défenses. Il était un exemple parfait : un monstre civilisé, un exercice de fascination et de retenue, le pole contraire et pourtant indivisible du champ magnétique proposé par les courts-sur-pattes. Les monstres de la brume n’étaient opposés à rien. Un loup, ça s’opposait à un chien. Un sanglier, à un porc. Un monstre de la brume, c’était l’égal de rien. Un amalgame grossier et sinueux et violent et cruel et terrible, un rappel braillard d’une époque qui refusait de vraiment crever, et dont la gueule ouverte crachait des volutes de merde. Il aimait les monstres de la brume. Avec eux, il savait toujours totalement et immédiatement à quoi s’en tenir. Sa langue maternelle était la leur, et il avait du apprendre à l’abâtardir auprès de ses parents, puis à en parler une autre en venant sur ce continent perdu.

Mais pas ici. Pas maintenant. Pas entre eux.

Il observa les alentours, et tendit l’oreille, tentant de faire abstraction de son qui giclait dans ses tempes et battait dans les tambours de ses oreilles. Il respira un grand coup : la sueur, la sienne. Le sang, celui d’un autre. La terre retournée, et les parfums de la Grande Affamée et de ses rubans argentés. Il fallait attendre. L’animal l’attaquerait, et chercherait dans sa conscience un angle mort. Un relâchement de sa vigilance, un moment indigne de faiblesse, l’ouverture nécessaire pour planter ses crocs dans sa bidoche et secouer. Perché sur son arme, à deux mètres au-dessus du sol comme un macaque dans son arme, le saraph attendait. Et il le sentit venir. Ses deux pieds et ses deux mains travaillèrent de concert, et il se plia rapidement autour de son arme. Il n’avait pas, dans les airs, le même appui, la même solidité, que lorsque ses pieds touchaient le sol. L’impulsion ne pouvait venir que de lui, et il se lova comme un serpent en train d’étrangler son repas autour du cul de son arme, avant de se déplier brutalement et de l’entrainer avec lui. Il la souleva hors du sol, avant que la gravité et l’inversion de son propre mouvement ne se rappellent à lui, et il retomba lourdement, la fracassant dans la direction de la bête.

Il sentit la griffe de cette dernière racler ses cotes. Elle prolongeait un bras visiblement capable de s’allonger au-delà des limites du raisonnable. Mais lui n’était pas de ses bipèdes mous, qui en se levant et en se couvrant de métal avaient limés leurs crocs et leurs griffes. Il savait courir. Il savait mordre. Il savait les secrets qui n’en étaient pas. Et la gigantesque masse d’acier et de bois qui lui servait d’instrument exécuta sa volonté. Le sol s’effondra sous poids, et la terre fut secoué d’un spasme de plaisir, alors qu’il la labourait et creusait en elle une plaie béante. Son mouvement s’arrêtait, le sien commençait. Un sourire éclatant ouvrit sa gueule autour de ses défenses, et un cri, plus un beuglement qu’autre chose, fendit en deux son poitrail. Il retira son arme, et passa sa main là où son cuir révélait ses chairs plus molles. Il saignait. L’artifice qui recouvrait son poitrail s’était révélé insuffisant, comme souvent, mais sans doute avait-il permis de minimiser les dégâts reçus. Et maintenant, il était seul. Sans allié, sans ennemi, et avec une mission qu’il devait encore accomplir. Il bourra sa plaie avec un bout de tissu à peu près propre ; il aurait à faire un bandage plus propre, plus tard ; il était encore pressé, et devait agir rapidement. Non pas qu’il ne veuille pas prendre son temps, mais hélas, certains impératifs tristement pragmatiques se devaient d’être respectés.

Il fallait retourner l’intérieur du silo dont il venait de s’éjecter, et dépouiller tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à quelque chose d’important. Le petit gadget couinait toujours, et il était d’avis d’écourter autant que possible sa vie. Se pliant de nouveau, mais cette fois avec un plaisir bien moins appréciable, il pénétra l’enceinte dans laquelle devaient se trouver les réponses. Et cette fois, personne ne l’empêcherait ni de se rincer l’œil, ni de profaner les dépouilles des morts récents. Ce n’était pas franchement suffisant pour vraiment l’exciter : il avait dépassé le stade de ces petites choses depuis un certain moment. Mais malgré cela, il restait appréciatif de l’opportunité, pas parce qu’elle apportait un gros morceau juteux dans lequel planter ses crocs, mais pour ce qu’elle représentait. Il avait la paix, la vraie paix, pendant un petit moment.

Il s’en lasserait bien vite. Il se voyait de manière très lucide, et savait qu’il avait besoin pour vraiment profiter de son existence de la présence d’autres personnes. Mais pour l’instant, il pourrait se contenter de balader ses doigts épais sur de la viande froide.
Dim 2 Oct - 7:03
Il laisse ses doigts errer sur le poitrail raide du type. Il avait été mutilé, au niveau du ventre, et Tlaxlheel se rendait maintenant compte de ce à quoi il venait d’échapper. Il grogna. A la place des abdominaux du cadavre se trouvait un grand trou béant, comme celui qu’aurait laissé dans un sol boueux une grande ogive : ses parois étaient abruptes et irrégulières. Ca ne ressemblait pas aux marques laissées par une gueule pleine de crocs, aussi exotiques soient-ils. Ca ne ressemblait pas à grand-chose, en vrai. Il n’était pas chirurgien, ni même toubib. Ses connaissances médicales étaient limitées aux bases les plus élémentaires, et s’il connaissait parfaitement son anatomie (c’était important, pour sculpter la chair et la pierre sans déshonorer le matériau), tout cela ne l’avançait pas. Ce n’était pas spécialement important. Cataloguer minutieusement les créatures de l’endroit et leur arsenal n’était pas de son ressort. Il lui suffisait de prévaloir ; tenir des archives était l’apanage des perdants et des imbéciles. Se tirant de ses contemplations, il regarda ce qu’il avait réussit à extraire des poches du pauvre bougre. Ses papiers, et son ordre de mission : ce dernier était froissé, déchiré, et rougi par le sang, mais le saraph connaissait suffisamment ce genre de document pour pouvoir le reconnaître du premier coup d’œil. C’était une bonne chose, se dit-il en l’envoyant derrière lui. Ca voulait dire qu’il avait sous les yeux un type important, pas un simple sous-fifre.

Il rota, son rugissement emplissant l’espace. Tout ça lui avait donné faim, et il avait sous les yeux un bon morceau de bidoche.

Il continua à fouiller, réprimant ses bas instincts. Il pourrait se faire un casse-croute plus tard. D’abord, trouver de quoi continuer son aventure du jour. Il était un bon garçon, avec une bonne réputation de bon professionnel. Mais le cadavre n’avait rien sur lui, rien d’utile en tout cas. Il grogna, et se demanda l’espace d’un instant pourquoi l’appareil l’avait guidé jusqu’à lui. Il souleva le petit gadget, le secoua brièvement, mais ce dernier continua de biper comme le sifflet d’un excité. Tlaxlheel réfléchit un instant : il avait déjà fait les poches du type. Soulevant un sourcil, il déplaça son cadavre. Et il le vit. En-dessous de lui, à moitié enfoncé dans le sol, se trouvait un petit coffret discret, de facture indéniablement ancienne. Le métal qui le composait avait la couleur verdâtre du vieux cuivre, et restait froid ses doigts. Il le secoua à son tour, et n’entendit rien de particulièrement. Malgré cela, la boite semblait pleine, et relativement lourde au vu de ses dimensions modestes. Il la considéra une seconde de plus, eut le plaisir insigne d’en désactiver le petit appareil, ses oreilles le remerciant pour le retour du silence chéri, et il s’apprêta à plonger ses doigts dans le trou qui lui offrait un accès privilégié aux entrailles du mort.

« Ne bouge pas, animal ! fit derrière lui une voix qui se voulait sans doute impérieuse. J’suis armée ! Lève-toi lentement, avec les mains en évidence, et retourne-toi ! »

Il obtempéra, laissant le jeu épais de sa montagne de chair s’activer. Laissant discrètement tomber au sol le précieux objet qui constituait le but de sa mission, il toisa la femme qui lui faisait face. Elle venait de sortir de l’entrée du silo. Elle venait de l’extérieur. Elle avait vu le monstre qu’il venait de briser, et trouvait malgré cela pertinent de le tenir en joue. Son visage était maculé de boue et de sueur, et ses doigts tremblaient autour de la gâchette de son arme. Il reconnaissait la livrée de son uniforme comme celle des affidés de son employeuse du moment. Une alliée, donc, même si son regard fou indiquait qu’elle voyait sans doute la situation d’un œil très différent. Laissant ses mains griffues levées autour de ses tempes, il lui adressa un sourire qu’il voulut rassurant, et ouvrit la bouche pour lui parler :

« Ta gueule ! le coupa-t-elle avant qu’il ne puisse en aligner une. Tu fermes ta gueule. J’ai vu ce que t’as fais au capitaine. T’as touché son cadavre. Tu cherches quoi ? Tu veux quoi ? C’pas par hasard que t’es venu ici.

- C’est ta maîtresse qui m’envoie. Salia, ouais ? Nan, parce que, au vu de ce fiasco, bon. Elle a décidé qu’il fallait envoyer la cavalerie. C’est moi. Baisse-ça, maintenant. »

L’autre hésita. Tlaxlheel répéta son injonction, plus fort, plus fermement. Son interlocutrice était visiblement en état de choc, et s’il doutait que le calibre soit assez puissant pour réellement mettre sa vie en danger, il préférait malgré tout ne pas prendre le risque. La jeune femme finit par abaisser sa pétoire, et le mercenaire ne manqua pas l’occasion. Il se rua sur elle, bondissant en avant, la plaquant contre les parois qui les enserraient, extirpant son arme de ses mains.

« J’devrais t’apprendre une leçon, fit-il en collant son visage au sien. Une très bonne leçon. J’suis sûr que t’aimerais, en plus. Enfin, jusqu’à la fin de la première partie. »

Il considéra un instant la possibilité. Il était un bon garçon, et cela voulait parfois dire donner de bonnes leçons.
Ven 14 Oct - 11:48
Alors que tu es sur le retour, trimballant ton coffre avec toi, suivie par la jeune femme qui te regarde avec un air de dégout manifeste, quelque chose t’interpelle. Enfin, l’absence de quelques chose. La vie semble à l’arrêt, comme mise sur pause. Le silence total et complet, qui annonce que la tempête arrive … Tout ce que tu ne sais pas, c’est la nature du danger, mais quelque chose cloche. Alors que tu chemine et serpente entre les racines d’arbres aussi grosses que l’une de tes cuisses, un mauvais pressentiment te fait presser le pas. Bientôt perdue de vue, la jeune humaine n’arrive pas à suivre, si bien que tu entends un son strident, la voix ressemble plus à un râle, quelqu’un qui voit sa mort arriver, et ne peut rien faire contre elle.
Deux choix semblent s’entrechoquer : Aller vérifier la nature du danger, ou bien fuir. Que feras-tu ?

[***]


La brume était son amie, filant comme le vent, une vraie flèche déchirait comme un couteau à beurre les émanations mystérieuses de ce monde. Plus grand qu’un homme au garrot, des dents grandes comme des épées, faites pour déchirer la chaire, et broyer les os. Il suivait une piste, le ventre vide depuis bien trop longtemps, et la soif de chasse qui le tenaillait toujours. C’était dans sa nature. La loi du plus fort, et lui, se trouvait au sommet de la chaîne alimentaire, étant rarement tombé sur un os, du moins, pas un qu’il me pouvait sectionner. Le pelage gris fondait dans la brume, ses deux yeux bleus clair, et si étincelants qui ne servait qu’un seul objectif : Dévorer ses proies, et que leur dernière vision fut celle d’une horreur sur quatre pattes. Un Warg.
Les humains semblaient vouloir se séparer, aussi ne réfléchit-il pas plus, son gros museau suivant la jeune femme à la traîne rien qu’aux effluves de peur et celles, plus palpables, d’odeurs humaines. Son repas favoris.
Ven 14 Oct - 12:35
Il n’était pas certain que le courant passe bien, entre eux. Elle n’avait pas répondu à ses questions, et se contentait de lui adresser un regard de petite fille bougonne. Du genre qui venait de se faire prendre les doigts dans le pot de confiture, et qui n’appréciait pas qu’on vienne les lui croquer. Tlaxlheel, pourtant, s’était exprimé de manière excessivement claire, s’assurant de ne rien laisser au hasard. Elle avait pris la parole, pour lui assurer qu’elle coopérerait. Ce n’était pas vraiment la question : sa coopération était attendue, et le strict minimum qu’il pouvait attendre d’elle. Il voulait voir si elle allait se soumettre. C’était cela, qui comptait. Qui devait définir leurs rapports, aussi temporaires soient-ils. L’environnement, tout autour d’eux, voulait leur mort, et le saraph n’avait pas le luxe – et encore moins l’envie – de jouer au garde-chiourme. Il fronça les sourcils, et expira par les narines, ces dernières se dilatant pour envoyer un souffle d’air chaud sur la face de la jeune femme. Le message était passé.

Pour être certain de bien l’appuyer, il marqua le pas, et accéléra l’allure. Les cadavres qui s’amoncelaient dans son sillage risquaient fort d’attirer de l’attention, et il ne voulait pas ça. Son sang avait beau hurler dans ses veines, son esprit être plein de visions de délices violents, il connaissait sa situation. Son flanc était meurtri. Il avait besoin de soin. Il ne devait pas mourir ici. Pas maintenant, pas aujourd’hui, pas encore, pas alors que son crâne était encore plein d’idées merveilleuses, et que son art demandait encore qu’il le couronne d’un chef-d’œuvre éternel. La brume s’ouvrait sur son chemin, et se refermait derrière lui, s’ouvrant de nouveau avec beaucoup moins de langueur pour laisser traverser le corps de la femme. Il ne se rappelait déjà plus de son nom, et en vérité doutait de ses chances de survie. Sans doute lui-même serait-il pris d’un instinct meurtrier, si elle continuait ainsi à présumer de son droit à le dévisager de la sorte. Il sentait dans sa nuque épaisse ses deux petits yeux porcins s’y plonger. Et si jamais le saraph ne se décidait pas à l’occire, possédé qu’il était de son tempérament doux et égal, sans doute il-ne-savait-quelle-bête s’en chargerait.

Il le sentit, avant de le voir. Le prédateur, comme convoqué par ses prières silencieuses, tournait autour d’eux. Autour d’elle. Elle puait la viande humaine, la pellicule aigre de sueur séchée collant ses vêtements à sa peau et transformant ses cheveux en un mélange amorphe et boueux. Et si Tlaxlheel ne pouvait pas renifler la peur – pas vraiment – il savait que nombre des habitants de ces contrées baignées par la grande dévoreuse le pouvaient, avec la plus grande aisance qui soit. Ses pas, lourds et pesants, résonnaient dans le silence de l’endroit. Le cerveau du mercenaire exposa rapidement les plans les plus crédibles, et eut tôt fait de les épuiser, tant ils étaient peu nombreux. Il pouvait fuir, tout simplement. Il avait ce qu’il était venu chercher, et ne voyait pas franchement en quoi préserver la vie de cette ingrate était pour lui important. Certes, il pourrait sans extraire d’elle quelques informations utiles, et décider après coup de la livrer ou non à son employeuse, et de faire ou non chanter celle-ci. Mais c’était là quelque chose de très secondaire, qui relevait plus du petit plaisir coupable que de la chose utile. De l’essentiel. Il pouvait charger la femelle sur son épaule. Elle ne pesait pas grand-chose, et il était fort. Mais une de ses mains était déjà encombrée, et il serait en plus de cela certain d’attirer l’attention du nouvel acteur de leur petit drame.

Il pouvait également la défendre. S’en faire une amie. Quelqu’un de redevable. C’était une bonne idée, s’il parvenait à le faire : la garantie d’une entrée privilégiée dans un cercle qui l’était presque autant. C’était le genre de chose qu’il favorisait, qu’il aimait accumuler. Il hésita, un instant de plus, avant de jurer. L’animal venait de bondir, et le saraph le suivi, un cri d’alarme et d’avertissement quittant ses lèvres.

Sa protégée le surprit par sa réactivité, et se jeta en avant.

Le warg, qu’il pouvait maintenant voir très clairement, se révéla en revanche d’une parfaite simplicité. Sa patte s’abattit avec aisance sur l’échine de la jeune femme, la brisant en deux. Tlaxlheel jura, et interrompit son mouvement. Elle ne lui servirait plus à rien, dans cet état. Peut-être à lui boucher une dent creuse, et encore : il doutait que le prédateur, déjà occupé à dépecer la chair du cadavre, accepte de partager. Il interrompit son mouvement, et observa l’animal, qui lui-même le regardait d’un œil distrait. D’un regard qui exprimait clairement ce qu’il pensait : le saraph n’était pas un danger. Tout juste une nuisance, s’il continuait à s’approcher et à interrompre son encas.

Personne ne pouvait le considérer de la sorte. Personne en tout cas qui puisse prétendre à la préservation de son intégrité physique. Le cri précédent brisa de nouveau la frontière de sa bouche, changé en un beuglement rauque de défi, et le mercenaire se rua sur le monstre.
Mar 18 Oct - 21:39
Nouvelle cible, future victime et cadavre en marche, le saraph chargea la bête. Elle feula et se jeta sur lui, ses dents et sa machoire plus grande que les crânes humains, et ses crocs gigantesques, capable de déchirer tout ce qui était organique, sans difficulté. Elle ouvra grand sa bouche en fonçant vers son adversaire.

Car s'il n'avait pas le fumet d'un humain, restait-il une créatures de ce bas monde plus faible que le Warg, la chaîne alimentaire se devait d'être respectée. Il attrapa un bras de ses crocs acérés, pénétra une armure de cuir comme si c'était du beurre, et mâchonna en froissant littéralement son adversaire. La blessure se plissa à mesure qu'il refermait ses crocs, lorsque que de son arme, le Saraph parvient à lui faire lâcher prise, mais à quel prix ?

Il lui restait encore la solution de la fuite face à l'animal enragé, démoniaque et furieux d'avoir été interrompu pendant son repas.
Mer 19 Oct - 12:40
L’autre bouffait son bras. Il s’était jeté sur lui, comme le saraph l’avait fait, et dans le choc de leur corps et après la détonation infernale qu’il avait produit, il avait jeté le bipède à terre. Tlaxhleel connaissait ces créatures, et savait qu’il aurait dû être prudent. Que la bête, en se jetant sur sa collègue, lui offrait une opportunité rare. Mais il n’était pas herbivore, qui se dérobait à l’assaut, qui fuyait la gloire quand elle se présentait devant lui, nue et consentante, son entrejambe humide et ne demandant que son intrusion. Il avait senti, distraitement, les crocs épais du warg broyer son bras sans faire de différence entre les matériaux qui s’étaient dressés sur son chemin. L’adrénaline qui inondait ses artères épaisses autant que sa propre discipline empêchaient certes toute perte de contrôle malvenue, ou tout spasme incontrôlé, mais cela ne l’arrangeait que peu. Il était maintenant manchot, et aurait sans le moindre doute besoin de raquer pour s’assurer les services d’un maître des miracles, capable de s’occuper de sa bidoche. S’il survivait.

Merde.

Il allait crever, ici, comme ça ?

Il avait encore beaucoup à faire. Il en voulait plus. Il gueula, pour la première fois depuis son arrivée sur ces terres inutiles. Il gueula vraiment, extériorisa tout ce qu’il avait en lui, et força les nerfs laminés qui reliaient encore son bras mutilé au reste de son corps à s’activer. Une épaisse sueur macula son front, et ses doigts vinrent faiblement se joindre à la fourrure épaisse de la bête. Ses griffes n’étaient pas suffisantes pour percer son cuir. Pas en tout cas en convoquant les dernières reliques de force qui agitaient encore son membre. Mais il n’en avait pas besoin. Il ne lui fallait que quelques secondes. Quelques précieuses secondes, le temps que l’esprit bassement bestial de son adversaire comprenne que le bras qui osait l’agripper n’était pas le réel danger, que cette nuisance n’était rien d’important. Quelques secondes, le temps que le saraph finisse de lui-même l’amputation de son membre, et que son corps encore valide ne se torde en un mouvement vengeur, envoyant son arme s’écraser contre le flanc dans la bête. Il résistait sans le moindre doute aisément aux intrusions des lames. Mais le pilier qui servait de massue au monstre était dense, et le warg possédait des os. Epais et solides, mais pas indestructibles.

Son arme vint broyer ses cotes, envoyant dans son corps un déluge d’échardes. Et enfin, l’animal se comporta comme un bon chien battu. Il couina, peut-être lui aussi pour la première fois depuis très longtemps. Sitôt que l’animal idiot eut pris conscience de ce qui lui arrivait, il réagit. La main de Tlaxlheel s’ouvrit, incapable de tenir plus longtemps son arme : elle se tint entre eux, droite comme un pilier de temple sur lequel se seraient bien frottés tout un cortège de dévots. Il se redressa tant bien que mal en prenant appui dessus, alors qu’à quelques enjambées de lui le warg boitant le considérait de ses deux petits yeux sales. Ils se comprenaient. Ils devaient se tuer. C’était un devoir moral, un impératif auquel aucun d’entre eux ne pouvait déroger sans se couvrir de honte et de choses pires encore.

Cela faisait partie des éléments essentiels de l’existence, des particules gigantesques qui se divisaient pour former des êtres. Certains émergeaient du même matériau, et se haïssaient pour cela, car ils se voyaient en l’autre, comme s’ils avaient plongé leurs regards dans un miroir déformant.

« Viens, souffla-t-il entre ses crocs. Viens, fils de pute. Enculé d’animal. Viens. J’vais te crever, et j’vais me servir de ta peau comme d’un lit, et je baiserai dessus. Viens ! beugla-t-il en mobilisant ce qui lui restait de souffle. »

Il prit une grande inspiration, et l’animal bondit de nouveau. Il était rapide, et c’était la mort qui suivait dans son ombre. Mais, encore, une fois, il n’était que cela. Rien chez lui n’était tempéré par l’intelligence vicieuse dont seuls les saraphs savaient faire preuve. Tlaxlheel, grogna, et envoya le peu de ressources qui lui restait dans un dernier geste désespéré et vengeur. Sautant sur place, il pivota dans les airs pour se faire parallèle au sol tout en repliant contre son torse ses genoux, avant de déplier ses jambes et de les envoyer dans son arme. Cette dernière gicla elle aussi, imitant le bond du loup-ours, et vint le percuter en pleine gueule. Le saraph grogna, forçant ses yeux à rester ouvert. Il resta au sol, sa main libre serrant sa plaie, forçant le sang à cesser de s’écouler. Si le monstre n’avait pas après ce coup eut le crâne broyé, le saraph crèverait. C’était terminé. Il ne pouvait plus se lever. Il resta assis, à écouter sa propre respiration et les échos mourants du combat. Rien. Plus rien. Le silence.

Un rire irrépressible vint secouer sa cage thoracique.
Mer 26 Oct - 11:46
Il voulait se relever. Enfin non, il voulait rester allongé, mais il fallait qu’il soulève sa grande carcasse, qu’il fasse bouger ses muscles pour que tout s’active correctement. Sinon il allait finir de pisser le sang, et dans vingt ans un grand arbre à la con s’élèverait, ses racines plongées dans le terreau de son corps. Image de merde. Cliché stérile de branleur pseudo-poète occupé à fusionner avec l’écume de sa vie et à se racler la gorge pour retrouver le gout des repas de son enfance. Il devait se lever, donc. Se lever, se mettre en branle, regarder l’état du cadavre, récupérer son arme, récupérer la bête. Après tout, il était hors de question d’abandonner sur place son trophée, même s’il devait pour payer le prix de son arrogance crever la gueule ouverte. Il se força à cesser de rire, les sifflements peinés et rauques qui érodaient ses cordes vocales mourant brutalement, alors que sa cage thoracique se soulevait dans un dernier élan avorté. Il se posa sur ses coudes, enfin sur son coude, et regarda autour de lui, pour la première fois depuis cette minute éternelle qui s’étendait de la fin de sa lutte contre la bête immonde jusqu’au retour de sa capacité à être acteur du monde. Elle était là, la gueule enfoncée, avec son arme qui avait pulvérisé les muscles de sa mâchoire, qui était venue s’enfoncer jusque dans sa nuque.

Le warg avait la gueule balafrée d’un prisonnier trop bavard. On lui avait ouvert les joues, et il tentait de les refermer sur l’équivalent d’un os. Tlaxlheel retint une crise supplémentaire de fou-rire, craignant pour l’intégrité de son corps. Il finit de se relever, ignorant la douleur qui hurlait dans ses fibres, la forçant à se taire.

Ta gueule. Bouge. Ta gueule.

Des imprécations primaires, bien loin de ce qu’il était, bien loin de ce qu’il voulait être. Mais il n’était pas encore parfait, et ce genre d’artifice était parfois nécessaire. Il se parlait à lui-même, parce qu’il avait à la fois besoin de donner des ordres et de se savoir écouté. Et il n’y avait personne ici sur qui passer ses nerfs échaudés. Ce n’était pas forcément une mauvaise chose : livré à lui-même, avec comme seul horizon ses propres capacités, il était forcé de rester tranchant et aiguisé. Il s’avança vers son arme, et tira autant qu’il drapa autour de lui la carcasse du warg. Sa sueur faisait sur son corps rouge une pellicule uniforme et poisseuse, et il était presque certain d’avoir extériorisé autant de liquides en transpirant qu’en saignant. Au moins le corps de son ennemi servirait-il de bandage improvisé. Ce n’était pas très propre, mais le saraph aurait sans doute à refaire un peu plus l’amputation de son membre : il lui restait un vague bout de bras, mais ça ne changerait rien. S’il ne pouvait pas s’en servir pour imposer sa vision au reste de ce monde répugnant, il ne lui servait à rien. Autant s’en délester.

Alors il tira. Il grogna et il souffla et il tira et il serre les dents et il tira encore, et la carcasse derrière lui laissa un grand sillons, ses pattes se dandinant derrière elle au rythme des avancées irrégulières d’Azcalxotil. Ca valait bien une portée, se dit-il, distraitement. Il était vainqueur. La réalité de cette idée pourtant simple était encore distante dans son esprit. Il avait affronté un warg, et en était sorti vainqueur. Il avait surmonté le monstre de la brume. Il avait triomphé. Il était triomphal. Les mots carillonnaient dans sa tête comme les cloches d’une église pénitente, mais il n’avait jamais été particulièrement croyant. Le monde se décomposait en deux parties égales : lui, et le reste. Toute autre catégorisation aurait été superflue. Il avait réduit une part de l’autre, donc. Une part mauvaise et adverse et cruelle, une part dont il pouvait se nourrir et sortir plus grand.

Certes, il y laissait un bras. Le prix était maigre. Il trouverait un moyen de briser ce handicap. Il trouvait toujours. Il continua ainsi, baigné dans la tranquillité nouvelle de la brume et le silence de l’engin qui l’avait guidé jusqu’au but de sa quête ; deux trésors alourdissaient son bras. Il était vainqueur. Il était vainqueur. Un grand sourire illuminait sa face mauvaise, ses dents brillaient, sa langue goutait des saveurs nouvelles, les couleurs inondaient ses yeux en torrent puissants et lumineux, que même l’influence du brouillard omniprésent ne pouvait atténuer, et il était vainqueur. Ses hommes, toujours en train de garder leurs véhicules, vinrent autour de lui en un essaim bourdonnant, le chœur lointain de leurs voix parvenant à ses oreilles comme les échos d’un très mauvais rêve. Il quittait son territoire chéri, pour revenir dans celui des autochtones d’Uhr, et déjà le poison de la nostalgie courait dans ses veines. Ca, et la fièvre, qui étreignait sa conscience et écourtait ses pensées. Il grogna quelques directives inintelligibles à ses affidés. Sans doute comprenaient-ils. Il fallait le soigner, et puis après rentrer.

Il survivrait à sa blessure, et il verrait la suite demain.